[CRITIQUE] : Confusion chez Confucius / Mahjong
Confusion chez Confucius (1994) et Mahjong (1996) de Edward Yang, distribués par Carlotta Films.
Réalisateur : Edward Yang
Avec : Chen Shiang-chyi, Chen Yi-wen, Danny Deng, Chen Li-Mei,…
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Taïwanais.
Durée : 2h05min
Synopsis :
Dans le Taipei des années 1990, les tribulations d’une bande de jeunes adultes autour de Molly, fille de bonne famille et directrice d’une agence de publicité en difficulté financière. On y croise entre autres Akeem, son riche fiancé totalement immature ; sa sœur présentatrice de télévision en plein divorce avec un célèbre écrivain en proie à une crise existentielle ; et Qiqi, son assistante personnelle dont la perfection affichée cache de nombreuses failles. Quelques jours vont suffire à remettre en question les aspirations, désirs et croyances de cette galerie de personnages...
Eh toi, oui toi là affalé dans ton fauteuil, ton siège de toilettes (on ne ré juge pas, mais on le sait) où alors mal assis dans des transports en communs définitivement trop communs, tu es en passe d'apprendre une sacrée nouvelle dont tu n'avais même pas conscience : juillet, ce n'est pas la fête à Superman, aux Quatre Fantastiques où même à ScarJo et ses Dinos, mais bien le mois du regretté Edward Yang... et de Claude Chabrol aussi, mais ne chipote pas, laisse le groove du texte faire un peu son effet.
Carlotta Films, toujours dans les bons coups en ce qui concerne le cinéma asiatique (mais pas que), met les petits plats dans les grands avec la sortie, pour la première fois dans nos salles obscures, de deux pépites de la courte mais essentielle filmographie de l'une des figures les plus des figures emblématiques de la Nouvelle Vague taïwanaise des 80s - avec Hou Hsiao-hsien et Tsai Ming-liang - : Confusion chez Confucius et Mahjong, en versions restaurées 4K pour ne rien gâcher à la fête.
Léger détour narratif et tonal en comparaison de ses autres efforts bien plus sérieux dramatiquement parlant, le premier film est une merveille de comédie dramatico-satirique et mordante où il s'attache à exposer les angoisses comme l'hypocrisie musclée qui nourrissent les interactions complexes de plusieurs jeunes adultes vivant dans un Taipei des 90s en pleine modernisation.
Avec des dialogues merveilleusement vivants et un sens de l'observation fabuleusement aérien, Yang rend totalement fluides comme addictives les tribulations de chacun, passant d'une âme à l'autre avec une aisance rare, toutes sensiblement concentrées autour de Molly, fille de bonne famille et directrice d’une agence de publicité qui, malgré une apparence prospère, est clairement en difficulté financière - et elle ne sait absolument pas comment réagir face à ça.
Heureusement pour elle, elle aura toujours à ses côtés son fiancé riche mais immatures Akeem; sa sœur présentatrice de télévision en plein divorce avec un célèbre écrivain en proie à une crise existentielle, qui accuse de plagiat Birdy, un jeune dramaturge prétentieux; mais aussi et surtout Qiqi, son assistante personnelle et meilleure amie qui gère - littéralement - tous ses problèmes, mais dont la perfection affichée cache de nombreuses failles, notamment un futur mariage avec Ming, qui risque de rentrer en totale contradiction avec son travail...
Usant tout autant de l'absurde de certaines de ses situations comme d'un pathétique parfois inattendu, pour mettre à rude épreuve chacun de ses personnages tout en dégainant durement ses vérités sociétales dans une exploration accrue des relations comme de la nature - confuse et douloureuse - humaine (ainsi qu'un commentaire sur la valeur de l’art et de la création artistique, dans une société conditionnée à ne célébrer que le succès commercial), façon de miroir sans tain ou les personnages, comme le spectateur, peuvent se voir comme se reconnaître.
Prenant son temps pour développer chaque intrigue/sous-intrigue tout autant que pour étoffer la moindre figure qui y habite, un souci du détail qui se retrouve jusque dans sa mise en scène subtile et attentive (appuyée par la superbe photographie de Longyu Li), Confusion chez Confucius est un bijou de comédie humaine à la simplicité trompeuse.
Tout comme Mahjong, peut-être l'œuvre la plus sombre - même si teintée d'humour - de l'orfèvre taïwanais, odyssée chorale à la fois rude et explosive, féroce et attachante dans une Taipei résolument plus hostile qu'auparavant, dont l'âme est en passe d'être aspirée par le capitalisme néocolonial, à l'image d'une jeunesse toute en contradictions et littéralement impuissante, qui ne fait que perpétuer la déshumanisation d'une nation où le corps n'est qu'un objet exploité, brutalisé et rejeté - les hommes comme les femmes, s'objectifient à l'unisson.
Chronique burlesque et désenchantée d'une petite galerie de jeunes adultes capable de tout pour survivre et glorifier l'agent roi (produits d'une éducation biaisée comme d'un pays à l'humanité bouffée/aliénée par ses élans de modernité), dans un Far West contemporain où l'amour lui-même, source d'espoir que l'on doit taire - les affaires sont les affaires -, peut incarner une valeur marchande (sauf pour les cœurs les plus pures et honnêtes); Yang, à la caméra un poil plus frénétique, scrute à nouveau autant le détachement et la dérive des plus jeunes, prisonniers de leurs mépris de l'autre comme de leur matérialisme, que celle d'une nation consumériste et carnassière, qui se détruit de l'intérieur et pousse à la solitude.
Moins contemplatif mais pas moins percutant, riches en dialogues fantastiques comme en prestations chaleureuses (moins du côté de son casting international, Virginie Ledoyen en tête), Mahjong est un beau morceau de cinéma délicat et tragique, une séance un chouïa inférieure mais toute aussi essentielle que Confusion chez Confucius.
Juillet est sous le signe de feu Edward Yang, ne manquez pas son retour dans nos salles obscures, vous ne le regretterez pas.
Jonathan Chevrier
Réalisateur : Edward Yang
Avec : Chen Shiang-chyi, Chen Yi-wen, Danny Deng, Chen Li-Mei,…
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Taïwanais.
Durée : 2h05min
Synopsis :
Dans le Taipei des années 1990, les tribulations d’une bande de jeunes adultes autour de Molly, fille de bonne famille et directrice d’une agence de publicité en difficulté financière. On y croise entre autres Akeem, son riche fiancé totalement immature ; sa sœur présentatrice de télévision en plein divorce avec un célèbre écrivain en proie à une crise existentielle ; et Qiqi, son assistante personnelle dont la perfection affichée cache de nombreuses failles. Quelques jours vont suffire à remettre en question les aspirations, désirs et croyances de cette galerie de personnages...
***
Réalisatrice : Edward Yang
Avec : Virginie Ledoyen, Chen Chang, Nick Erickson, Kaizo Hayashi,…
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Taïwanais.
Durée : 2h01min
Synopsis :
Marthe, une Française de dix-huit ans, débarque à Taipei pour retrouver Markus, un architecte d’intérieur anglais dont elle s’était éprise à Londres. Mais l’arrivée inopinée de la jeune femme le met dans l’embarras vis-à-vis de sa nouvelle petite amie, Alison, dont la famille a beaucoup investi dans ses affaires. Sans argent et sans connaissance de la ville, Marthe va bientôt être recueillie par une bande de jeunes Taïwanais désœuvrés menée par Red Fish, le fils d’un escroc en fuite. Ce dernier compte bien profiter d’elle pour faire de l’argent facile...
Eh toi, oui toi là affalé dans ton fauteuil, ton siège de toilettes (on ne ré juge pas, mais on le sait) où alors mal assis dans des transports en communs définitivement trop communs, tu es en passe d'apprendre une sacrée nouvelle dont tu n'avais même pas conscience : juillet, ce n'est pas la fête à Superman, aux Quatre Fantastiques où même à ScarJo et ses Dinos, mais bien le mois du regretté Edward Yang... et de Claude Chabrol aussi, mais ne chipote pas, laisse le groove du texte faire un peu son effet.
Carlotta Films, toujours dans les bons coups en ce qui concerne le cinéma asiatique (mais pas que), met les petits plats dans les grands avec la sortie, pour la première fois dans nos salles obscures, de deux pépites de la courte mais essentielle filmographie de l'une des figures les plus des figures emblématiques de la Nouvelle Vague taïwanaise des 80s - avec Hou Hsiao-hsien et Tsai Ming-liang - : Confusion chez Confucius et Mahjong, en versions restaurées 4K pour ne rien gâcher à la fête.
Léger détour narratif et tonal en comparaison de ses autres efforts bien plus sérieux dramatiquement parlant, le premier film est une merveille de comédie dramatico-satirique et mordante où il s'attache à exposer les angoisses comme l'hypocrisie musclée qui nourrissent les interactions complexes de plusieurs jeunes adultes vivant dans un Taipei des 90s en pleine modernisation.
Avec des dialogues merveilleusement vivants et un sens de l'observation fabuleusement aérien, Yang rend totalement fluides comme addictives les tribulations de chacun, passant d'une âme à l'autre avec une aisance rare, toutes sensiblement concentrées autour de Molly, fille de bonne famille et directrice d’une agence de publicité qui, malgré une apparence prospère, est clairement en difficulté financière - et elle ne sait absolument pas comment réagir face à ça.
Heureusement pour elle, elle aura toujours à ses côtés son fiancé riche mais immatures Akeem; sa sœur présentatrice de télévision en plein divorce avec un célèbre écrivain en proie à une crise existentielle, qui accuse de plagiat Birdy, un jeune dramaturge prétentieux; mais aussi et surtout Qiqi, son assistante personnelle et meilleure amie qui gère - littéralement - tous ses problèmes, mais dont la perfection affichée cache de nombreuses failles, notamment un futur mariage avec Ming, qui risque de rentrer en totale contradiction avec son travail...
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CARLOTTA FILMS |
Usant tout autant de l'absurde de certaines de ses situations comme d'un pathétique parfois inattendu, pour mettre à rude épreuve chacun de ses personnages tout en dégainant durement ses vérités sociétales dans une exploration accrue des relations comme de la nature - confuse et douloureuse - humaine (ainsi qu'un commentaire sur la valeur de l’art et de la création artistique, dans une société conditionnée à ne célébrer que le succès commercial), façon de miroir sans tain ou les personnages, comme le spectateur, peuvent se voir comme se reconnaître.
Prenant son temps pour développer chaque intrigue/sous-intrigue tout autant que pour étoffer la moindre figure qui y habite, un souci du détail qui se retrouve jusque dans sa mise en scène subtile et attentive (appuyée par la superbe photographie de Longyu Li), Confusion chez Confucius est un bijou de comédie humaine à la simplicité trompeuse.
Tout comme Mahjong, peut-être l'œuvre la plus sombre - même si teintée d'humour - de l'orfèvre taïwanais, odyssée chorale à la fois rude et explosive, féroce et attachante dans une Taipei résolument plus hostile qu'auparavant, dont l'âme est en passe d'être aspirée par le capitalisme néocolonial, à l'image d'une jeunesse toute en contradictions et littéralement impuissante, qui ne fait que perpétuer la déshumanisation d'une nation où le corps n'est qu'un objet exploité, brutalisé et rejeté - les hommes comme les femmes, s'objectifient à l'unisson.
Chronique burlesque et désenchantée d'une petite galerie de jeunes adultes capable de tout pour survivre et glorifier l'agent roi (produits d'une éducation biaisée comme d'un pays à l'humanité bouffée/aliénée par ses élans de modernité), dans un Far West contemporain où l'amour lui-même, source d'espoir que l'on doit taire - les affaires sont les affaires -, peut incarner une valeur marchande (sauf pour les cœurs les plus pures et honnêtes); Yang, à la caméra un poil plus frénétique, scrute à nouveau autant le détachement et la dérive des plus jeunes, prisonniers de leurs mépris de l'autre comme de leur matérialisme, que celle d'une nation consumériste et carnassière, qui se détruit de l'intérieur et pousse à la solitude.
Moins contemplatif mais pas moins percutant, riches en dialogues fantastiques comme en prestations chaleureuses (moins du côté de son casting international, Virginie Ledoyen en tête), Mahjong est un beau morceau de cinéma délicat et tragique, une séance un chouïa inférieure mais toute aussi essentielle que Confusion chez Confucius.
Juillet est sous le signe de feu Edward Yang, ne manquez pas son retour dans nos salles obscures, vous ne le regretterez pas.
Jonathan Chevrier