[CRITIQUE] : Les Braises

Réalisateur : Thomas Kruithof
Avec : Virginie Efira, Arieh Worthalter, Mama Prassinos, Justine Lacroix,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
Karine et Jimmy forment un couple uni, toujours très amoureux après vingt ans de vie commune et deux enfants. Elle travaille dans une usine ; lui, chauffeur routier, s’acharne à faire grandir sa petite entreprise. Quand surgit le mouvement des Gilets Jaunes, Karine est emportée par la force du collectif, la colère, l’espoir d’un changement. Mais à mesure que son engagement grandit, l’équilibre du couple vacille.

Discrètement mais sûrement, forte de choix qui l'a font explorer toutes les nuances de son imposant jeu d'actrice, capable d'alterner entre comédie, drame et polar avec une facilité absolument déconcertante, Virginie Efira détonne, rayonne mais surtout impose sans effort sa marque au sein d'un septième art hexagonal qui, n'ayons pas peur des mots sendiblement élogieux, n'aurait pas été le même sans sa présence lumineuse depuis plus d'une décennie désormais (et ce n'est pas un petit parcours du combattant, quand on regarde d'où elle part).

Un de ses talents rare mais éclatant, qui peut nous vendre un film et nous pousser à se rendre en salles sur sa seule et unique présence (d'autant que, cerise sur le généreux gâteau, elle ne tourne pas pour les cinéastes les plus manchots de sa génération), autant qu'ils peuvent être capables de relever les menus défauts d'une écriture et/où d'une mise en scène ne les mettant jamais assez en valeur - voire même les deux, dans le pire des cas.

Avant de l'apercevoir d'une manière un poil fugace, dans l'excellent Vie Privée de Rebecca Zlotowski à la fin du mois, elle brigue le rôle titre du troisième long-métrage de Thomas Kruithof (l'excellent Les Promesses, drame incarnant autant une exposition des véritables luttes et rapports de force politiques, qu'une étude prenante poussant à la compréhension des différents acteurs de terrain dans la prise de décision politique), Les Braises, dont le titre gentiment évocateur (dans le bon comme dans le mauvais sens du terme) fixe naturellement les deux pôles de sa narration : les braises d'un mouvement social - les Gilets Jaunes - appelé à s'embraser, et celles d'une union passionnée mais fatiguée par la vie, dont l'équilibre vacille lorsque l'un de ses deux piliers intensifie son engagement dans le mouvement social, et délaisse les siens.

L'amour opposé à l'injustice du réel, où Kruithof, à défaut d'offrir un véritable cadre militant et bouillant, retranscrit pêle-mêle le chaos désordonné d'une fracture sociale (toujours aussi) béante en y apportant certes une touche d'humanité plus prégnante, tant l'espoir comme la croyance en une révolte essentielle face aux actions déshumanisantes et humiliantes d'un gouvernement sourd et aveugle face à la douleur des plus démunis, se mêle ici aux émotions contradictoires d'un amour où les regards amoureux laissent place à des disputes et à l'incompréhension.

Si l'on pourra donc tiquer un brin sur son militantisme servant un poil trop de toile de fond, allié à la caractérisation assez primaire de ses personnages (mais moins sur la partition solide du tandem Virginie Efira/Arieh Worthalter), voire sur sa facture (très) scolaire, difficile de ne pas être un minimum touché par Les Braises qui, faute de faire des étincelles avec un sujet douloureusement actuel (une colère sociale légitime et qui menace toujours autant d'exploser), réussit néanmoins à toucher par la vérité de son drame intime et du délitement de son couple vedette.

Jonathan Chevrier