Breaking News

[CRITIQUE] : Smashing Machine


Réalisateur : Benny Safdie
Acteurs : Dwayne Johnson, Emily Blunt, Lyndsey Gavin, Ryan Bader,...
Distributeur : Zinc Films
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h04min

Synopsis :
Dwayne Johnson est Mark Kerr, légende du MMA des années 90, surnommé « The Smashing Machine » tandis qu’Emily Blunt incarne son épouse, Dawn Staples.





Près de deux ans après Iron Claw de Sean Durkin, on etait en droit d'espérer de Smashing Machine, estampillé premier long-métrage en solo d'un Ben/Benny Safdie qui nous a jamais déçu quand il portait encore sa caméra avec son frangin Josh, qu'il s'inscrive non pas dans la même lignée magistrale, mais qu'il trompe lui aussi de la formule facile et éprouvée du biopic estampillé moderne, popote familière et redondante de l'hagiographie Wikipedia-esque (dont le biopic sportif, pire encore que son pendant musical, une déclinaison cheap s'adjugeant trop souvent un petit supplément Nutella/glucose plus opportuniste qu'inspirant, pour toucher la corde sensible d'un auditoire plus vulnérable que la moyenne), avec un effort ambitieux, pensé autant pour divertir que pour instruire son spectateur.

Beaucoup d'attentes pour ce qui est, finalement, un put*** de baptême du feu sans aucun filet de sécurité, pour l'un des visages les plus talentueux d'un cinéma indépendant ricain qui les compte sur les doigts d'une main méchamment amputée.

Copyright Zinc

D'un point de vue formel, le contrat est parfaitement rempli, le Benny reprenant le style de cinéma vérité avec sa caméra vissé à l'épaule (zooms et travellings nerveux, le tout embaumé dans le grain si particulier du 16mm), qui était caractéristique de ses efforts passés, collant au plus près des illusions de toute puissance comme de la vulnérabilité profonde et de la lente déchéance de son Goliath endolori, Mark « The Smashing Machine »  Kerr, dont il dresse le portrait à la fois sur et en-dehors d'un octogone qu'il aura marqué de ses poings et - surtout - de ses prises de soumissions, à une heure où l'UFC comme le PRIDE n'avait pas encore fait exploser le MMA à la face du monde - ni fait de l'industrie, un business férocement lucratif.

Narrativement en revanche, le cadet des Safdie privilégie la sécurité, lui qui joue la carte du biopic ciblé en ne se focalisant que sur les dates marquantes de l'existence comme de la carrière de Kerr, trois années qui ont les contours de toute une vie pour le bonhomme qui passera par tous les états possibles, de champion de sa discipline adulé par tous et excessivement confiant à accro aux opiacés, lui dont l'incapacité à surmonter son ego blessé comme d'exprimer verbalement le moindre de ses (res)sentiments (lui qui n'a toujours su s'exprimer qu'avec un corps qu'il a repoussé jusqu'au bout de ses limites), aura des conséquences directes sur sa vie sentimentale avec son épouse Dawn (que l'écriture bazarde avec une légèreté presque gênante, tant elle n'est uniquement caractérisé qu'à travers son instabilité émotionnelle, voire le prisme autoritaire de Kerr).

À défaut de remodeler le moule du genre (ni de totalement s'extirper du mantra d'un Rocky, auquel tous les faiseurs de rêves du cinéma ricain continueront de se référer, mais aussi et surtout du Raging Bull de Martin Scorsese, figure tutélaire des frangins depuis toujours), le cinéaste suit donc un groove bien accordé et sans trop de grumeaux, évitant subtilement tout élan trop didactique tout en appuyant toute son émotion sur la performance habitée et investie d'un Dwayne Johnson impressionnant, lui dont le corps hypertrophié n'a jamais été aussi caressé et exposé avec autant de vérité à l'écran, laissant transparaître une vulnérabilité et une sensibilité qu'on ne lui connaissait pas jusqu'à présent.

Copyright Zinc

Il est le roc (roc, The Rock... tu l'as) fissuré mais vaillant et résilient d'une belle œuvre sur la notion de résignation (affronter le temps qui passe comme un amour plus toxique qu'un mauvais smoothie), qui dépouille les contours épiques et testostéronés de la vérité brutale du ring, pour dévoiler l'incapacité humaine à pouvoir réfréner sa soif de contrôle, même lorsqu'elle est lessivée par le sang et les larmes.

Loin de la frénésie et de la schizophrénie urbaine d'une Grosse Pomme sublimée (mais point des addictions humaines qu'il aborde d'une manière toujours aussi crue et poétique), le plus jeune des Safdie a réellement de jolies choses à nous raconter.
Tant mieux pour nous.


Jonathan Chevrier