[CRITIQUE] : Belladone


Réalisatrice : Alanté Kavaité
Acteurs : Nadia Tereszkiewicz, Dali Benssalah, Daphne Patakia, Patrick Chesnais, Miou-miou, Féodor Atkine,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h35min

Synopsis :
Dans un futur proche… Sur une île coupée du monde, Gaëlle, 30 ans, prend soin d’un petit groupe de personnes âgées. L’arrivée d’un voilier fait revenir joie et vie sur l’île. Pourtant Gaëlle doute des intentions des voyageurs car les anciens se mettent à mourir les uns après les autres.




On avait découvert le cinéma naissant de la cinéaste franco-lituanienne Alanté Kavaïté avec son second effort, Summer, teen movie poétique et délicat sur une adolescence troublée, chronique d'un été fantastique qui privilégiait le vertige sensorielle à une écriture certes un poil trop fragile dramaturgiquement parlant.

De lyrisme, il en est toujours plus où moins question presque dix ans plus tard avec son troisième effort au titre gentiment ambivalent, Belladone (la « cerise du diable », une plante herbacée toxique qui peut, paradoxalement, servir de remède), une œuvre qui, à l'instar de son résolument plus maladroit Écoute le temps (petite pensée à feu Émilie Dequenne, en vedette du film), embrasse volontiers un fantastique singulier tout en l'incorporant dans une réalité bien de chez nous.

Copyright Marie Camille Orlando

Mais point d'enquête policière ici, tant elle préfère s'inscrire une nouvelle fois dans les contours cotonneux de la fable philosophique et (légèrement) dystopique à la portée sociale cependant pleinement dans son temps : la gestion de nos aînés (entre petites économies abjectes des élites et autres conditions difficiles - pour ne pas dire inhumaines - au cœur des EHPAD) et les notions de dignité et de vulnérabilité face à la mort.
Plongée dans un futur sensiblement proche, le monde de Belladone pointe un avenir où les personnages âgées, passé une sorte de date de péremption institutionnelement établie, sont catapultées contre leur gré dans des établissements " spécialisés " où l'on s'occupe d'eux jusqu'à ce que la Grande faucheuse se présentent à elles.

Pour échapper non pas à l'inéluctable, mais à ce traitement déshumanisé et brutal, une poignée d'hommes et de femmes se réfugient sur une île isolée de tout, vivant en parfaite autarcie avec pour seule soutien une jeune femme certes stricte mais dévouée et bienveillante.
Jusqu'à ce que tout déraille et que trois éléments - littéralement - extérieurs viennent perturber cette (fausse) harmonie, point de rupture habile pour que la narration, au-delà de subtilement interroger son auditoire, vienne swinguer sur le fil tenu du thriller psychologico-sensuel et sensoriel où sur-protection rime dangereusement avec oppression.

Copyright Marie Camille Orlando

En résulte donc une balade à la fois existentielle et mélancolique joliment glaciale et politique qui prend certes un poil de temps à s'emballer, porté par une distribution soufflant des vents un poil contraires - à une Nadia Tereszkiewicz aux nuances pas toujours justes, répondent un magnifique trio Patrick Chesnais/Miou-miou/Féodor Atkine.
Une jolie découverte au sein d'un premier mercredi de printemps particulièrement chargé...


Jonathan Chevrier




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