[CRITIQUE] : Mission : Impossible - The Final Reckoning
Réalisateur : Christopher McQuarrie
Acteurs : Tom Cruise, Hailey Atwell, Simon Pegg, Rebecca Ferguson, Ving Rhames, Pom Klementieff, Esai Morales, Angela Bassett, Shea Whigham, Henry Czerny, Holt McCallany, Nick Offerman, Hannah Waddingham, Rolf Saxon, Lucy Tulugarjuk,...
Distributeur : Paramount Pictures France
Budget : -
Genre : Action, Espionnage, Thriller, Aventure.
Nationalité : Américain
Durée : 2h49min
Synopsis :
Ce film est présenté en hors-compétition au Festival de Cannes 2025.
Nos vies sont la somme de nos choix. Tom Cruise est Ethan Hunt dans Mission : Impossible – The Final Reckoning.
On peut sans doute faire bien des reproches à la saga Mission : Impossible mais pas celui d’avoir une identité distincte, passant par les réalisateurs qui se sont réappropriés la saga au fur et à mesure des épisodes. Brian De Palma et John Woo ont adapté la commande à leur esthétique, J.J. Abrams s’est interrogé sur son passage du format télévision à celui cinématographique tandis que Brad Bird exprimait sa crainte de perdre le contrôle en passant au format live par le biais des nombreux problèmes techniques connus par l’équipe. Même Christopher McQuarrie a su jouer de ces dérivations stylistiques par les différences tonales entre le romantisme Hitchcockien d’un Rogue Nation et la brutalité plus clinique de Fallout. C’est même pour cela que Dead Reckoning nous a laissé avec ce petit goût de trop peu en bouche malgré ses nombreuses qualités et ses doutes passionnants envers l’IA. Les quelques grossièretés de l’histoire, telle la mort d’un personnage, se révélaient surprenantes par la façon dont le réalisateur avait su s’approprier le récit et pouvaient même s’apparenter à des bugs narratifs potentiellement cohérents avec le propos du film.
Mais voilà qu’arrive ce Final Reckoning et, très vite, on se demande si le long-métrage sait sur quel pied il souhaite danser. L’ouverture passe en revue la saga de manière assez lourde, appuyant l’envie de marquer une conclusion dans la licence alors même qu’il n’assume finalement pas vraiment cette idée. La mise en place du film s’avère alors laborieuse malgré quelques bonnes idées, comme un combat hors champ rappelant les traits d’humour physique de Jack Reacher, des idées visuelles suite à un dialogue avec l’entité ou l’identité d’un protagoniste (point qui se retrouvera finalement totalement inutilisé). On peut alors se demander ce qui a été changé suite à la réception partagée de Dead Reckoning vu que la façon de raccrocher les wagons se révèle bien peu intéressante. In fine, certains points faibles du précédent film se retrouvent plus mis en lumière, comme le peu d’intérêt de Gabriel une fois détaché de sa représentation physique de l’Entité.
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Copyright Paramount Pictures |
Même cette dernière perd un peu en menace malgré ses promesses et l’idée d’une réalité qu’elle reconstruit, accentuée par les nombreux réveils d’Ethan.
Une fois ce long préambule mis de côté, le long-métrage retrouve de son entrain, que ce soit par certains personnages trouvant leur intérêt en quelques secondes ou ce sentiment de course contre la montre d’un personnage devant s’opposer à une narration qui l’étouffe et le pousse de plus en plus au bout de ses limites. Cela se ressent dans les deux grandes séquences d’action qui justifient à elles seules le prix du billet, en particulier une séquence aquatique. Ce sont exactement les types de moments qui font le charme de la saga, renvoyant à une grandeur où le divertissement est total et qui rappellent la dynamique du cinéma en mouvement au sein de la licence Mission : Impossible.
Se bouffant lui-même à force de vouloir en faire trop et de ne pas savoir s’il compte clôturer la saga, Mission : Impossible - The Final Reckoning est sans aucun doute l’opus le plus frustrant par sa manière de perdre en identité. Le spectacle reste présent au gré d’un titre qui ne manque pas de générosité mais qui, par son statut flou, se perd dès le début et dévoile trop facilement son côté perfectible. Reste à voir ce que le prochain épisode pourrait apporter comme réel virage après cela tant il y a matière à un renouvellement qui devrait faire du bien avec un long-métrage à la fois surchargé et un peu vain mais à l’ambition généreuse.
Liam Debruel
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On le sait et on n'aura de cesse de le répéter, à une heure où Jackie Chan comme Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger voire même Clint Eastwood, n'ont plus véritablement la force d'incarner un semblant de résistance, Tom Cruise incarne l'ultime représentant d'une espèce en voie de disparition : le vrai héros de film d'action à l'ancienne, l'élu d'une matrice lessivée (et aux relais biblico-christiques un peu moins exacerbés), gloire ridée mais toujours opérationnelle d'un passé révolu qui a même vu Bond himself, périr a l'écran.
Et si le Tom a la peau dure - son Maverick comme son Ethan Hunt également -, elle n'a pourtant jamais paru aussi marquée par l'usure qu'à la vision de The Final Reckoning, prétendu dernier film Mission : Impossible mais surtout blockbuster supportant presque à lui seul le poids d'un genre qui se meurt depuis très longtemps, à l'image d'un comédien qui, en incroyable Buster Keaton moderne défiant (encore un peu) les affres du temps, risque littéralement sa vie pour nous divertir - souvent dans l'ingratitude la plus totale.
Et c'est là toute la tragédie d'une saga jadis louée pour sa maestria comme pour son intelligence (spectaculaire comme émotionnelle) et qui désormais, à travers son aventure la plus interconnectée de toute la saga (plus encore que le mal-aimé - et pourtant réussi - Dead Reckoning), laisse entrevoir la maladresse qui s'est toujours nichée derrière sa plus grande force : être totalement, à l'image de la saga Rocky avec Stallone, intimement liée à son acteur vedette sans qui, il est vrai, rien n'aurait été possible.
Moins un point final - malgré le titre - qu'un point d'interrogation (on peut, et on doit, rester sceptique sur le fait qu'il soit le dernier épisode de Mission : Impossible), le film lutte continuellement contre lui-même, de sa volonté d'incarner un film apothéose qui vient dialoguer avec tous les épisodes précédents dans un feu d'artifices époustouflant, à son incapacité face à l'idée de tourner la page ou de faire ses adieux aux spectateurs.
Moins un point final - malgré le titre - qu'un point d'interrogation (on peut, et on doit, rester sceptique sur le fait qu'il soit le dernier épisode de Mission : Impossible), le film lutte continuellement contre lui-même, de sa volonté d'incarner un film apothéose qui vient dialoguer avec tous les épisodes précédents dans un feu d'artifices époustouflant, à son incapacité face à l'idée de tourner la page ou de faire ses adieux aux spectateurs.
Tout comme Tom Cruise avec une action qui lui colle à la peau et un goût du risque proprement démesuré.
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C'était le diamant brut au cœur de Dead Reckoning, célébrer le passé une dernière fois - quitte à le réécrire - tout en soulignant avec plus où moins d'adresse, son importance au présent (incarner, sans forcer, la plus grande saga du cinéma d'action de l'histoire du septième art), mais les désirs de grandeur du comédien comme d'un Christopher McQuarrie qui s'est approprié la saga dès le cinquième opus (il était déjà derrière le script de Protocole Fantôme, certes), sont venus entacher ce qui aurait pu/dû être ce que la franchise avait connu de mieux : un Ethan Hunt aux prises à la fois avec sa plus grande peur (perdre les siens mais aussi le monde) et son plus grand ennemi (l'Entité, une menace abstraite et insidieuse, un algorithme conscient s'amusant à façonner la vérité comme notre perception de la réalité, prête à faire vaciller tous les gouvernements du monde).
La complexification donc, d'une menace bien réelle (l'IA, une prédiction aujourd'hui possible et non plus fruit d’imageries SF) et qui était déjà férocement ancrée dans la conscience du cinéma populaire depuis le milieu des années 80 - Skynet.
Et c'est d'ailleurs, totalement, vers sa cousine créée par James Cameron que cette IA du mal se dirige ici, dans un gloubi-boulga faussement complexe technologiquement comme narrativement parlant, alors que les enjeux sont d'une banalité confondante : s'il ne veut pas que notre monde se meurt (dans une apocalypse nucléaire) Hunt a trois jours pour empêcher l'Entité comme les gouvernements d'obtenir gain de cause... comme pour Dead Reckoning, avec une exposition plus laborieuse, deux mois de chaos en plus et une baston de regards redondantes avec des généraux/présidents de tout le globe (ce qui n'est pas sans rappeler Top Gun Maverick, avec à nouveau McQuarrie au scénario).
Plus encore qu'auparavant, où le facteur chance était moins la clé que l'habileté extrême d'un homme - et de sa fidèle équipe - à déjouer la pire adversité à l'ultime seconde près (en ce sens, Fallout a définitivement la meilleure fin qui soit), ce huitième film impose de tout son long l'exercice de cascades spectaculairement dangereuses (le final, impliquant deux biplans, offre la séquence la plus folle et palpitante de toute la franchise) et d'une stratégie de l'impossible à l'invraisemblance totalement décomplexée, mais avant tout et surtout un renoncement d'une certaine légèreté qui faisait le sel comme le pouls des films précédents (où l'avenir du monde était tout autant en jeu), au profit d'une gravité flanquée d'un rythme laborieux, qui n'est pas sans rappeler un autre chant du cygne maladroitement négocié - Mourir peut attendre -, où le traumatisme infligé au héros était en deçà des ambitions du scénario (avec un vilain cartoonesque en prime, ici Esai Morales/Gabriel, devenu profondément agaçant en l'espace d'un film).
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Dommage, tant lorsque The Final Reckoning ne cherche pas à difficilement rattacher tous les wagons (moins dans une volonté de présenter que tous les événements sont la conséquence des choix de Hunt au fil du temps, que dans un processus d'auto-célébration de sa star qui va en irriter plus d'un... tant pis), et qu'il dirige son énergie aux bons endroits, de son action vertigineuse (même s'il en manque désespérément, un comble pour ce qui est le plus long opus des huit) à son optimisme follement humaniste, en passant par la caractérisation ingénieuse de ses personnages, avec qui il sait noué une intimité quasi-parfaite (Pom Klementieff et Hayley Atwell sont, clairement, les joyaux du dernier diptyque); le film fait sacrément des étincelles et ne laisse pas trop s'exprimer la vérité d'un duo Cruise/McQuarrie qui a poussé le MIF jusqu'à son point de rupture.
Tout ne fonctionne pas comme espéré donc, et la boucle est bouclée de manière tout autant absurde que satisfaisante dans un cocktail narrativement maladroit (sa propension à continuer à introduire des personnages et à s'alourdir d'expositions inutiles, tout en ne profitant pas de sa durée pour approfondir des points importants laissés en suspens, comme la relation Ethan/Gabriel) et à la suspension d'incrédulité plus fragile que jamais, mais impossible dans le même temps, de ne pas admettre que l'on prend un pied conséquent à voir Tom Cruise défier les lois de la gravité comme de la réalité, pour nous en mettre plein la poire.
C'est la mission qu'il a accepté et s'est lui-même imposé, et on ne l'en remerciera jamais assez.
Merci pour tout, agent Hunt...
Jonathan Chevrier
C'est la mission qu'il a accepté et s'est lui-même imposé, et on ne l'en remerciera jamais assez.
Merci pour tout, agent Hunt...
Jonathan Chevrier