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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Shaun of The Dead

Réalisateur : Edgar Wright
Avec : Simon Pegg, Nick Frost, Kate Ashfield, Bill Nighy, Dylan Moran,…
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Comédie, Épouvante-horreur.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h39min

Date de sortie : 27 juillet 2005
Date de ressortie : 30 octobre 2024

Synopsis :
À bientôt trente ans, Shaun ne fait pas grand-chose de sa vie. Ce vendeur sans ambition passe son temps à traîner avec son collocataire Ed dans leur pub préféré, le Winchester. Excédée par son manque d’engagement, sa petite amie Liz décide de rompre avec lui. Après une nuit bien arrosée, Shaun décide de reprendre sa vie en main. Mais au même moment, une armée de zombies déferle sur Londres, semant la terreur au sein de la population. Voilà l’occasion rêvée pour Shaun de reconquérir Liz en lui prouvant de quoi il est capable…




Critique :



Quiconque est un tant soit peu amoureux du cinéma béni et savoureusement référencé d'Edgar Wright, petit bout d'anglais qui assume totalement son statut de geek (ce que tout le monde devrait faire), sait que sa passion du septième art ne se retrace pas dès Shaun of The Dead, mais bien dès la formidable Spaced (Les Allumés en français... ne cherchez pas), quand bien même c'est bel et bien son premier long-métrage qui a su le placer sur nos routes, tant la sitcom faussement lambda mais vrai terrain de jeu totalement décomplexé, n'avait pas eu les honneurs d'une diffusion digne de ce nom dans l'hexagone.

Mais revenons à nos moutons (Shaun, moutons... même pas pardon), premier effort qui ne faisait que transposer sur grand écran la patte Wright déjà perceptible sur le petit (style visuel hyperkinétique; références compulsives à la culture pop; un humour hilarant mais surtout furieusement empathique; une écriture totalement éprise de ses personnages, au caractère purement britannique), tout en reprenant en filigrane l'essence même de Spaced : un regard attendrissant, vif et fin sur la nécessité de mûrir sans jamais perdre son regard d'enfant et l'aspect gentiment puéril qui va avec (ce qui était totalement perceptible dans l'amitié géniale qui unit Tim et Mike, l'est de nouveau dans l'amitié entre Shaun et Ed), épousant l'idée rassurante que le rire et l'insouciance peuvent nous préserver des souffrances de la vie... voire même de la mort.

Copyright Everett


Car oui, l'esprit burlesque du trio va pousser le bouchon gentiment plus loin que sur le show en swinguant cette fois avec la grande faucheuse et, plus directement, avec le sous-genre de l'horreur qu'est le film de zombies cher à Romero, dans une lettre d'amour jonglant entre la farce sociale impassible (une apocalypse où les survivants sont absolument imperturbables à la vue des morts-vivants qui se déplacent autour d'eux), et la démonstration horrifique enthousiaste et déjantée sauce comédie romantique (doublement même, avec une bromance définitivement plus touchante à la clé).

Où comment lier une apocalypse zombie au récit initiatique d'un trentenaire fainéant/éternel ado frappé par la douloureuse nécessité de devoir se délester de son meilleur ami pour murir - et récupérer ainsi sa petite amie -, et qui va se découvrir homme dans le chaos ou s'opère une totale inversion de la hiérarchie sociale contemporaine (le loser geek devient un héros serein lorsqu'il doit sauver sa peau et celle des siens... enfin surtout celle de sa petite amie, tout en faisant fît des consignes gouvernementales).
Le tout noué autour d'un enchaînement de séquences comiques et gentiment gore, sous couvert d'une critique sociale féroce où la figure du mort-vivant popularisé par le papa de The Amusement Park, se fait le symbole criant et gémissant d'une Angleterre apathique et totalement engluée dans ses confortables réflexes consuméristes, poussant toute idée de singularité au conformisme le plus passif qui soit.

Pas un petit programme en somme (un comble quand on sait qu'il est, thématiquement, le plus fragile de la trilogie), mais que Wright mène d'une main de maître, autant dans une gestion habile entre un humour complice, un respect infaillible du genre et quelques saillies émotionnelles réellement authentiques, qu'à travers une mise en scène inventive, très Carpenterienne dans son souci de jouer du hors-champ et la suggestion, tout en visant une épure/efficacité qui n'a d'égale que son montage sec, sans trop de fioritures.

Copyright Universal/Allstar

De la bonne parodie racée et intelligente ou l'humour ne prend jamais le pas sur l'émotion, totalement consciente autant de son hybridité folle que de l'héritage cinématographique qu'elle tutoie pour mieux se l'approprier, une vraie réussite qui en inspirera d'autres (le plus viandard Bienvenue à Zombieland - Amérique oblige -, lui doit beaucoup si ce n'est tout) et nous place frontalement face à cette question cruciale et terrifiante : et si nous aussi, foutu pour foutu face à l’anéantissement de l’espèce humaine tout entière, on irait pas décompresser un peu en allant se taper une bonne pinte au pub ?

Ne répondez pas, on est déjà tous à vous attendre au Winchester...


Jonathan Chevrier