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[CRITIQUE] : L'inconnu de la Grande Arche


Réalisateur : Stéphane Demoustier
Avec : Claes Bang, Swann Arlaud, Sidse Babett Knudsen, Xavier Dolan, Michel Fau,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Danois.
Durée : 1h46min.

Synopsis :
1983, François Mitterrand décide de lancer un concours d'architecture international pour le projet phare de sa présidence : la Grande Arche de la Défense, dans l'axe du Louvre et de l'Arc de Triomphe ! A la surprise générale, Otto von Spreckelsen, architecte danois, remporte le concours. Du jour au lendemain, cet homme de 53 ans, inconnu en France, débarque à Paris où il est propulsé à la tête de ce chantier pharaonique. Et si l'architecte entend bâtir la Grande Arche telle qu’il l’a imaginée, ses idées vont très vite se heurter à la complexité du réel et aux aléas de la politique.





Sur le papier (et en ne se tenant qu'à son pitch, là où sa campagne promotionnelle laisse un peu moins de surprise sur la nature de son ton), le nouveau long-métrage de Stéphane Demoustier semblait un brin dénoter de ses précédents efforts, tant il n'invitait pas forcément à une odyssée sous tension au plus près d'une figure complexe à la fois vulnérable et impénétrable, plombée par l'ambiguïté de ses choix, terreau parfait pour lui permettre de s'amuser à nouveau avec malice et intelligence, des codes du thriller.

Monumentale erreur tant au détour, une nouvelle fois, d'une histoire vraie (et d'une narration orenant appuie sur le roman La Grande Arche de Laurence Cossé), celle de la construction de l'Arche de la Défense par l'architecte danois Johan Otto von Spreckelsen, le papa de Borgo tisse un solide moment de cinéma noué autour de la confrontation entre la clarté du minimalisme de la vision d'un artiste étouffé par les pressions du capitalisme, et les complexités procédurales - ici - françaises où les technocrates de droite privilégient un pragmatisme radicale, leurs priorités - économiques et électorales - et leur opportunisme tentant de s'approprier comme de remodeler toute vision artistique.

Copyright 2025 AGAT FILMS, LE PACTE

Une fascinante réflexion sur la création artistique comme son sacrifice sur l'autel du capitalisme et de son profit immédiat (on ne peut plus d'actualité, et d'autant qu'il est impossible de ne pas faire un parallèle avec un septième art jugé " non-essentiel " par le pouvoir en place et continuellement ramené à son pendant économique), cousin éloigné de The Brutalist où la mise en scène sobre et dynamique de Demoustier (une alternance minutieuse des perspectives, des plans larges sublimant l'architecture urbaine comme la beauté de décors naturelle, qui laissent place à gros plans serrés dans des bureaux politiques, soulignant l'austérité comme le poids du pouvoir face à la conviction - pas uniquement - artistique) fait joliment son office, le cinéaste nous guidant pas à pas autant dans son exposé d'époque (et sensiblement actuel, comme dit plus haut) d'un contexte culturel français à la destinée totalement liée à la politique en place, qu'au coeur du processus complexe de cette construction, au plus près d'un homme obstiné et vissé sur ses principes (quitte à ce que cela bouffe considérablement sa vie intime), conscient que toute modification compromettrait la pureté de sa vision, conscient que toute altération de son œuvre impliquerait qu'elle ne soit plus sienne - mais celle du système.

Copyright 2025 AGAT FILMS, LE PACTE

Vrai film d'architecture et d'acteurs (d'un Claes Bang qui trouve l'un de ses plus beaux rôles de récente mémoire, à un Xavier Dolan détonnant en jeune technocrate nerveux et cinglant, en passant par un Swann Arlaud convaincant en architecte expérimenté) prenant et fin - jusque dans son humour - meme si pas dénué de quelques couacs (l'intrigue secondaire sur le mariage de von Spreckelsen qui, malgré la présence lumineuse de Sidse Babett Knudsen, manque cruellement d'impact émotionnel), L'inconnu de la Grande Arche subvertit la grandeur et l'importance d'un monument historique, pour mieux scruter l'envers de sa conception et la bataille sourde mené entre l'idéalisme/perfectionnisme artistique et le pragmatisme politique et économique.

Oui, The " Cubist " joue totalement des coudes avec The Brutalist.



Jonathan Chevrier