[CRITIQUE] : On Falling

Réalisatrice : Laura Carreira
Acteurs : Joana Santos, Neil Leiper, Ola Forman, Inês Vaz,...
Distributeur : Survivance
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Britannique, Portugais.
Durée : 1h44min
Synopsis :
Aurora, immigrée portugaise en Ecosse, est préparatrice de commandes dans un entrepôt où son temps est chronométré. Au bord de l'abîme de la paupérisation et de l’aliénation, elle se saisit de toutes les occasions pour ne pas tomber, parmi elles la présence bienveillante de son nouveau co-locataire polonais.
Dans une société contemporaine bouffée par un néolibéralisme exacerbé profondément anxiogène, où la rentabilité économique est instinctivement privilégiée au facteur humain (sa santé comme son bien-être étant au-delà du secondaire), il devient de plus en plus difficile de se sentir un minimum épanouie aussi bien dans sa vie intime que dans sa vie professionnel.
C'est un fait, la notion de " métro, boulot, dodo " n'a jamais été aussi étouffante, laissant le travailleur moyen lentement mais sûrement être tourmenté par ses angoisses (coût de la vie qui ne cesse de grimper, des acquis sociaux continuellement contredis,...), comme par la vérité amère de n'être qu'un pion au cœur d'un algorithme méprisant et pippé qu'il fait fonctionné au prix de son existence, mais où il n'est jamais appelé a être essentiel.
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| Copyright Conic Films |
C'est cette aliénation quotidienne et douloureusement universelle, qui sert de terreau fertile au premier long-métrage de la wannabe cinéaste portugaise Laura Carreira, On Falling, odyssée sombre et désolée d'une jeune femme résiliente, Aurora, dévorée à petit feu par la morosité étouffante d'un quotidien marqué par l'instabilité économique, la redondance écrasante d'un travail déshumanisant et fliqué, et un profond isolement social qui a déjà fait commettre l'irréparable à l'un de ses collègues.
Immigrée marginalisée dans une terre qui lui est férocement étrangère (langue, coutumes mais surtout humainement), elle est la victime directe d'une société aveuglée par la consommation de masse, le symbole désenchanté de - l'immense - coût humain dissimulé derrière l'apparence pratique et expéditive des achats en ligne, et de ses entreprises qui exploitent des employés autant qu'elles les usent jusqu'au point de non retour.
Dénué de tout sentimentalisme putassier, la caméra empathique et sensible de Carreira colle avec une telle assurance au plus près du désespoir sourd de la jeune femme (un sentiment d'immersion sensorielle presque total, complètement renforcé par la prestation tout en intériorité d'une magnifique Joana Santos), au plus près de ses petits gestes où elle s'accroche désespérément à de maigres bribes de dignité pour ne pas que son esprit se noie inexorablement dans l'adversité la plus totale; qu'elle arrive sans peine à rendre cruellement palpable son malheur pour son auditoire : ses maux comme ses angoisses peuvent totalement être les nôtres.
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Portrait édifiant et poignant de l'aliénation contemporaine où chaque interaction sociale prend une importance démesurée (tant elles peuvent, littéralement, sauver une existence), tout autant qu'une exposition rude et frontale de la dévalorisation/déshumanisation des emplois précaires (et de la banalisation terrifiante de la dégradation des conditions de travail qui va avec, où la discipline absurde et abusive prime sur la dignité); On Falling est un formidable et immersif drame intime qui épouse avec révérence le réalisme social du cinéma de Ken Loach (producteur du film, ce qui n'est pas qu'un simple clin d'œil plaqué sur une affiche), à travers une mise en scène comme une écriture méticuleuse et profondément viscérale, où l'authenticité est le leitmotiv essentiel.
On appelle ça un put*** de premier effort.
Jonathan Chevrier


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