[CRITIQUE] : Je suis toujours là
Réalisateur : Walter Salles
Acteurs : Fernanda Torres, Fernanda Montenegro, Selton Mello, Maeve Jinkings,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Brésilien, Français.
Durée : 2h15min.
Synopsis :
Rio, 1971, sous la dictature militaire. La grande maison des Paiva, près de la plage, est un havre de vie, de paroles partagées, de jeux, de rencontres. Jusqu’au jour où des hommes du régime viennent arrêter Rubens, le père de famille, qui disparait sans laisser de traces. Sa femme Eunice et ses cinq enfants mèneront alors un combat acharné pour la recherche de la vérité...
Critique :
Voilà près de treize ans et le pas folichon Sur la route, où il adaptait le monument littéraire éponyme de Jack Kerouac, que le cinéaste brésilien Walter Salles n'avait plus pointer le bout de son nez dans une salle obscure, comme s'il attendait le bon timing, la bonne histoire pour renouer avec le septième art - qu'il n'a jamais totalement quitté non plus, notamment via sa casquette de producteur.
Et quoi de mieux qu'une histoire vraie, à la fois puissante et bouleversante, intimement liée à l'histoire même de sa nation, expurgée à la fois de toute banalité putassière (puisque l'on ne peut pas réellement s'opposer à la réalité des faits, pas vrai ?), mais également de toute manipulation émotionnelle ?
Adaptation du roman autobiographique Ainda Estou Aqui de Marcelo Rubens Paiva, Je suis toujours là se fait tout autant un solide mélodrame familial qu'une pure capsule temporelle, catapultant son auditoire avec minutie dans un Brésil du début des 70s - à la reconstitution élégante chapeautée par Carlos Conti - marqué autant par la dictature militaire et une politique coercitive, que par une vibrante effervescence culturelle - cinématographique comme musicale.
Une période fondamentale de son identité dont il ne masque jamais (sans pour autant l'exagérer) la violence institutionnelle, qu'il capture d'une manière paradoxale, à la fois distancé et au plus près de l'éveil/l'engagement politique de la figure féminine principale de la famille Paiva, un clan gentiment ancré dans la classe moyenne aisée et intellectuelle de la capitale, dont le patriarche - ancien député travailliste - agit en sourdine pour aider les exilés de la dictature - jusqu'à ce qu'il se fasse kidnapper.
La politique n'est d'ailleurs abordée qu'en filigrane avant cet élément charnière, qui vient brutalement rompre une harmonie familiale jusqu'ici indiscutée (et que l'on retrouve à travers des images nostalgiques tournées en Super-8, qui ne font que renforcer les sentiments d'intimité et de mélancolie profonde qui embaument le film), mais aussi et surtout bouleverser le quotidien d'une matriarche désormais forcée de jongler à la fois avec ses propres angoisses (alors qu'elle se doit de réfréner ses émotions), les responsabilités politiques et historiques de son mari disparu pour qui elle veut que justice soit rendue, et une pluie de décisions pragmatiques à prendre pour que les siens ne manquent de rien (et restent en sécurité).
Revenant au thème le plus imposant de sa filmographie - le noyau familial et ses aternoiements (souvent) tragiques -, Salles concocte moins une charge politique frontale contre les mécanismes et l'héritage de la dictature, qu'un drame organique et inquiet certes un poil didactique dans son dernier tiers, sur l'incapacité de toute une nation encore fragile, à admettre comme à compenser les crimes de l'histoire, alors que ses cicatrices sont loin d'être refermées - la présidence de Bolsonaro en est le plus flagrant symbole.
Un effort appliqué et tout en amertume, dominé par la partition grandiose d'une Fernanda Torres littéralement en état de grâce (et qui donne une force démesurée à l'hommage que le cinéaste veut offrir à Eunice Paiva), dont le visage porte, continuellement, une mélancolie absolument déchirante.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Fernanda Torres, Fernanda Montenegro, Selton Mello, Maeve Jinkings,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Brésilien, Français.
Durée : 2h15min.
Synopsis :
Rio, 1971, sous la dictature militaire. La grande maison des Paiva, près de la plage, est un havre de vie, de paroles partagées, de jeux, de rencontres. Jusqu’au jour où des hommes du régime viennent arrêter Rubens, le père de famille, qui disparait sans laisser de traces. Sa femme Eunice et ses cinq enfants mèneront alors un combat acharné pour la recherche de la vérité...
Critique :
Avec #JeSuisToujoursLà, Salles concocte moins une charge politique frontale contre les mécanismes et l'héritage de la dictature militaire et de sa politique coercitive, qu'un drame familial certes didactique mais organique et inquiet, dominé par une formidable Fernanda Torres. pic.twitter.com/ba20Rkdk1D
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 13, 2025
Voilà près de treize ans et le pas folichon Sur la route, où il adaptait le monument littéraire éponyme de Jack Kerouac, que le cinéaste brésilien Walter Salles n'avait plus pointer le bout de son nez dans une salle obscure, comme s'il attendait le bon timing, la bonne histoire pour renouer avec le septième art - qu'il n'a jamais totalement quitté non plus, notamment via sa casquette de producteur.
Et quoi de mieux qu'une histoire vraie, à la fois puissante et bouleversante, intimement liée à l'histoire même de sa nation, expurgée à la fois de toute banalité putassière (puisque l'on ne peut pas réellement s'opposer à la réalité des faits, pas vrai ?), mais également de toute manipulation émotionnelle ?
Copyright StudioCanal |
Adaptation du roman autobiographique Ainda Estou Aqui de Marcelo Rubens Paiva, Je suis toujours là se fait tout autant un solide mélodrame familial qu'une pure capsule temporelle, catapultant son auditoire avec minutie dans un Brésil du début des 70s - à la reconstitution élégante chapeautée par Carlos Conti - marqué autant par la dictature militaire et une politique coercitive, que par une vibrante effervescence culturelle - cinématographique comme musicale.
Une période fondamentale de son identité dont il ne masque jamais (sans pour autant l'exagérer) la violence institutionnelle, qu'il capture d'une manière paradoxale, à la fois distancé et au plus près de l'éveil/l'engagement politique de la figure féminine principale de la famille Paiva, un clan gentiment ancré dans la classe moyenne aisée et intellectuelle de la capitale, dont le patriarche - ancien député travailliste - agit en sourdine pour aider les exilés de la dictature - jusqu'à ce qu'il se fasse kidnapper.
La politique n'est d'ailleurs abordée qu'en filigrane avant cet élément charnière, qui vient brutalement rompre une harmonie familiale jusqu'ici indiscutée (et que l'on retrouve à travers des images nostalgiques tournées en Super-8, qui ne font que renforcer les sentiments d'intimité et de mélancolie profonde qui embaument le film), mais aussi et surtout bouleverser le quotidien d'une matriarche désormais forcée de jongler à la fois avec ses propres angoisses (alors qu'elle se doit de réfréner ses émotions), les responsabilités politiques et historiques de son mari disparu pour qui elle veut que justice soit rendue, et une pluie de décisions pragmatiques à prendre pour que les siens ne manquent de rien (et restent en sécurité).
Copyright StudioCanal |
Revenant au thème le plus imposant de sa filmographie - le noyau familial et ses aternoiements (souvent) tragiques -, Salles concocte moins une charge politique frontale contre les mécanismes et l'héritage de la dictature, qu'un drame organique et inquiet certes un poil didactique dans son dernier tiers, sur l'incapacité de toute une nation encore fragile, à admettre comme à compenser les crimes de l'histoire, alors que ses cicatrices sont loin d'être refermées - la présidence de Bolsonaro en est le plus flagrant symbole.
Un effort appliqué et tout en amertume, dominé par la partition grandiose d'une Fernanda Torres littéralement en état de grâce (et qui donne une force démesurée à l'hommage que le cinéaste veut offrir à Eunice Paiva), dont le visage porte, continuellement, une mélancolie absolument déchirante.
Jonathan Chevrier