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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Tempête à Washington


Réalisateur : Otto Preminger
Acteurs : Henry Fonda, Charles Laughton, Walter Pidgeon, Franchot Tone, Lew Ayres, Burgess Meredith,...
Distributeur : Panoceanic Films
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Americain.
Durée : 2h22min

Date de sortie : 1er octobre 1962
Date de ressortie : 27 novembre 2024

Synopsis :
Le président des Etats-Unis vient de choisir son nouveau secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères: Robert Leffingwell. Avant d'être entériné par le Sénat, ce choix doit être examiné en commission d'enquête. Les ennemis de Leffingwell en profitent pour le discréditer. Un témoin inconnu vient révéler que le futur secrétaire d'Etat a autrefois appartenu à une cellule communiste.


Critique :



Un petit Otto Preminger des familles pour terminer la très riche proposition cinématographique du mois de novembre, et préparer un ultime virage hivernal qui s'annonce un poil moins chargé mais pas inintéressant pour autant (même si les hauts faits de l'année sont derrière nous, décembre à quand-même ses deux, trois sorties plutôt immanquables), autant dire que cela ne se refuse pas, et encore moins avec un Henry Fonda gentiment acculé en vedette (lui qui, à l'époque, n'avait plus tourné depuis un moment pour le grand écran, et avait trouvé refuge sur les planches de Broadway.

Petit morceau de contre-monumentalisme adapté d'un roman d'Allen Drury, Advise and Consent aka Tempête à Washington se revendique comme une exposition amère des rouages démocratiques et des droits constitutionnels du pays de l'oncle Sam, autant que des réalités du pouvoir (et les manigances pour le conserver intact); flanquée au plus près du processus d'approbation par le Sénat, d'un candidat au poste de secrétaire d'État, Robert Leffingwell, un universitaire dont les tendances progressistes sont accusées de masquer une sympathie pro-communiste et un hypothétique apaisement avec l'ennemi russe - son amour de l'Amérique est même méchamment posé sur la table, tout comme la moindre strate de son passé.

Nommé par un président mourant, pour préserver sa politique étrangère en pleine crise internationale (la question géopolitique est, cela dit, subitement mise de côté au cœur de l'intrigue), lui qui n'a absolument aucune confiance en son vice-président, le bonhomme n'est pas unanimement soutenu... et le mot est faible.

Copyright Panoceanic Films

Que ce soit au sein de la majorité - le Parti démocrate - et, évidemment, encore moins dans celui de l'opposition, sa potentielle nomination attise les débats et divise les hommes, notamment auprès du sénateur Seabright Cooley (dont les similarités avec Joseph McCarthy sont loin d'être anodines), dont il avait publiquement pointé les mensonges par le passé...

Drame choral tout autant que thriller à la fois paranoïaque et claustrophobe, sous fond de crise existentielle et de peinture du libéralisme moderne pré-Guerre du Vietnam, Preminger se sert de son intrigue presque prétexte - le vote d'un wannabe secrétaire d'État - comme d'un véritable MacGuffin pour mieux sonder la petitesse et l'égoïsme puant du spectacle sénatorial, tout en en sublimant la moindre joute verbale, fruit aussi bien de sa mise en scène savamment sobre et distancée, que des lignes affûtées de Wendell Mayes.

Oeuvre tentaculaire et glaciale dominée de la tête et des épaules par un tandem Henry Fonda/Charles Laughton absolument dément, Tempête à Washington ne se fait pas l'Ottopsie (même pas pardon) au scalpel d'un meurtre, mais celle bouillonnante d'une politique compromise qui s'asphyxie elle-même.
On appelle ça un classique, rien de moins.


Jonathan Chevrier