[CRITIQUE] : Le Jardin Zen
Réalisatrice : Naoko Ogigami
Acteurs : Mariko Tsutsui, Akira Emoto, Hana Kino,...
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h00min.
Synopsis :
Luxe, calme et volupté. Tout va pour le mieux dans la vie parfaitement réglée de Yoriko et de tous ceux qui, comme elle, ont rejoint la secte de l’eau. Jusqu’au jour où son mari revient à la maison après de nombreuses années d'absence, entraînant avec lui une myriade de problèmes. Rien, pas même ses plus ferventes prières, ne semble restaurer la précieuse quiétude de Yoriko… Avec tout cela, comment faire pour rester zen ?
Critique :
Drôle, angoissant, où l’on craint perpétuellement un débordement,#LeJardinZen nous interroge sur notre asservissement face à la société, le tout incarné d’une main de maître par Mariko Tsutsui qui oscille entre protagoniste passionnante et antagoniste effrayante. (@Livio_Lonardi) pic.twitter.com/K1NHbbfORn
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 6, 2025
Le rapport entre le nucléaire et le peuple japonais a toujours été important et compliqué. Il a été au centre de plusieurs films, mais est aussi devenu un simple élément de décor ou de contexte. C’est le cas de Jardin Zen qui débute avec un bulletin d’information sur la contamination de l’eau par la fuite d’une centrale. Une information qui semble parfaitement banale pour la famille de Yoriko. Une normalité qui est perturbée par le départ de son mari, sans aucune raison apparente. Des années plus tard, alors que Yoriko a trouvé la paix dans sa vie en rejoignant la secte de l’eau, ce dernier revient, chamboulant toute sa vie.
Cependant, là où beaucoup de films s'intéresseraient à cette disparition, Naoko Ogigami, la réalisatrice, va plutôt se concentrer sur cette femme qui tente tant bien que mal de garder sa vie et ses habitudes intactes. Une femme victime de la société japonaise, condamnée à être tout le temps au service de quelqu’un, ou quelque chose (d’abord sa famille, puis cette secte de l’eau). Un groupe qui profite de la peur et de la crédulité de ses adeptes pour leur vendre des produits miracles, bénis par un gourou que l’on ne verra jamais.
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Ainsi, Le Jardin Zen va questionner le rapport des Japonais avec les religions et les sectes. Un problème particulièrement important pour le pays, étant donné qu’il a connu plusieurs attentats et incidents liés à des sectes, dont un bien connu en 1995 : un attentat au gaz sarin perpétré par les membres de la secte Aum Shinrikyo. Mais le film ne va pas seulement désigner les sectes comme objet de contrôle des femmes, ou plus généralement des citoyens japonais. Il va aussi interroger cette société qui cherche constamment à dicter comment bien se conduire, ou ce qui serait la “normalité”. Il questionne la moralité des actions de chacun et chacune, notre tendance à constamment juger la vie des autres sans jamais la connaître. Tout cela en montrant paradoxalement que l’on est conscient de ces biais, de ces travers, et des problèmes de société. Mais qu’on les accepte en se voilant la face, tout simplement parce que c’est plus simple de vivre ainsi. Plus simple de les intérioriser que de lutter contre.
Des thématiques illustrées par une réalisation à l’image de l’eau, élément central du film. Une mise en scène qui va alterner entre phases statiques, avec un montage très basique, comme lorsque l’eau d’un lac est calme. Mais qui va devenir beaucoup plus énergique, perturbée, chaotique lorsque le moindre imprévu arrive dans la vie de cette femme. Des moments pouvant s’apparenter à une simple goutte d’eau cassant la tranquillité de la surface, et se répercutant en continu. Le tout illustrant ainsi que toute personne peut avoir un impact immense sur la vie des autres. Nous ne sommes qu’une goutte pour certains et certaines, mais pouvons aussi causer des raz-de-marée. À cela s’ajoute un travail sur la photographie d’une très grande beauté, et d’une clarté parfois divine.
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Un détail qui se détache du film est aussi le travail du son. En effet, régulièrement, lorsque notre personnage se libère de certains aspects de sa vie, un bruit de claquement de main rapide se fait entendre. De prime abord, cela semble faire référence à la prière que font les Japonais devant les temples. Mais à la fin du film, ces sons prennent une toute autre signification, annonçant petit à petit la délivrance de cette femme face à ces institutions ou codes qui l’ont tant restreinte.
Le Jardin Zen peut être complexe à rentrer dedans, car il ne délivre pas du tout ce que l’on aurait espéré. Il ne s’attarde absolument pas sur la disparition du mari, car cela n’est pas son sujet. Film drôle, angoissant, où l’on craint perpétuellement un débordement, Le Jardin Zen nous interroge sur notre asservissement face à la société. Le tout incarné d’une main de maître par Mariko Tsutsui, qui oscille entre protagoniste passionnante et antagoniste effrayante.
Livio Lonardi