[CRITIQUE] : Springsteen : Deliver Me From Nowhere
Réalisateur : Scott Cooper
Acteurs : Jeremy Allen White, Jeremy Steong, Odessa Young, Paul Walter Hauser, Stephen Graham,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Biopic, Drame, Musical.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h00min.
Synopsis :
La genèse de l’album “Nebraska” au début des années 80, période au cours de laquelle le jeune musicien, sur le point d’accéder à une notoriété mondiale, lutte pour concilier les pressions du succès et les fantômes de son passé. Enregistré sur un magnétophone quatre pistes dans la chambre même de Bruce Springsteen dans le New-Jersey, « Nebraska » est un disque acoustique incontournable aussi brut qu’habité, peuplé d'âmes perdues à la recherche d'une raison de croire.
On ne le répétera jamais assez, dans un paysage cinématographique (pas uniquement Hollywoodien, ne généralisez pas... même si ce n'est pas totalement faux non plus) furieusement gangrenné par des productions simplistes usant inlassablement et sans le moindre remords la même popote établie et éprouvée, le biopic musical moderne peut intimement se voir comme l'une des propositions les plus facilement déclinables du marché.
Il faut dire, une bonne frange (plus de la majorité, et cela resterait une fourchette assez raisonnable) de ses péloches ne sont souvent guère plus que des exercices glorifiés de gestion de marques/icônes, articulés entre des numéros musicaux fédérateurs - continuellement à la lisière du fan service -, des performances d'acteurs plus ou moins grimés à la truelle (genre Alain Deloin... shame si tu n'as pas la référence) et une intrigue distribuant avec plus ou moins de subtilités, des affirmations biographiques généralement approuvées en amont par la succession et/ou les proches des défunts - car un procès ou un bad buzz médiatique fait tâche dans une course aux statuettes dorées.
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Assez marrant finalement de se dire que les deux gros morceaux du genre de l'année, Un Parfait Inconnu de James Mangold et Springsteen : Deliver Me From Nowhere de Scott Cooper (qui comme Mangold avec Walk The Line, n'est pas étranger au biopic musical, lui qui avait déjà concocté le magistral Crazy Heart), dont les similitudes vont bien au-delà du simple hasard, soient deux efforts qui placent la notion de créativité musicale à la même hauteur que le portrait ciblé des légendes vivantes qu'ils prennent pour sujet.
Deux films qui ont trouvé aussi habile que subtile de s'extirper de l'approche majoritairement (exclusivement ?) superficielle de l'hagiographie facile (inspiré ici du roman Deliver Me From Nowhere de Warren Zanes), pour mieux s'attacher à une période ausi courte que charnière, formatrice et révolutionnaire, aussi bien pour l'existence de son sujet (la création perturbée à contre-courant de l'album Nebraska, pièce monumentale de l'édifice qui allait faire du jeune chanteur le " Boss " qu'il est devenu par la suite) que pour l'histoire même de l'industrie musicale (sur laquelle il est, bonus, loin d'être compliqué de taper).
Et Cooper se tient tout du long, admirablement, à son parti pris introspectif et intimement plus sensible que la moyenne même si loin d'être dénué de quelques clichés faciles (tout génie artistique ne peut être qu'un mari pitoyable...où pas loin), tant il met méticuleusement en avant le processus créatif de l'album (un déballage parfois technique mais qui, fort heureusement, n'est pas là pour larguer le profane au premier transfert de démo) tout autant qu'il s'efforce à révéler le parcours émotionnel complexe (pour ne pas dire au bord du gouffre) que l'enfant chéri du New Jersey arpentait durant cette expérience aussi difficile et sous tension qu'exigeante - à tous les niveaux -, où il lui impossible d'échapper à lui-même.
Une volonté de dépouiller le mythe Springsteen pour tenter de capturer l'âme qui se cache derrière, de sonder comment il a su affronter puis transformer ses émotions - pas uniquement refoulées - comme son combat contre la dépression et ses traumatismes d'hier (avant tout et surtout un père alcoolique et brutal, auxquels s'ajoute des inspirations diverses et variées, allant des romans de Flannery O'Connor à un fait divers particulièrement violent), pour accoucher d'une œuvre d'art majeure.
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Creuser le mythe Springsteen pour comprendre Bruce sans forcément s'inscrire comme un portrait/récit définitif sur le bonhomme, à l'image même de la partition tout en dévotion d'un Jeremy Allen White qui a le bon goût de ne jamais se perdre dans un mimétisme putassier.
Comme Cooper avec sa peinture ciblée et ramassée (moins didactique et arrogante que vouée à subtilement mettre en valeurs les raisons pour lesquelles l'aura comme l'héritage de Springsteen dans la culture musicale et même populaire américaine, s'étend bien au-delà de ses immenses hits) à la mise en scène particulièrement organique, qui fait corps avec son sujet, White s'abandonne sans réserve pour mieux capturer l'âme du Boss au point que sa copie surpasse assez joliment l'absence de ressemblance physique (qui, sur le papier, était un méchant freint).
Une performance à laquelle répond un autre Jeremy, Strong, particulièrement inspiré dans la peau du - discret - manager et ami du Boss, Jon Landau.
Si tout n'est évidemment pas parfait (comme sa fin absurdement abrupte - à tel point quelle n'en est pas réellement une -, où encore l'écriture de ses personnages féminins, presque superficielle, à l'instar comme dit plus haut de la sous-intrigue romantique autour du personnage de Faye, totalement superflue et caricaturale), difficile de jeter la pierre à un biopic tout aussi appliqué et sensible qu'il est particulièrement amer et vulnérable, voguant à plusieurs coudées de la piètre qualité à laquelle le genre nous a habitué ces dernières années.
Jonathan Chevrier







