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[CRITIQUE] : Ni le Ciel ni la Terre


Réalisateur : Clément Cogitore
Acteurs : Jérémie Renier, Swann Arlaud, Kévin Azaïs, Marc Robert,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Guerre, Fantastique, Drame.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Afghanistan 2014.
A l’approche du retrait des troupes, le capitaine Antarès Bonassieu et sa section sont affectés à une mission de contrôle et de surveillance dans une vallée reculée du Wakhan, frontalière du Pakistan.
Malgré la détermination d’Antarès et de ses hommes, le contrôle de ce secteur supposé calme va progressivement leur échapper.
Une nuit, des soldats se mettent à disparaître mystérieusement dans la vallée.



Critique :


Depuis près de deux décennies, maintenant, l'exceptionnel Jérémie Renier est sans l'ombre d'un doute l'un des comédiens majeurs du cinéma aussi bien belge qu'hexagonal.

Passé sous la caméra de quelques-uns des meilleurs cinéastes francophones (les frères Dardenne évidemment, Christophe Gans, Bertrand Bonello, François Ozon, Olivier Assayas, Florent-Emilio Seri), il jouit aujourd'hui d'un statut non-négligeable dans le septième art européen, à tel point qu'il peut monter/porter des longs métrages sur son propre nom.


Ce qui est le cas pour Ni le Ciel ni la Terre, premier long du wannabe cinéaste Clément Cogitore, écrit à plusieurs mains et porté par Renier donc, mais également deux grands espoirs du cinoche made in France : Kévin " Les Combattants " Azaïs et Swann " Les Anarchistes " Arlaud.

Drame fantastique tourné au Maroc et s'étant joliment illustré lors de la dernière Croisette Cannoise (ou il remporta le Prix du Jury de la Semaine de la Critique), le métrage suit l'histoire du Capitaine Antarès Bonassieu et de ses hommes, qui sont en poste le long de la frontière afghano-pakistanaise.
Alors que les troupes de l'OTAN sont en plein processus de retrait, leur rôle consiste à surveiller les vallées aux alentours d'un petit peuple de bergers.

Leur quotidien est rythmé par la routine, occasionnellement brisée par quelques escarmouches contre un groupe de talibans encore posté dans les montagnes alentours.
Alors que tout le monde semble relativement tranquille, les hommes du Capitaine Bonassieu commencent à disparaitre mystérieusement durant la nuit.
Bien résolu à retrouver leurs hommes, les soldats français décident de mener les recherches au plus vite, ce qui semble à première vue leur apporter autant de réponses que de nouvelles questions...


Si il y a bien un terme qui peut caractériser le premier film de Cogitore, outre certaines faiblesses inhérentes à toute première réalisation, c'est bien ambitieux.
Car rares sont les films hexagonaux proposant des sujets aussi forts et singuliers qu'un mélange des genres joliment habile et étonnant; et encore plus pour un premier passage derrière la caméra.

Sous ses atours de film de guerre contemporain façon no man's land en terre hostile et inconnue (remember Lone Survivor) ou le danger réside constamment - ou presque - dans l'imperceptible, le cinéaste interroge autant son spectateur sur la notion de surveillance que sur la perception humaine (la nuit, seule période de la journée ou l'on n'est jamais vraiment sur de ce que l'on voit; ou encore le culte religieux dont la vision, aveugle pour les non-croyants, est une puissance qui nous dépasse) dans un récit épuré fascinant et hypnotique ou la réalité se mélange constamment avec le mystère angoissant.

Une intrigue à la dimension contrastée, qui incarne autant la force que la faiblesse du film, tant il semble s'entêter à écraser (que ce soit par le biais de ses dialogues lourd ou le manque de fissure dans les certitudes du héros) son mysticisme dépaysant par un réalisme finalement jamais vraiment troublé.


Trip métaphysique inachevé certes, au propos jamais pleinement assumé non plus - peut-être -, Ni le Ciel ni la Terre n'en n'est pas moins une belle péloche anxiogène et tendu, un bel hommage référencé aux cinémas de John Ford et John Carpenter, se jouant de son image de film bidasse pour offrir une expérience singulière et inquiétante, apolitique et bien loin d'une quelconque charge antimilitariste.

Parcours initiatique vertigineux porté par une mise en scène léchée (caméra à l'épaule), un casting impeccable et de vrais beaux moments de cinéma (les scènes de visions nocturnes sont un plus indéniable dans la balance); la péloche est un beau et inattendu premier film, qui n'a décemment pas volé son prix à Cannes, ni même sa nomination pour les prochains César.


Jonathan Chevrier