[CRITIQUE] : Les Tourmentés
Acteurs : Niels Schneider, Ramzy Bédia, Linh-Dan Pham, Déborah François,...
Distributeur : UGC Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Belge, Français.
Durée : 1h53min.
Synopsis :
Ça vaut quoi la vie d’un homme ? D’un homme comme lui. Un homme sans rien. Skender, ancien légionnaire, le découvrira bien assez tôt. "Madame", veuve fortunée et passionnée de chasse, s’ennuie. Elle charge alors son majordome de lui trouver un candidat pour une chasse à l’homme, moyennant un très juteux salaire. Skender est le gibier idéal. Mais rien ne se passera comme prévu...
Adaptation du roman Les Tourmentés écrit par Lucas Belvaux. Paru en grand format le 9 août 2022 (Alma Editeur) et chez Folio le 1er février 2024.
Comme il l’a déclaré dans un entretien qui sera disponible sur notre site, Lucas Belvaux est hanté par la question de la violence et l’héritage de celle-ci. Des années après Des hommes qui traitait de la façon dont l’on détruisait des individus pour en faire des machines à tuer brisées émotionnellement, le réalisateur revient dans une adaptation de son propre roman, Les tourmentés. La promesse du synopsis, impliquant une chasse à l’homme pour de l’argent, devrait titiller certaines personnes qui risquent de se retrouver mises à mal par le parti pris pertinent du metteur en scène.
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À la base de la narration se trouvent plus particulièrement trois personnages : un ancien légionnaire vivant dans la rue, son ex supérieur avec qui il dispose encore de relations amicales et une mystérieuse femme disposant d’une certaine richesse. La façon dont le contrat de chasse va se conclure entre nos protagonistes relève déjà d’une violence économique résonnant bien évidemment avec les difficultés que tout un chacun peut connaître tout en remettant en marge la question du prix de l’humanité, la valeur que l’on peut accorder et l’héritage que l’on laisse après des traumatismes violents dont on ne peut pouvoir se défaire. Cela fonctionne notamment par les prestations marquées dans leurs oppositions des très bons Niels Schneider, Ramzy Bédia et Linh-Dan Pham.
Très vite, la situation se complexifie, notamment dans une représentation de violence à propos avec des potentiels flash forward renvoyant aux envies et craintes de nos personnages. Il s’y crée un malaise, encore plus par la réponse que ces instants créent avec un souvenir traumatique très dur. Lucas Belvaux parvient ainsi à filmer une mise en rapport de notre propre brutalité imaginaire tout en n’hésitant pas à prendre des contrepoints narratifs anti spectaculaires mais servant justement tout le propos thématique qui irrigue le long-métrage. La façon dont les enjeux se renvoient vers une issue que l’on imagine inéluctable tout en analysant les conséquences pour chacun de ces intentions, mais surtout les remords qui peuvent en ressortir, ajoute un sel émotionnel assez prenant qui reprend bien le fond du roman.
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Les tourmentés porte bien son nom dans la façon d’approcher ses personnages face à leurs violences respectives avec un propos fort et pertinent sur la transmission d’une brutalité inhérente à l’humanité. L’analyse de personnage se fait alors riche, conservant la globalité du roman tout en prenant le temps de bien se recentrer sur ses protagonistes principaux pour mieux les confronter à leurs pans les plus sombres. Lucas Belvaux réussit donc à s’adapter avec beaucoup d’intérêt dans ce film qui risque de surprendre certaines personnes par son approche pourtant bien au service de réflexions toujours aussi contemporaines.
Liam Debruel