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[C’ÉTAIT DANS TA TV] : #38. One Tree Hill

© Everett Collection / WB / THE CW NETWORK, LLC. ALL RIGHTS RESERVED.

Avant de devenir des cinéphiles plus ou moins en puissance, nous avons tous été biberonnés par nos chères télévisions, de loin les baby-sitter les plus fidèles que nous ayons connus (merci maman, merci papa).
Des dessins animés gentiment débiles aux mangas violents (... dixit Ségolène Royal), des teens shows cucul la praline aux dramas passionnants, en passant par les sitcoms hilarants ou encore les mini-séries occasionnelles, la Fucking Team reviendra sur tout ce qui a fait la télé pour elle, puisera dans sa nostalgie et ses souvenirs, et dégainera sa plume aussi vite que sa télécommande.
Prêts ? Zappez !!!



#38. One Tree Hill / Les Frères Scott (2003 - 2012)

À une heure où la pluralité des possibilités de vision, que ce soit la télévision traditionnelle (méchamment délaissée, on est d'accord) mais avant tout et surtout les plateformes de streaming qui offrent une abondance de shows à la limite de la décence, force est d'admettre que le teen show, à l'instar même de son pendant cinématographique qui survit que par l'éclat de quelques hauts faits pas toujours célébrés à leur juste valeur, ce n'est définitivement plus ce que c'était.
Alors ouais, tu l'as vu venir de loin cette affirmation de boomer qui n'en est pas une (d'ailleurs, l'expression boomer est, peut-être, l'argumentaire parade le plus vide et risible pour exprimer tout désaccord d'opinion), balancée à l'aveuglette par un trentenaire savamment biberonné à ce que les années 90 et 2000 ont dégainées sur les ondes, avec une frénésie gourmande - pour ne pas dire opportuniste comme ce n'est pas permis.

Mais soyons juste sérieux et rationnel quelques instants, peut-on réellement considérer qu'il y ait de meilleurs représentants du genre que Buffy contre les vampires, Dawson, Veronica Mars, Newport Beach, Gilmore Girls où encore One Tree Hill, Supernatural, Smallville et Gossip Girl ?
Ne te fatigue pas à répondre en lançant impulsivement des titres tels que " Sex Education ", " Pretty Little Liars ", " Riverdale " et autres " Élite " : la réponse est purement et simplement non, et au cœur des années 2000, Les Frères Scott aka OTH pour les intimes, était peut-être l'une des grandes reines du game (n'en déplaise aux OC-hardcore, les restes fossilisés de l'époque Skyblog et des fan-fictions enflammées parlent pour la team OTH).

[P.S. : clairement, si tu es allé jusqu'ici dans la lecture de ce billet plein d'amour et d'aveuglement consenti, tu comprendras qu'aucun des mots gravés dans le marbre du numérique, n'est objectif. Mais si l'auteur y survit, tu survivras.]

Warner Bros. Television/Entertainment Pictures via ZUMA Press

Né de l'esprit que l'on apprendra plus (trop) tard être furieusement malsain Mark Schwahn (accusé par de nombreuses actrices et collaboratrices, de harcelèment sexuel au tout début du mouvement #MeToo), et jeté sur les ondes en 2003 tel une biche dans la fosse aux lions par une CW qui ne croyait absolument pas en elle (mais qui, in fine, n'hésitera pas à tirer sur la corde pour la faire durer plus que de raison, comme les aventures des frères Winchester); la petite série sans prétention avait pourtant déjà tout en elle pour capter l'intention, à savoir un nœud dramatique séculaire mais à l'efficacité redoutable : une rivalité fraternelle, savamment nourrit par les affres du cœur, les hormones adolescentes et les dérives d'un paternel qui n'a pas besoin de trop se forcer pour être élu pire géniteur de l'année depuis leur naissance.

Soit Lucas et Nathan Scott, les deux fils de Dan Scott, le premier étant né de son union au lycée avec le plus grand amour de sa vie, Karen, quelques mois avant le second, né de son union avec Deborah sur les bancs de l'université.
Ayant abandonné Karen à la fin du lycée au moment où elle était enceinte, celle-ci a élevé Lucas avec le frère même de Dan, Keith Scott, qui aura toujours été plus qu'un ami à la fois pour elle, et plus qu'un oncle pour le jeune homme.
Nathan lui, la faute à une mère un poil absente, a tout pris de son père, de son arrogance à sa méchanceté (un peu trop) gratuite.
Mais les deux frères, qui ne se sont jamais connus, sont animés par la même passion : le sacro-saint basket-ball, passion numéro une de leur paternel et terreau à la fois de sa plus grande gloire, comme de ses plus grands regrets - il s'est rêvé professionnel, et reportera ses désillusions sur Nathan.

Hasard de la vie dans une petite ville de la Caroline du Nord où il n'y a, évidemment, qu'un lycée, les deux se retrouvent à jouer dans la même équipe de basket : les « Ravens », entraînée par le bravé Brian « Whitey » Durham (ami de Keith et qui l'avait d'ailleurs entraîné, tout comme Dan, pendant leur scolarité).
Bien évidemment, entre le « bâtard » et le « fils légitime  », la rivalité fera rage mais pas uniquement sur les terrains de baskets : Lucas est fou amoureux de Peyton, la meilleure amie de Brooke Davis mais aussi et surtout la petite amie de Nathan.
Et pour ne pas arranger les choses, ce dernier, qui pensait faire du mal à son demi-frère en se rapprochant de la douce et excellente élève Haley, sa meilleure amie, va peu à peu tomber sous son charme et devenir, pas totalement malgré elle, la pièce maîtresse du rapprochement des deux mômes.

Et de fil en aiguille, les adolescents tissent des liens, à tel point qu'un triangle amoureux Brooke/Lucas/Peyton germe assez vite (pour durer pas moins de quatre saisons, la cinquième louchant même un brin dessus dans ce qui incarnera un vrai/faux cliffhanger de fin de saison à l'issue évidente) tandis que les adultes oscilleront entre déclarations d'amour, haine, adultères, réconciliations et beaucoup, beaucoup de bassesses où Dan est à la fois l'instigateur comme la cible.
Et rien qu'au cours des quatre premières saisons, la note est salée pour le bonhomme : diverses manipulations affectives, une crise cardiaque des suites d'une maladie du cœur (que Dan a " légué " à Lucas), une émancipation (Nathan), un adultère (Deb et Keith), un divorce (Dan et Deb), une tentative d'assassinat (Deb sur Dan), une élection en tant que maire puis un assassinat de sang froid (Dan tue son frère Keith, quelques jours avant qu'il n'épouse Karen, pensant qu'il était la tête pensante derrière la tentative d'assassinat sur sa personne), un rapprochement improbable avec son ancien amour (Karen, enceinte de Keith et à mille lieux de penser que Dan l'a tué) puis un passage par ma case prison - sans compter une tentative de suicide manquée.

Warner Bros. / Courtesy Everett

Et ce n'est pas fini, puisqu'il aura droit par la suite à un statut de sauveur ultime pour son petit-fils, une rocambolesque aventure avec sa nourrice psychopathe, une greffe de cœur qui tourne mal (avec l'organe - littéralement - bouffé par un chien) avant d'être tragiquement réglé à coups de billets vert au Mexique (avec la culpabilité terrible qui va avec), un statut de présentateur vedette directement impliqué dans le scandale d'adultère entourant son fils et enfin, un arc de rédemption net et sans bavure en sauvant, au péril de sa vie, son fils Nathan de méchants kidnappeurs russes en voulant à son argent et à sa gloire.
Fou, pas vrai ?
Et là on ne parle que des quelques rebondissements digne d'une telenovela (du pipi de chat cela dit, en comparaison des aléas WTF-esques qui se dégagent des quatre saison de The OC/Newport Beach), qui nourrissent le parcours de l'une des plus belles crevures du petit écran des années 2000, car pour les adolescents, c'est tout aussi bordélique - et donc génial -, entre accidents de voitures, AVC, mariages (parfois doubles ou avortés), deuils parentaux, affrontements avec des psychopathes, naissances et même plusieurs face-à-face avec la mort...

Mais s'il ne fait pas si bon vivre pour tout le monde à Tree Hill, difficile pour les spectateurs de véritablement bouder leur plaisir, et cela même si le cycle de traumas/maux sentimentaux s'avérait parfois furieusement irritant dans sa redondance (plus avec un œil adulte, moins à l'époque), que ce soit du côté d'un couple Haley/Nathan ayant quasiment tout vécu avant même 21 ans (deux mariages, un fils - Jamie -, une paralysie passagère, le faux kidnapping de leur enfant, un passage à la NBA,...), où d'un Lucas Scott qui mettra un peu trop longtemps à se décider face à l'évidence de ses sentiments pour Peyton.
L'illusion n'en restait pas moins totale, et l'attachement pour les personnages aux existences mouvementés sous fond de pop-rock niaiseux (ne faisons pas les élitistes, ça tournait à fond dans nos baladeurs mp3... la nostalgie), était immédiat, voire addictif, à tel point que pour peu que l'on ait été adolescent à l'époque de sa diffusion sur TF1 - les vrais savent -, l'identification était presque inéluctable (ce qui était avec le cartésien et romantique Lucas Scott, pour l'auteur de ses mots), même si aucun d'entre-nous n'est devenu joueur de NBA, créatrice de mode, chanteuse à succès voire big boss d'un label de musique (par contre écrivain supplément cinéphile élitiste là, c'était plutôt simple... Fallait mieux choisir vos objectifs de vie vous aussi).

Reste que la fustiger hier comme au présent pour son réalisme relatif (c'est une SÉRIE TV, pas un docu-fiction, redescendez), s'avère toujours aussi stérile, quand bien même elle est furieusement marquée par son temps, que ce soit du côté de l'écriture de ses personnages féminins (dans l'opposition sentimentale comme dans l'hypersexualisation décomplexée des adolescentes, qui n'a pas certes fondamentalement changée aujourd'hui, même dans un monde post #MeToo), même si l'évolution de Brooke Davis est des plus notable (de cheerleader hypersexualisée à créatrice de mode/PDG d'une grosse firme libre et indépendante), ou même dans les coulisses houleuses de sa production (les harcèlements sexuels répétés de Schwahn, surtout envers Hilarie Burton, l'interprète de Peyton; le mariage expéditif entre Sophia Bush/Brooke Davis et Lucas Scott/Chad Michael Murray, avec lequel la production va gentiment jouer; les problèmes de justice d'Antwon Tanner/Skills, les divisions au sein de la distribution, la pression des producteurs pour que les comédiennes apparaissent en petites tenues;...).

Mais tout n'est pas pour autant ni blanc ni noir avec la série, comme bon nombres de shows de l'époque, et si elle a su rester une (si ce n'est LA, même devant la gnangnan Dawson) référence c'est qu'au delà de ses intrigues romantico-Feux de l'Amour-esque savoureusement sous glucose, et à la différence d'une Newport Beach où tout allait beaucoup trop vite parfois, OTH savait poser avec honnêteté son histoire, savait prendre son temps pour laisser vivre ses personnages (toujours plus étoffés que les clichés qu'ils portent), pour laisser parler ses émotions et faire fondre nos petits cœurs d'artichauts.
Et ce même si beaucoup n'hésiteront pas à dire qu'elle aurait dû faire elle aussi ses adieux au lendemain de sa quatrième saison (sans doute la meilleure avec la cinquième et son bond - salvateur - de quatre ans dans le futur, lui évitant un passage ronflant du lycée vers la fac pour directement jouer la carte de la vie d'adulte, même si le couple Leyton vampirise toute l'attention), voire après sa sixième saison - qui marque le départ du couple Lucas/Peyton.

©CW Network/Courtesy Everett Collection

Sans doute, également, parce qu'elle a pris à bras le corps quelques sujets pas forcément faciles à négocier pour un contenu supposément léger, que ce soit un traitement habile des relations fraternels conflictuelles (comme celles tout aussi complexes entre père et fils), la transformation par le pouvoir de l'amour (oui) d'un gamin toxique à brave jeune adulte/papa (même si pas totalement débarrassé de ses épisodes colériques), où même plus sérieusement, la manière subtile d'aborder les tueries scolaires (le déchirant épisode Accès de colère/With Tired Eyes, Tired Minds, Tired Souls, We Slept).

Véritable doudou nostalgique pour ceux ayant grandi avec (et qui n'ont aucun mal à y replonger avec gourmandise), petit teen drama englué dans la masse pour ceux n'ayant sans doute jamais dépassé un épisode pilote, dont les cartes seront pourtant très vite - et assez habilement - rebattus quelques épisodes plus tard; Les Frères Scott, pas si limitée qu'elle en a l'air de prime abord mais pas moins shooté à l'eau de rose pour autant, est exactement le type de séries presque innocentes faites pour s'y évader, auprès de personnages à l'authenticité rafraîchissante, sans arrogance ni prétention putassière.

Prions pour que son retour, annoncé en grande pompe ces dernières semaines du côté de la firme au Toudoum, Netflix, ne voit jamais le jour...


Jonathan Chevrier