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[CRITIQUE] : Ce que cette nature te dit


Réalisateur : Hong Sang-soo
Acteurs : Ha Seong-guk, Yoon So-yi, Kwon Hae-hyo,...
Distributeur : Arizona Distribution
Genre : Drame.
Nationalité : Sud-coréen.
Durée : 1h48min

Synopsis :
Donghwa, un jeune poète de Séoul, conduit sa petite amie Junhee chez ses parents, aux alentours d’Icheon. Émerveillé par la beauté de leur maison nichée dans un jardin vallonné, il y rencontre son père qui l’invite à rester. Au cours d’une journée et d’une nuit, il fait la connaissance de toute la famille et la nature de chacun se révèle.





L'affirmation est facile, peut-être vulgaire d'une certaine manière, mais gageons qu'il n'y a pas de cinéma comme celui de l'orfèvre sud-coréen Hong Sang-soo, qui repose de manière aussi obsessionnelle sur la réitération insistante de situations, de rôles, de personnages, de schémas narratifs presque similaires (puisque marqués par d'infimes nuances/variations essentielles); dite formule qui d'une manière assez miraculeuse, ne s'étiole pas de film en film, n'éreinte jamais son auditoire.
Un miracle donc, où la preuve irréfutable d'une maestria sans nulle pareille.

Si les réunions Berlinoises et Cannoises ne seraient rien - où presque - sans leur dose " Sang-sooienne " régulière, il est obligé d'admettre que les salles obscures ne s'en sortirait pas forcément mieux sans leur double, voire triple, séances annuelles (double cette année), selon les aléas de la distribution.

Copyright Jeonwonsa Film Co.

Passé le beau La Voyageuse avec notre Isabelle Huppert nationale en début d'année, drame poétique d'une modestie trompeuse frappe d'une pincée de nostalgie et de mélancolie baignant dans un shot de makgeolli, il nous revient en ces dernieres heures d'octobre avec Ce que cette nature te dit, odyssée fondamentalement existentielle dont l'écriture en apparence linéaire mais directe va une nouvelle fois de pair avec la (fausse) nonchalance de sa mise en scène savamment épurée, lui qui fait notre de la rencontre fragmentée et arrosée entre le naïf et gentil poète Donghwa (avatar évident du cinéaste) et la famille de sa petite-amie, Junhee.

Vingt-quatre heures hésitantes où les politesses convenues nées d'une gêne logique mais cocasse, laissent très vite poindre des questionnements plus incisifs comme la crudité de tensions à la fois traditionnelles et générationnelles.
Soit le terreau parfait pour dégainer une fascinante méditation sur la perception de l'art comme reflet de nos propres incertitudes, croulant lentement mais sûrement sous le poids des attentes/normes sociales comme d'idéaux que l'on ne peut pleinement suivre ni incarner (l'aveuglement de Donghwa face à sa conviction que l'art doit naître du renoncement à soi-même et des privilèges hérités, symbolisée par sa voiture cabossée à travers laquelle le père de Junhee juge de sa valeur).

Copyright Jeonwonsa Film Co.

Usant du makgeolli et du whisky comme des élixirs philosophiques et métaphoriques, les armes de destruction massive d'une hospitalité sud-coréenne visant à faire exploser les non-dits dans l'ivresse de discours où la moindre quête de vérité engendre encore plus d'incertitudes (et même de la colère), Hong Sang-soo compose un nouveau requiem fascinant et ambiguë, une étude de mœurs triste et ironique qui trouve totalement sa place entre le minimalisme baroque (et flou) de In Water et la profonde introspection de De nos jours...


Jonathan Chevrier