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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Entre le ciel et l'enfer


Réalisateur : Akira Kurosawa
Actrice : Toshirô Mifune, Tatsuya Nakadai, Kyôko Kagawa, Tatsuya Mihashi,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h23min

Date de sortie : 9 juin 1976
Date de ressortie : 3 septembre 2025

Synopsis :
Industriel au sein d’une grande fabrique de chaussures, Kingo Gondo décide de rassembler tous ses biens afin de racheter les actions nécessaires pour devenir majoritaire. C’est à ce moment-là qu’il apprend que son fils Jun a été enlevé et qu’une rançon est exigée. Se produit alors un véritable coup de théâtre : ce n’est pas Jun mais Shin’ichi, le fils de son chauffeur, qui a été enlevé. Gondo est désormais face à un dilemme : doit-il dépenser toute sa fortune pour sauver l’enfant d’un autre ?





Un an après une rétrospective aux petits oignons consacrée à sa gloire, l'orfèvre Akira Kurosawa, toujours sous la houlette d'une Carlotta encore une fois dans les bons coups, retrouve nos salles obscures avec une édition toute pimpante du monument Entre le ciel et l'enfer (que Spike Lee vient tout juste de remaké avec Highest 2 Lowest, disponible - hasard du calendrier dirons-nous - ces jours-ci sur Apple TV).

Soit, pour les non-initiés, une adaptation du Rançon sur un thème mineur d'Ed McBain (Kurosawa, le plus « occidental » des réalisateurs japonais, n'a jamais caché l'influence du cinéma ricain sur son cinéma, un comble quand on sait que l'industrie Hollywoodienne ne sera plus jamais la même à la sortie de son Rashōmon), parfaite continuité à Chien enragé (le personnage du détective Tokura peut se voir comme une extension mâture du jeune policier Murakami) qu'à son Les Salauds dorment en paix (sa relecture contemporaine d'Hamlet) où il scrutait déjà la décadence morale au cœur d'un thriller tout en tension.

Copyright 1963, Toho Co., Ltd All rights reserved

Alors oui, c'est comme le Port-Salut, c'est écrit dessus (expression de boomer, bonsoir), tout est question ici de ciel/paradis et d'enfer dans ce Japon contemporain qui émerge d’années d’occupation et tente s’habituer à une ère de développement économique immodéré, d'opposition entre l'opulence complaisante (le monde d'en haut) et le nihilisme nécessiteux (le monde d'en bas), avec une figure policière tentant tant bien que mal d'arbitrer en zone grise, au carrefour de leurs percussions.

D'un pitch merveilleusement Hitchcockien (actionnaire d’une grande fabrique de chaussures, Kingo Gondo décide de rassembler tous ses biens pour racheter les actions nécessaires pour devenir majoritaire, mais c’est alors qu’on lui apprend qu’on a enlevé son fils et qu’une rançon est exigée... sauf que, second coup de théâtre, c’est le fils de son chauffeur qui a été enlevé), le cinéaste brode une narration en trois parties bien distinctes où tout n'est qu'une question d'espace, lui qui définit et isole tout (les personnages, leurs relations, le cadre,...), tout en s'amourachant de la cartographie de tous les contacts humains, aussi insignifiants soient-ils, pour mieux retourner son intrigue dans tous les sens et la mirer sous un prisme différent.

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Car personne n'est, in fine, le héros de cette histoire, les hiérarchies de classes et les identités, tout autant que les (im)pulsions qui les animent et abîment, sont si finement tracées qu'il devient un jeu d'enfant à relier chaque personnage à un autre.
Bref, on te le donne en mille, c'est une séance absolument immanquable, au même titre que la ressortie du génial À Toute Épreuve de John Woo, et le cycle Yasuzô Masumura - en salles depuis la semaine dernière.


Jonathan Chevrier