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[1 CINÉPHILE = 1 FILM CULTE] : Bronson


#38. Bronson de Nicolas Winding Refn (2008).

" Qu'on se le dise, plus que de simples métrages, les films du génial Nicolas Winding Refn sont de véritables œuvres d'art, des expériences à part pour le peu de cinéphiles se laissant aveuglement embarquer par sa mise en scène particulière, déjantée et sincèrement envoutante.
Bronson est le premier film que j'ai découvert du cinéaste danois et peut-être, sans doute, mon préféré de sa riche filmographie, avec Drive.
Fasciné par l'homme, le bonhomme ne tire pas vraiment les traits d'une simple biographie du détenu le plus dangereux et célèbre d'Angleterre - Michael Gordon Peterson alias Charles Bronson -, il laisse littéralement Bronson se raconter, sans le moindre faux-semblant.
Parce qu'au fond, il n'a pas honte de ce qu'il est le bougre, une véritable bête sanguinaire sans peur, sans regret ni remords, dont la violence n'a pour but qu'une seule et unique chose : la célébrité, faire la une des journaux.
Et par n'importe quel moyen, n'importe quel prix.



Suite à un simple braquage, il écopera d'une peine de sept ans de prison, qui se transformera très vite en une condamnation à perpétuité, avec trente années sur trente-quatre, en isolement.
Confronté à la violence du milieu carcéral, qu'il considérera très vite comme sa seule " maison ", Michael va se créer un personnage : Bronson, alter ego d'une sauvagerie sans nom, une bombe de violence ambulante dont il ne se séparera plus jamais.
Petit à petit, il deviendra la terreur des autres détenus, des gardiens de prison, et même plus simplement de toutes les prisons ou il séjournera.
Mais l'enfermement fera aussi de lui un artiste unique, aux dessins et aux poèmes saisissants.
Déjanté, violent, cru tout en étant aussi un poil comique dans ses bons moments, Bronson est un personnage à part entière qui fait vraiment froid dans le dos.
Totalement habité par le rôle (à tel point qu'il ne fera plus qu'un avec lui), Tom Hardy l'incarnera sans la moindre fausse note, captera l'essence de son existence tortueuse et perturbée, reproduira avec fougue sa haine quasi innée, son débit de parole haché et son timbre soulignant un rictus quasi perpétuel.
Transcendant son personnage du début jusqu'à la fin, avec son charisme et une implication sans failles (une moustache à la Freddy Mercury, une boule à zéro en guise de coupe, et 2500 pompes par jour pendant cinq semaines pour qu'il ressemble lui aussi, à une force de la nature), l'acteur livre un véritable one-man show ébouriffant arrivant même à attirer, parfois, de la sympathie et de la compassion envers lui.
L'un joue le rôle de sa vie, tandis que l'autre fait de sa vie un rôle.



Référentiel (Orange Mécanique de Kubrick, n'est pas loin, que ce soit par la musique envoutante ou les plans collés au plus près des visages), hypnotique (ses plans-séquences et sa bande originale de qualité, la marque de fabrique du réalisateur), poseur (ses plans fixes sur fond noir notamment ou Bronson sourit, puis se fige, rit puis se fige à nouveau, sont tétanisants), la mise en scène de Refn ne laisse pas une seule seconde de répit au spectateur, quitte à littéralement l'asphyxié dans un portrait jamais analytique d'un être à part, indéfinissable et imprévisible.
Un écorché de la vie, pourri par un mal incompréhensible qui le ronge et qui a pour seul remède la violence, pour seul bonheur la joie d'être reconnu et de pouvoir fouler chaque jour les couloirs décomposés et humides des prisons britanniques; une célèbrité fugace bâti dans la terreur qui le pousse à provoquer ses " prolongations de peines " tels des caprices, une volonté de rester sous le feu des projecteurs au sein sa maison d'accueil, encore et pour toujours.
Tournée comme une pièce de théâtre en plusieurs actes, l’œuvre du Danois est une véritable expérience psychologique, sensoriel et déroutante dont les plusieurs niveaux de lecture en font un spectacle à la fois effrayant et fascinant de réalisme et de crédibilité : la mise en images de la vie d'un détenu et d'une âme déstructurée (un enlisement de tous les instants sans un quelconque désir d'évasion), la critique du milieu carcéral britannique, la critique d'une génération ou la soif de la gloire et de la reconnaissance prime sur la raison (qui fait douloureusement écho à celle plus récente de la téléréalité); et d'un point de vue plus hypnotique, le questionnement de la véracité des propos de la " légende " Bronson (tout est vrai ou est-ce le fruit exagéré de l'esprit démesuré d'un individu mégalomane, nettement plus intelligent qu'il ne veut le faire croire ?).



Winding Refn et Hardy bastonnent le spectateur dans ce trip fou, cette plongée coup de poing d'une brutalité sèche dans les profondeurs des instincts les plus primaires et les plus bestiaux de l'être humain.
Un très grand moment de cinéma et d'humanité servis par des talents hors du commun, et qui n'auront pas fini de nous surprendre et de nous éblouir, soyez-en sur.
Petite pensée pour finir cette chronique, au vrai Bronson qui, s'il n'a pas fini de squatter les taules britanniques, n'aura pas fini non plus d'intriguer et de fasciner ceux qui auront eu vent de son histoire, de sa vie, et qui n'auront pas su y rester indifférent. "


Jonathan Chevrier
Plus ou moins fils spirituel du Dude et du Zohan réunis, cinéphile/cinévore/cinémaniaque convaincu depuis mon premier battement de cils, je voue un culte sans borne à Sylvester Stallone. Biberonné aux séries B, les salles obscures sont mes secondes maisons et je fonds comme un vampire au soleil sans ma dose quotidienne de bonnes péloches.


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