[CRITIQUE] : La Voie du serpent
Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
Actrice : Damien Bonnard, Kô Shibasaki, Mathieu Amalric, Grégoire Colin,...
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Policier.
Nationalité : Français, Japonais.
Durée : 1h52min
Synopsis :
Albert Bacheret est un père dévasté par la disparition inexplicable de sa fille de huit ans. Alors que la police semble incapable de résoudre l'affaire, il décide de mener sa propre enquête et reçoit l'aide inattendue de Sayoko, une énigmatique psychiatre japonaise. Ensemble, ils kidnappent des responsables du "Cercle", une société secrète. Mais chaque nouvel indice mène à un nouveau suspect qui présente toujours une version différente des faits... Obsédé par la vérité, Albert va devoir naviguer entre sa soif aveugle de vengeance et une infinie spirale de mensonges.
Dans la catégorie des cinéastes prolifique à l'esprit aussi créatif et éclectique qu'hyperproductif, Kiyoshi Kurosawa se pose là d'une manière assez unique, et c'est donc un véritable bonheur de se dire qu'il a pu hanter nos salles définitivement pas assez obscures, par trois fois cette année : avec Chime tout d'abord (vitrine macabre et virtuose du savoir-faire du bonhomme, qui vient fissurer la banalité apparente du quotidien par un effet psychotique et paranormal volontairement répétitif : un son qui s’insinue dans la tête des gens comme l'allégorie d'une hystérie collective qui intime à exprimer, aléatoirement, toute la rage et les frustrations contenus en soi), puis Cloud (une œuvre profondément fataliste et excentrique frappée d'une logique sèche et brutale, aussi maléfique qu'algorithmique, où le cinéaste fustige avec une ironie macabre, l'absurdité d'une société contemporaine elle-même de plus en plus grotesque et malade), et enfin son auto-remake improbable de La Voie du serpent, définitivement la séance la plus faible des trois - même si pas dénuée d'intérêt pour autant.
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Définitivement moins dans l'ombre d'un John Woo ayant étrangement décidé de saloper son propre héritage, en modernisant un The Killer qui n'en avait pas besoin, Kurosawa, qui lui aussi bouscule son cadre d'origine pour nos terres françaises (remplaçant le cadre industriel austère nippon, pour celle plus sobre mais pas moins tortueux de notre chère capitale), apporte des nuances soufflant tout autant le chaud que le froid à un matériau d'origine dont il bouscule très peu les grandes lignes (exit les yakuzas, mais on garde la même dynamique d'un père cherchant à venger la mort de sa fille, cette fois-ci aidé par une femme médecin qui façonné totalement sa croisade, un changement de genre qui renforce d'autant plus l'ambivalence du personnage), même si elle peine sensiblement plus au démarrage.
La faute non pas a une mise en scène toujours aussi précise et enlevée, qu'à une narration un poil plus dense (et ankylosée tout autant par une intrigue secondaire absolument inutile, que par un dédale de rebondissements alambiqués), voire étrangement sur-explicative, nouée autour de la volonté de tricoter son exploration du revenge movie et du coût démesuré de la vengeance, autour d'une violence plus symbolique et psychologique (l'ambiguïté de la moralité humaine comme celle des relations qui nous unissent/désunissent) que brutale et nerveuse.
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Moins nébuleux et minimaliste donc mais surtout définitivement moins captivant même dans ses angoisses purement européennes (la crainte face à une violence de plus en plus systématique, couplée à une corruption institutionnelle - et gouvernementale - de plus en plus exacerbée), ce remake façon exercice d'introspection porté par une distribution mi-figue, mi-raisin (si Damien Bonnard ne convainc pas toujours en père bouffée par la colère et le chagrin, appelé à devenir plus horrible que ceux qu'il chasse, Kô " Battle Royale forever " Shibasaki y est elle fantastique, portant toute la tension du film sur ses larges et vénéneuses épaules), privilégie la noirceur et la réflexion à l'urgence et à la catharsis, de quoi en faire un complément certes inférieur à son aîné mais totalement légitime.
Assez rare pour un remake, même chapeauté par le même auteur...
Jonathan Chevrier