[CRITIQUE] : La Mer au Loin
Réalisateur : Saïd Hamich Benlarbi
Acteurs : Ayoub Gretaa, Anna Mouglalis, Grégoire Colin, Omar Boulakirba,...
Distributeur : The Jokers Films
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Belge, Français, Marocain.
Durée : 1h57min
Synopsis :
Nour, 27 ans, a émigré clandestinement à Marseille. Avec ses amis, il vit de petits trafics et mène une vie marginale et festive… Mais sa rencontre avec Serge, un flic charismatique et imprévisible, et sa femme Noémie, va bouleverser son existence. De 1990 à 2000, Nour aime, vieillit et se raccroche à ses rêves.
Critique :
Nous sommes des cinéphiles simples, éclectiques, et il ne nous faut pas grand chose pour nous inciter à nous rendre en salles - c'est, littéralement, une seconde maison, spacieuse certes et, parfois, avec un peu trop de pop-corn au sol.
Alors un drame avec la présence discrète d'un duo de comédien/comédienne eux-mêmes discrets, Grégoire Colin et Anna Mouglalis, c'est plus qu'une simple séance à nos yeux : c'est clairement une proposition difficilement refusable.
Voilà la belle promesse donc incarnée par le second effort du cinéaste franco-marocain Saïd Hamich Benlarbi, La Mer au Loin, concoctée sept ans après Retour à Bollène, énième preuve d'un cinéma marocain qui s'est rarement aussi bien porté que sur ces deux dernières années.
Flairez plutôt : le bouillant La Meute de Kamal Lazraq (un premier effort tout en fureur et en désespoir, façon plongée sans concession dans le quotidien violent d'hommes à la marginalité imposée et sans aucune échappatoire, dans une Casablanca vénéneuse), le puissant Les Damnés ne pleurent pas de Fyzal Boulifa (entre le réalisme Loachien et le mélodrame italien, un cocktail hybride et audacieux, logé entre la comédie dramatique socialo-familial, et le road movie désenchanté), le vertige sensoriel Animalia de Sofia Alaoui (petite claque SF pourtant chiche en effets, qui prône une unité de tout, une vision holistique de l'humain au travers d'une intime et captivante transformation spirituelle) et le joli feel good délirant Abdelinho de Hicham Ayouch (un chouette moment de cinéma léger et surréaliste, prônant avec bienveillance la tolérance et la nécessité de lutter pour ses convictions).
Le tout sans oublier le solide Déserts de Faouzi Bensaïdi (gentiment logé entre le film à sketch au sous-texte politique marqué, et western poético-existentialiste), le magnifique documentaire La mère de tous les mensonges de Asmae El Moudir (qui faisait du septième art un outil de découverte de soi - et des siens - mais aussi et surtout comme un outil curatif, première étape fracturée mais fondatrice vers une réconciliation avec la douleur d'hier, pour mieux vivre au présent) où encore Reines de Yasmine Benkiran (une aventure à la fois enlevée, engagée et solaire, détournant habilement les attentes comme les codes du road movie, pour lui apporter des sonorités douces, tragiques et même un poil fantastiques) et Everybody Loves Touda de Nabil Ayouch (magnifique drame social tout en souffrance et en sobriété, qui dressait un véritable constat sur la condition féminine de l'autre côté de la méditerranée, a travers l'odyssée à la fois douloureuse et lumineuse d'une incroyable Nisrin Erradi).
Tout va bien au pays du couchant donc, et ce n'est pas Saïd Hamich Benlarbi qui va contredire cette vérité avec son mélodrame intime et initiatique à la grâce discrète (et qui assume totalement sa révérence à Fassbinder), récit chapitré aux émotions complexes et contradictoires cloué aux basques - sur pas moins de dix ans - d'un jeune immigré debarqué sans papiers au coeur de la communauté maghrébine de Marseille.
Une vraie chronique mélancolique et désenchantée d'un déraciné en terre inconnue qui reste pourtant toujours connecté à ses origines (notamment à travers une musique Raï joliment présente, sorte de pouls rythmique et émotionnel du film), d'une jeune homme en quête de stabilité et de sens qui évolue au gré des rencontres et des vagues intérieures qui n'ont de cesse de le porter, le cinéaste mettant un point d'honneur à nous faire ressentir avec justesse, ce que cela signifie d'être - littéralement - à la dérive entre deux eaux agitées (le passé et le présent, nos terres d'origines comme celles qui deviennent notre nouveau « chez-soi »), mais aussi de trouver une certaine paix avec soi-même et ses potentielles multiples identités.
Empathique et subtil, dominé par un incroyable trio Ayoub Gretaa/Anna Mouglalis/Grégoire Colin, La Mer au Loin se fait un beau film à l'humanité authentique et exaltante, profond et poétique, dont on ressort à la fois bouleversé et séduit par sa sincérité et son optimisme à tout épreuve.
Une nouvelle étonnante surprise au sein d'une année ciné 2025 qui, mine de rien en a peine une trentaine de jours, en comporte déjà un joli lot.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Ayoub Gretaa, Anna Mouglalis, Grégoire Colin, Omar Boulakirba,...
Distributeur : The Jokers Films
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Belge, Français, Marocain.
Durée : 1h57min
Synopsis :
Nour, 27 ans, a émigré clandestinement à Marseille. Avec ses amis, il vit de petits trafics et mène une vie marginale et festive… Mais sa rencontre avec Serge, un flic charismatique et imprévisible, et sa femme Noémie, va bouleverser son existence. De 1990 à 2000, Nour aime, vieillit et se raccroche à ses rêves.
Critique :
Mélodrame intime et initiatique à la grâce discrète, chronique mélancolique et désenchantée d'un déraciné
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 6, 2025
en quête de stabilité et de sens,#LaMerAuLoin se fait un beau film à l'humanité authentique et exaltante, dominé par un grand trio Ayoub Gretaa/Anna Mouglalis/Grégoire Colin pic.twitter.com/fX5fHLHqtr
Nous sommes des cinéphiles simples, éclectiques, et il ne nous faut pas grand chose pour nous inciter à nous rendre en salles - c'est, littéralement, une seconde maison, spacieuse certes et, parfois, avec un peu trop de pop-corn au sol.
Alors un drame avec la présence discrète d'un duo de comédien/comédienne eux-mêmes discrets, Grégoire Colin et Anna Mouglalis, c'est plus qu'une simple séance à nos yeux : c'est clairement une proposition difficilement refusable.
Voilà la belle promesse donc incarnée par le second effort du cinéaste franco-marocain Saïd Hamich Benlarbi, La Mer au Loin, concoctée sept ans après Retour à Bollène, énième preuve d'un cinéma marocain qui s'est rarement aussi bien porté que sur ces deux dernières années.
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Flairez plutôt : le bouillant La Meute de Kamal Lazraq (un premier effort tout en fureur et en désespoir, façon plongée sans concession dans le quotidien violent d'hommes à la marginalité imposée et sans aucune échappatoire, dans une Casablanca vénéneuse), le puissant Les Damnés ne pleurent pas de Fyzal Boulifa (entre le réalisme Loachien et le mélodrame italien, un cocktail hybride et audacieux, logé entre la comédie dramatique socialo-familial, et le road movie désenchanté), le vertige sensoriel Animalia de Sofia Alaoui (petite claque SF pourtant chiche en effets, qui prône une unité de tout, une vision holistique de l'humain au travers d'une intime et captivante transformation spirituelle) et le joli feel good délirant Abdelinho de Hicham Ayouch (un chouette moment de cinéma léger et surréaliste, prônant avec bienveillance la tolérance et la nécessité de lutter pour ses convictions).
Le tout sans oublier le solide Déserts de Faouzi Bensaïdi (gentiment logé entre le film à sketch au sous-texte politique marqué, et western poético-existentialiste), le magnifique documentaire La mère de tous les mensonges de Asmae El Moudir (qui faisait du septième art un outil de découverte de soi - et des siens - mais aussi et surtout comme un outil curatif, première étape fracturée mais fondatrice vers une réconciliation avec la douleur d'hier, pour mieux vivre au présent) où encore Reines de Yasmine Benkiran (une aventure à la fois enlevée, engagée et solaire, détournant habilement les attentes comme les codes du road movie, pour lui apporter des sonorités douces, tragiques et même un poil fantastiques) et Everybody Loves Touda de Nabil Ayouch (magnifique drame social tout en souffrance et en sobriété, qui dressait un véritable constat sur la condition féminine de l'autre côté de la méditerranée, a travers l'odyssée à la fois douloureuse et lumineuse d'une incroyable Nisrin Erradi).
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Tout va bien au pays du couchant donc, et ce n'est pas Saïd Hamich Benlarbi qui va contredire cette vérité avec son mélodrame intime et initiatique à la grâce discrète (et qui assume totalement sa révérence à Fassbinder), récit chapitré aux émotions complexes et contradictoires cloué aux basques - sur pas moins de dix ans - d'un jeune immigré debarqué sans papiers au coeur de la communauté maghrébine de Marseille.
Une vraie chronique mélancolique et désenchantée d'un déraciné en terre inconnue qui reste pourtant toujours connecté à ses origines (notamment à travers une musique Raï joliment présente, sorte de pouls rythmique et émotionnel du film), d'une jeune homme en quête de stabilité et de sens qui évolue au gré des rencontres et des vagues intérieures qui n'ont de cesse de le porter, le cinéaste mettant un point d'honneur à nous faire ressentir avec justesse, ce que cela signifie d'être - littéralement - à la dérive entre deux eaux agitées (le passé et le présent, nos terres d'origines comme celles qui deviennent notre nouveau « chez-soi »), mais aussi de trouver une certaine paix avec soi-même et ses potentielles multiples identités.
Empathique et subtil, dominé par un incroyable trio Ayoub Gretaa/Anna Mouglalis/Grégoire Colin, La Mer au Loin se fait un beau film à l'humanité authentique et exaltante, profond et poétique, dont on ressort à la fois bouleversé et séduit par sa sincérité et son optimisme à tout épreuve.
Une nouvelle étonnante surprise au sein d'une année ciné 2025 qui, mine de rien en a peine une trentaine de jours, en comporte déjà un joli lot.
Jonathan Chevrier