[CRITIQUE] : Hedda
Réalisatrice : Nina DaCosta
Acteurs : Tessa Thompson, Nina Hoss, Tom Bateman, Nicholas Pinnock, Imogen Poots, Mirren Mack,...
Distributeur : Amazon Prime Vidéo France
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h47min
Synopsis :
Hedda se retrouve déchirée entre la douleur persistante d’un amour passé et l’étouffement silencieux de sa vie actuelle. Au fil d’une nuit chargée de tension, des désirs longtemps refoulés et des tensions cachées éclatent — entraînant Hedda et tous ceux qui l’entourent dans une spirale de manipulation, de passion et de trahison..
Il y a quelque chose d'ironique, où de tragique c'est selon, dans l'idée que les meilleurs films du catalogue Prime Vidéo (pimour la plupart des acquisitions - comme Netflix -, qui se comptent elles-mêmes sur les doigts d'une main méchamment amputée, nous sommes d'accord) mériteraient justement de ne pas y figurer et d'atterrir dans nos salles obscures - comme outre-Atlantique, finalement -, preuve accablante d'une production sensiblement jetable qui n'a (dans sa généralité) pour vocation que de n'être consommée et non d'incarner de vraies propositions cinématographiques.
Et dans cette rachitique liste, de laquelle on pouvait facilement ressortir le brillant Nickel Boys de RaMell Ross comme le tout aussi audacieux - mais décemment plus radical - The Assessment (L'évaluation par chez nous), de Fleur Fortuné, il ne serait pas totalement injuste d'y compter le nouveau long-métrage d'une Nia DaCosta en quête de rachat après la (grosse) plantade The Marvels (et dont on attend gentiment son 28 Years Later - Temple of Bones), Hedda, dont la sortie en catimini aurait mérité un poil plus d'écho.
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Réinterprétation au féminisme - comme à l'esprit queer - totalement affirmé de l'une des pièces les plus célèbres d'Henrik Ibsen, Hedda Gabler (qui compte pléthore d'adaptations aussi bien sur le petit que sur le grand écran), dont elle transpose l'action de la bourgeoisie norvégienne du XIXe siècle à la haute societe britannique post-Seconde Guerre mondiale, la cinéaste s'inscrit dans la même veine que l'approche critique du dramaturge norvégien envers la bourgeoisie et ses contradictions/dynamiques de pouvoir intrinsèques (tout en abordant frontalement la question des préjugés raciaux, au coeur du récit et qui justifie presque à elle cette volonte de s'inscrire dans un contexte plus contemporain), tout en swinguant avec les genres et en jouant d'une sensualité gentiment plus débridée, au plus près des aternoiments d'une figure à la fois sensuelle et vénéneuse (que l'écriture expose sous toutes les coutures, même les plus sombres), Hedda, dont la liberté de ton et d'action va de pair avec un net penchant pour la manipulation et la cruauté.
Une femme clairement ambiguë et complexe dont la soif de pouvoir l'a fait cyniquement s'enfermer dans un mariage hétérosexuel (une bisexualité de convenance, tant elle a une attirance plus sincère mais cachée, envers les femmes) sans amour avec un universitaire à la famille aisée (dont elle ne se doute pas qu'il est endetté jusqu'au cou, a la suite de l'achat de leur luxeuse demeure), qui espère briguer un poste de professeur titulaire à l'instar d'Eileen, la belle ex-amante d'Hedda, qui lutte tout comme elle contre les préceptes éculés d'une société au patriarcat solidement implanté, et qui pourrait bien à nouveau retomber sous son charme...
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Petit théâtre des horreurs guindées dont l'intrigue - inutilement - fragmentée est cela dit savamment recentrée sur une seule soirée, dévoilant sans artifice l'extravagance fausse tout en hédonisme et en commérages d'un monde artificiel que son anti-héroine tente de garder sournoisement sous sa coupe, Hedda, pas exempt de quelques panouilles (notamment des personnages qui ne s'extirpe jamais réellement de la rigidité de leurs caractérisation et ce malgré une distribution au diapason, à l'image du joli tandem Tessa Thompson/Nina Hoss, même si la première manque parfois de se perdre dans une théâtralité forcée) mais embaumé dans la splendide partition d'Hildur Ingveldardóttir Guðnadóttir et une mise en scène pleine de panache de DaCosta, jongle entre un chaos Gatsby-esque et une tragédie romantico-historique aux (légers) accents Freudiens sous fond d'isolement et de violence furieuse.
On a (enfin) retrouvé la brillante faiseuse de cauchemar derrière le fantastique Little Woods - déjà avec Thompson -, il était temps !
Jonathan Chevrier








