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[CRITIQUE] : Hors-service

Réalisateur : Jean Boiron-Lajous
Acteurs : -
Budget : -
Distributeur : Les Alchimistes
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h26min

Synopsis :
Six démissionnaires de la fonction publique sont réunis dans un hôpital abandonné. En investissant les lieux, les ancien·ne·s juge, policier, anesthésiste-réanimatrice, enseignante et facteur échangent sur la souffrance au travail et le conflit éthique qu’ils ont vécu suite au démantèlement du service public.





Dans une société française contemporaine littéralement bouffée par une politique hors-sol, où les belles paroles d'hier sont les mensonges d'aujourd'hui et de demain (si tenté est qu'elles aient été authentiques un jour), il devient de plus en plus difficile de se sentir un minimum épanouie aussi bien dans sa vie intime que dans sa vie professionnel.
C'est un fait, la notion de " métro, boulot, dodo " n'a jamais été aussi anxiogène, laissant le citoyen moyen avec l'impression amère de n'être qu'un pion au cœur d'un algorithme méprisant et pippé qu'il fait fonctionné au prix de sa santé, mais où il n'est jamais appelé a être essentiel.

Professeur de cinéma et documentariste émérite, Jean Boiron-Lajous, au cinéma sensiblement engagé, prend le pouls de cette lente déclinaison de notre chère France, et plus particulièrement d'un service public proprement à l'agonie, à travers un nouvel effort au parti pris aussi simple que particulièrement malin : donner la voix aux seuls capables de témoigner de cette dégradation graduelle, des anciens fonctionnaires aux horizons comme aux âges divers - un juge, un facteur, une médecin, deux enseignantes et un policier.
Six figures désabusées comme autant d'exemples de parcours professionnels marqués par une usure (et non un rejet de leur passion comme de leur foi en leur profession, la nuance est importante) et le sentiment pugnace que l'élément humain n'a plus sa place, dans les rouages d'une mécanique déshumanisé et déshumanisante où les moyens comme les effectifs manquent, avec pour seule réponse un silence de plomb (et des décisions encore plus restrictives) de la part des institutions.

Tout en conversations prenantes et en saynètes improvisées, embaumé dans une sorte d'onirisme assez délicat de par la symbolique de son cadre (un hôpital littéralement en ruines qui, étrangement, reprend vie par la présence même de la caméra et des différents protagonistes), sorte d'oasis désaffectée d'un monde post-apocalyptique - où en passe de le devenir -, Boiron-Lajous prône autant une prise de conscience collective nécessaire qu'une réforme essentielle du service public, dans un cocktail mi-utopique (la pensée est belle, son exécution apparaît presque impossible... aujourd'hui), mi-poignant peut-être un peu trop bien pensé pour être totalement authentique.

Mais le message n'en reste pas moins cruellement important, même s'il ne sera point écouté par ceux a qui il est puissamment destiné.


Jonathan Chevrier