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[CRITIQUE] : Night Moves


Réalisateur : Kelly Reichardt
Acteurs : Jesse Eisenberg, Dakota Fanning, Peter Saarsgard,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h47min.

Synopsis :
Josh travaille dans une ferme biologique en Oregon. Au contact des activistes qu'il fréquente, ses convictions écologiques se radicalisent. Déterminé à agir, il s'associe à Dena, une jeune militante, et à Harmon, un homme au passé trouble. Ensemble, ils décident d'exécuter l'opération la plus spectaculaire de leur vie...





Critique :

Difficile de ne pas avouer que Kelly Reichardt est incontestablement l'un des visages les plus atypiques et plaisants à suivre du cinéma indé ricain, ces péloches (Old Joy, Wendy & Lucy et La Dernière Piste surtout) faisant d'ailleurs partis du haut du panier de ce que le circuit à produit de mieux ces dix dernières années.

Des histoires d'errances, sortes de portraits de la solitude aux récits aussi minimalistes que simplistes et filmés comme de merveilleux poèmes sur pellicules, qui nous faisait même par instant, rappeler au doux souvenir du cinéma du précieux Gus Van Sant.

Devenu visiblement un poil plus ambitieuse depuis son western La Dernière Piste, la Kelly nous revient donc ce mois-ci avec une œuvre pleine de promesse, Night Moves, ou un thriller sous fond d'éco-terrorisme auréolé de son Grand Prix au festival de Deauville, glané en septembre dernier.

Ou un genre déjà approché avec succès, par le duo Brit Marling/Zal Batmanglij dans le bouillant The East, gros buzz du cinéma indé US en 2013...


Night Moves ou l'histoire, dans l'Oregon du Sud, de trois militants écolos radicaux, Dena, Josh et Harmon, qui planifient un attentat sur un barrage hydro-électrique pour protester contre les projets industriels menaçant leur écosystème.
On ne sait réellement pas grand chose de ses trois personnages - Josh est employé d’une ferme de légumes bio, Dena est une étudiante qui vient d’une famille aisée et Harmon est un ex-marine -, et pourtant, ils sont muer d'une certaine inconscience mais surtout d'un activisme profondément radical.

Et si leurs motivations pour commettre un tel acte restent un poil obscures, la question restera surtout de savoir in fine quelles seront les conséquences de cet acte rageur et engagé sur leur vie de tous les jours...

Force est d'admettre qu'après vision, Night Moves impressionne nettement moins que The East dans un sujet sensiblement équivalent, que ce soit aussi bien dans sa manière de traiter ses personnages - loin d'être aussi empathique -, ou sa manière de réveiller la conscience de son spectateur.

Là ou le film de Batmanglij prenait  le plaisir malsain à soulever des questions tout aussi évocatrices que pesante d'intérêt (" Devons-nous passer aux armes pour rendre le monde meilleur ? " ou encore " Maintenant que nous avons conscience de toute cette saloperie, allons-nous continuer à mener une vie normale et faire comme tout objet de fiction, l'oublier après vision ? "), le métrage manque cruellement d'originalité dans l'installation de son intrigue, et même d'un vrai questionnement sur la nécessité d'agissement au sein de la société actuelle.


Dommage, car dans sa première partie, Night Moves frise la perfection avec une putain d'indécence, tant Reichardt maitrise aussi bien son sujet que sa caméra, décortiquant avec minutie chaque geste, chaque habitude menant vraisemblablement à l'irréparable (la fameuse explosion si longuement préparée).
Entre non-dit (les silences parlent tout autant que les mots) et atmosphère aussi pesante et taciturne que secrète - ou quand la solitude qui lui est si chère rime ici avec clandestinité -, elle maintient une tension constante qui trouvera son point d'orgue dans la lente traversée en barque, ou les personnages se dirigent jusqu’à leur cible, le fameux barrage.

On retrouve même très aisément sa fameuse patte, que ce soit dans sa manière de magnifié la nature sereine et tranquille - contrastant justement, avec les actions des héros - qui défile devant sa caméra (les paysages de l'Oregon sont d'une beauté renversante), constamment spectatrice et enjeu de la bande, ou sa manière d'épouser complétement les personnages qu'elle met en scène, en l’occurrence ici les activistes de l'Ouest américain.

Le vrai hic vient donc au moment de l'attentat (qui ne se passe pas réellement comme prévue mais chut !), et des conséquences de celui-ci sur ses instigateurs impatients, le film se transformant dès lors en une sorte de drame (trop) explicatif et peu subtil sur la culpabilité et les remords - sans que, pour autant, la cinéaste ne juge ses protagonistes -, bourrés de poncifs (les personnages ne se faisant plus confiance, commencent à avoir peur de tout à la limite de la paranoïa ou décrépissent physiquement face au poids de leur crime) et au rythme encore plus désespéramment lent, ou les anti-héros ne semblent plus vraiment assumer leurs actes ou même, leurs convictions, les poussant encore un peu plus dans leur isolement respectif.

Mais fort heureusement, derrière, le casting principal s'évertue de faire le boulot comme il se doit, que ce soit le précieux Jesse Eisenberg, juste et fragile en jeune homme mutique, renfermé sur lui-même et qui cherche sa place dans le monde, mais cela dit toujours prêt à passer à l'action aux côtés de son ami/love interest campé par une Dakota Fanning étonnante de sobriété, tandis que l'excellent Peter Sarsgaard lui, cabotine juste qu'il faut dans la peau de l'activiste le plus expérimenté et décontracté du trio, mais également le plus flippant.


Si l'on se demande toujours un peu ou Kelly Reinchardt a voulu en venir avec son film (Critique du terrorisme sous toutes ses formes ? Volonté de décrire l'infime frontière entre l'activisme et le terrorisme ? Coup de projecteur pour pousser la population à s'intéresser franchement à la préservation de la nature ?), Night Moves n'en reste pas moins une péloche profondément enivrante, poétique et humaine, magnifiquement mis en scène même si elle pâti grandement d'un certain manque de rigueur scénaristique sur toute sa longueur.

Tout comme ses anti-héros, Reinchardt défend une juste cause (film) mais ne semble pas avoir choisi le meilleur moyen d’exprimer ses convictions.

L'essai n'en reste pas moins beau et touchant...


Jonathan Chevrier


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