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[CRITIQUE] : Ballad of a small player


Réalisateur : Edward Berger
Acteurs : Colin Farrell, Tilda Swinton, Fala Chen, Jason Tobin,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Britannique, Allemand.
Durée : 1h42min

Synopsis :
Un joueur invétéré décide de se faire discret à Macao après que son passé et ses dettes l'ont rattrapé. En chemin, il rencontre un esprit semblable qui pourrait bien détenir la clé de son salut.





Après des partitions à la fois sobres et maîtrisées telles que À l'ouest, rien de nouveau et Conclave, il y avait quelque chose de méchamment détonnant - et d'attirant, soyons honnête - dans l'idée de voir le cinéaste suisse-autrichien Edward Berger, plus où moins brutalement quitte le moule de l'académiquement correct pour voguer avec le bien nommé Ballad of a small player, vers un récit sensiblement plus psychédélique et déroutant (sous fond d'addiction, de malchance et d'auto-destruction maladive) même si doublement sous contrôle : un matériau d'origine plutot solide (il est l'adaptation du pavé éponyme de Lawrence Osborne), et une firme au Toudoum, Netflix, plus réellement coutumière à lâcher les chevaux, en produisant des œuvres échappant à sa mécanique algorithmique.

À l'écran en revanche, la limonade audacieuse s'avère un poil moins goûteuse qu'espéré, Berger, pas forcément coutumier à capturer les descentes aux enfers surréalistes comme les crises existentielles obsessionnelles, se laissant totalement vampiriser par les excès d'une histoire justement trop excentrique pour son cinéma, trop hyperactive au point qu'il n'arrive jamais véritablement à canaliser ses effets, incapable de trouver une cohérence psychologique, narrative voire même tonale à un drame psychologico-spirituel et parabolique sauce néo-noir, à l'ivresse formaliste et au rythme amorphe.

Copyright Netflix

Et difficile pourtant, dans le même mouvement, de ne pas être un tant soit peu captivé par cette plongée onirique et hallucinatoire dans la vie de Lord Doyle (dont la dégaine crie avec gourmandise son imposture et le fait qu'il n'a rien dun Lord), anti-héros désabusé et constamment au bord du gouffre, qui erre tel un zombie au cœur des casinos d'un Macao grotesque et aux doux contours de purgatoire tout en néons criards et en tentations plurielles.
Son mode de vie débridé et déglingué est un suicide à petit feu, lui qui pour anesthésier un mal qui nous est jamais véritablement exposé carte sur table, se noie dans le jeu et l'alcool, faisant grimper lentement mais sûrement des dettes pharaoniques comme son profond dégoût de lui-même.

Un portrait métaphysique sans compromis mais qui sonne bien trop faux tant tout n'y est que survolé et monotone, tant la question des addictions au coeur même de son sujet apparaît moins comme l'expression de pulsions physiques et psychologiques incontrôlables, que comme des rebondissements scénaristiques servant plus où moins habilement la spirale négative d'une quête de rédemption impossible, qui n'implique jamais assez émotionnellement son auditoire (au moins tout autant qu'il délaisse ses figures féminines, presque accessoires) pour la rendre mémorable.

Car tout n'est que façade chez Doyle comme chez Berger et ce malgré l'interprétation fiévreuse et tout en dévotion d'un Colin Farrell merveilleusement pathétique, suintant l'avidité tout comme les mauvais choix, qui tente tout du long de garder vivante la flamme de l'illusion (une partition - mais aussi le personnage - qui aurait décemment fait des ravages dans le cinéma des frères Coen où chez Wes Anderson).

Copyright Netflix

Mais la surenchère stylistique et - superficiellement - intellectuelle (sans compter un score affreusement pompeux et plombant de Volker Bertelmann, moins subtil qu'une salve de pets humides en plein repas familial) d'un cinéaste qui ne sait absolument pas sur quelle table de Blackjack miser ses enjeux, tuent définitivement dans l'oeuf ce qui était, sur le papier, une sacrée proposition de cinéma.

La grosse déception du moment.


Jonathan Chevrier