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[CRITIQUE] : Hit Man


Réalisateur : Richard Linklater
Avec : Glen Powell, Adria Arjona, Austin Amelio,...
Distributeur : Canal + (MyCanal)
Budget : -
Genre : Comédie, Romance, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h50min 

Synopsis :
Professeur de psycho et de philo, Gary Johnson vit seul avec ses deux chats dans un petit pavillon. Il mène une existence ordinaire si ce n'est qu'il arrondit ses fins de mois en effectuant des planques pour la police de la Nouvelle-Orléans. Un jour, il se trouve embarqué dans une vraie mission d’infiltration. Le voilà tueur à gages !



Critique :



Bazardé sans trop de boucan sur une chaîne cryptée après la déconvenue d'une sortie salles avortée par SND (sans doute parce que Borderlands où encore Le Larbin, avaient un potentiel attractif plus important... nope), Hit Man, vingt-deuxième long-métrage d'un Richard Linklater qui en a déjà bouclé un vingt-troisième entre-temps - et démarré la production du vingt-quatrième -, s'affranchit merveilleusement de toute appartenance à un genre (la marque de fabrique du cinéaste au fond, qui n'a jamais totalement adhéré à leurs codes préétablis, pour mieux trouver sa place dans les interstices qui les séparent et/où les unissent) pour incarner, à la fois, la comédie la plus rythmée et philosophique mais également la romance la plus douce et débridée d'une année ciné 2024 pourtant riche en outil de comparaison.

Copyright AGC Studios

Comédie sauvage et hilarante basé sur un lointain article du Texas Monthly (et co-écrit avec Glen Powell qui, mine de rien, devient son nouvel acteur fétiche avec son BFF Ethan Hawke), pour lequel il abandonné son Texas natal (centre névralgique de la majorité de ses histoires) pour la si cinégénique Nouvelle-Orléans, le film narre donc l'histoire incroyable - mais donc, au moins en partie, vraie -, d'un professeur d'université qui cachait une double identité en travaillant également sous couverture pour la police locale, en se faisant passer pour un tueur à gages et ainsi arrêter à l'avance, en mode flagrant délit de sollicitation de meurtre, ceux décidés à passer du côté obscur de la loi.
Sauf qu'evidemment, papa de la trilogie Before oblige, son nettoyeur n'a rien à voir avec l'image quasi-mystique que l'on pouvait s'en faire chez Sergio Leone, les frangins Coen où même Michael Mann, et il se fait à la fois sensiblement plus ambivalent et fascinant à décortiquer.

Car oui, Gary Johnson est véritablement une figure à part, et Linklater comme Powell l'ont modelé pour affirmer encore plus sa singularité, avec une ironie joliment mordante.
Professeur de philosophie mi-tranquille, mi-ringard qui interroge ses étudiants sur les concepts Freudiens et en perpétuels conflits du Ça, du Moi et du Surmoi, qui va pourtant irrémédiablement se perdre dans son jeu de double identité lorsqu'il laissera son cœur prendre le pouvoir sur sa raison, le bonhomme est un étudiant constant de la nature humaine qui questionne inlassablement des notions d'identités et de mortalité, un homme ordinaire et sans prétention qui bouscule l'ordre établi en prenant une autre identité, en bravant la loi au nom... de la loi.

Une figure que le tandem ne pense pas comme un être solipsiste vissé sur ses propres intérêts (à l'instar d'un Patrick Bateman que Gary singe d'une manière assez troublante, même s'il usé d'un gaslighting plus que discutable), mais comme une figure à deux visages inséparables qui sert d'outil à une réflexion sur le concept d'identité (ce qui fait la spécificité et la personnalité de chaque individu, la nécessité de se comprendre soi-même pour mieux embrasser qui l'ont est réellement) et d'individualité (comment nos choix individuels, notre façon de nous montrer aux yeux du monde, peut influencer l'autre voire même être déterminant autour de nous), flanqué au sein d'une comédie romantico-loufoque au rythme soutenu et aux dialogues ciselés et hilarants.

Copyright AGC Studios

Une comédie où l'intrigue un temps détendue - très Linklaterienne - s'emballe comme un cœur amoureux dans une sorte d'effet boule de neige libre et imprévisible, où la romance bouillonnante des personnages (l'alchimie entre Glen Powell et Adria Arjona est assez folle) épouse une accumulation coton de compromis, de dangers et de tromperies sans que l'écriture ne se vautre dans la parodie de la romcom, ni du polar familier.
Un vrai travail d'équilibriste de la part d'un cinéaste qui est lui-même à l'image de son personnage : à la fois reconnaissable et insaisissable qui peut passer facilement d'une œuvre (personnalité) à l'autre sans avoir à se répéter avec lassitude, sans recourir à des artifices putassiers, mais dans une idée saine d'expérimentation, de découverte de soi et de ses capacités pour servir le septième art - l'antithèse d'une Hollywood en pleine crise créative et identitaire.

Fonctionnant admirablement bien comme deux films à la fois - la comédie policière sauce thriller qui n'a pas peur de ses élans cruels, et la comédie romantique - sous le frisson du danger, à l'image d'un personnage qui lui-même embrasse l'idée d'être deux personnes en même temps, Hit Man se fait une étonnante séance, petit bout de cinéma à l'ancienne drôle, philosophique et sexy qui démontre, si besoin était, que Richard Linklater est l'un des cinéastes les plus importants de sa génération, mais aussi et surtout d'un cinéma indépendant américain qui ne serait pas le même sans lui.


Jonathan Chevrier





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