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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Une journée particulière



Réalisateur : Ettore Scola
Acteurs : Sophia Loren, Marcello Mastroianni, John Vernon, Mietta Albertini, Françoise Berd,...
Distributeur : Tamasa Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Italien, Canadien.
Durée : 1h45min.

Date de sortie : 7 septembre 1977
Date de ressortie : 15 octobre 2025

Synopsis :
A Rome le 6 mai 1938. Alors que tous les habitants de l'immeuble assistent au défilé du Duce Mussolini et d'Hitler, une mère de famille nombreuse et un homosexuel se rencontrent.





Au-delà d'être, peut-être (l'avis est suggestif... mais pas trop), le plus beau film d'Ettore Scola, Una Giornata Particolare/Une journée particulière est avant tout et surtout l'un des films les plus pertinents et subtils traitant du fascisme au coeur d'une Italie pré-Seconde Guerre mondiale, sans pour autant que l'orfèvre italien ne renie totalement ses élans satiriques et socialo-incisifs (comme leur dimension psychologique et morale, pivot essentiel de son cinéma), tant le film s'inscrit parfaitement dans la continuité de son tout aussi magnifique Nous nous sommes tant aimés !.

Prenant comme toile de fond - omniprésente - le sommet Hitler-Mussolini de mai 1938 à Rome (images d'archives à l'appui), qui renforcera l'alliance entre l'Allemagne et une Italie plongeant encore plus durement dans les bras d'un autoritarisme brutal et implacable, le cinéaste s'attache à la brève rencontre aussi humaine que pétri de délicatesse et suspendue hors du temps, qui se noue entre une épouse/mère au foyer aussi réservée et soumise que dévouée et pragmatique (sublime Sophia Loren, dans un rôle totalement à contre-emploi pour l'époque, de matriarche férocement dénuée d'estime de soi), et un présentateur radio homosexuel fraîchement renvoyé et charmeur consigné chez lui par la police (magnifique Marcello Mastroianni, d'une élégance et d'une fragilite rare), dans l'attente d'être envoyé à l'exil par la politique homophobe du Duce.

Deux âmes véritablement soeurs et esseulées dans la prison dorée qui leur sert de cité HLM romaine, qui revendiquent leur désir d'acceptation comme leur liberté (lui de pouvoir être ce qu'il est, elle d'exister autrement qu'une mère ne méritant ni intérêt, ni affection), aussi lessivées que victimes bien distinctes qu'elles sont d'un système profondément répressif et oppressant qui brisent - littéralement - tout espoir, et duquel elles vont tenter de s'extirper le temps d'une journée à l'issue douloureusement tragique, en s'accrochant l'un à l'autre comme aux petits plaisirs d'une vie appelée à, inéluctablement, leur échapper.

Itinéraire d'une journée à la fois sombre et solaire, où la chaleur des mots et de l'écoute se font les antidotes d'un quotidien mortifère, territoire intime propice à sonder la nature même du fascisme (et la théâtralité effrayante du pouvoir de fascination qu'il exerce sur la population), Une journée particulière, merveilleusement lyrique et embaumé dans la photographie aux couleurs désaturées Pasqualino De Santis - qui renforce l'aspect anxiogène de l'histoire -, n'a strictement rien perdu de sa pertinence ni de sa justesse cinq décennies plus tard, à une époque où la nostalgie du fascisme s'est transformé en une réalité politique de plus en plus extrême.

Un chef-d'œuvre, rien de moins.


Jonathan Chevrier