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[CRITIQUE] : Trap


Réalisateur : M. Night Shyamalan
Avec : Josh Hartnett, Ariel Donoghue, Saleka ShyamalanHayley Mills,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h45min

Synopsis :
30 000 spectateurs. 300 policiers. Un tueur.
Cooper, père de famille et tueur en série, se retrouve pris au piège par la police en plein cœur d’un concert.
S’échappera-t-il ?



Critique :



M. Night Shyamalan et le jeu dans ses narrations, c’est une belle histoire qui fonctionne depuis de nombreuses années. Le réalisateur a ainsi toujours glissé un certain rapport de perception dans chacune de ses œuvres, imposant un lien avec un regard extérieur assez révélateur. Que ce soit par le biais de la caméra des héros dans The Visit, le don du jeune Cole de Sixième sens, les mythes régissant Le Village ou encore la fascination d’Elijah dans Incassable, tout colle avec une volonté d’observer différemment le monde, que ce soit dans une forme d’affranchissement ou d’enfermement assez passionnant par ce qu’il s’y raconte.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc.

Ce point se développe à nouveau dans son dernier long-métrage, Trap, suivant un père de famille accompagnant sa fille à un concert pour apprendre que l’événement est hautement couvert par la police, persuadée qu’un tueur en série va s’y rendre. Le public ne va alors que très rarement lâcher le regard de Cooper, interprété par un Josh Hartnett sur un fil de rasoir constant qui fonctionne amplement bien. D’ailleurs, les rares fois où la narration échappe à ce biais permettent d’accentuer une volonté de reprise du récit par des personnages périphériques fonctionnant dans leurs effrois respectifs, accentuant d’autant plus le jeu de tension du film.

Car l’aspect ludique du récit est pleinement ancré dans la narration, jouant par un rapport constant à différents écrans pour souligner la nature observatrice de l’événement. Le parallèle de spectacle avec notre propre séance de cinéma fonctionne à plein régime, renforçant la proximité imposée à Cooper, sans que ce voyeurisme ne tombe dans une certaine complaisance (le PG13 est justifié à ce niveau) ou une réflexion boomerisante aux réseaux (au contraire, serions-nous même tentés de dire). On sent que le réalisateur s’amuse totalement de son concept tout en n’hésitant jamais à conserver une cohérence (le mouvement progressif vers la scène), le tordre ou à s’en libérer, notamment lors d’une deuxième moitié que l’on pourrait qualifier de jeu de chat et de la souris mené tambour battant.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc.

Hitchcockien en diable, M. Night Shyamalan propose avec Trap un thriller ludique dans sa mise en scène et hautement divertissant par sa tension permanente. C’est clairement du bon divertissement où le metteur en scène s’amuse autant que son public, tout en offrant des idées de mise en scène s’ancrant pleinement dans ses réflexions et son esthétique personnelles.  On aime à se rappeler à quel point le réalisateur conserve une aura qui allie ambitions artistiques et volonté de jouer avec le public, ce qui devrait être une leçon pour de nombreux titres de divertissements qui aiment jouer la carte du « cerveau à déconnecter » pour justifier une pauvreté de forme et de fond. Ce n’est clairement pas le cas avec Trap et on l’en remercie grandement !


Liam Debruel


Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc.

On était de ceux à avoir vraiment aimé le dernier long-métrage en date de M. Night Shyamalan, Knock At The Cabin, où comme à ses grandes heures, le cinéaste revenait aux basiques de son cinéma pour mieux concocter un cauchemar poignant et universel douloureusement basé sur la foi, à une heure où notre monde en manque mais où lui, paradoxalement, commençait à en retrouver en son talent de conteur d'histoires - et nous en son cinéma.

Difficile dès lors de ne pas attendre avec un enthousiasme non feint son nouvel effort, le potentiellement très Hitchcockien Trap, même si son mystère semblait méchamment éventé par une campagne promotionnelle dont la maladresse est on ne peut plus compréhensible : il n'y a, au fond, rien de plus dur à vendre qu'un film du papa d'Incassable.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc.

Trop en révéler nuirait considérablement à l'expérience et à la surprise que peut susciter la découverte d'une de ses œuvres (souvent bâties sur un twist essentiel), mais dans le même temps, ne pas assez en révéler viendrait presque lui assurer une déconnexion et le désintérêt d'un spectateur lambda qui, ironiquement, ne veut pas être spoiler mais demande à tout voir en à peine deux minutes de teasing.
Trap relève le niveau de l'impossible à un degré encore un peu plus improbable, tant l'hypothétique rebondissement est dégainé à la fois avant les trente premières minutes du film ET dans les trente premières secondes - où presque - de sa bande annonce : un tueur en série nommé Cooper, qui se rend à un concert avec sa jeune fille, Riley, découvre une fois sur place que l'événement s'est " subtilement " transformé en un piège élaboré et grandeur nature, pour l'attraper.

Même s'il est un poil décevant que cette grosse révélation soit aussi précoce dans la narration (ce qui aurait pu être désastreux avec un cinéaste moins sur de ses effets), il est vite évident qu'à l'instar d'un Phénomènes (une comparaison qui n'est pas dû au simple fruit du hasard), Shyamalan ne place pas tant toutes ses billes sur le suspense issu de ce retournement de situation majeur, ni même sur sa cohérence, car plus vite vous accepterez l'illogisme et l'absurdité totale de la situation, moins désagréable sera la séance... où pas.

Parce que oui, évidemment, dans la majorité des mises en images de ses high concepts (il a toujours su s'enticher de sujets de séries B sans réelles expositions, en les abordant comme des blockbusters minimalistes), la logique n'a jamais été le dada de Shyamalan (il y a même quelque chose de touchant parfois, dans sa manière d'en avoir pleinement conscience, en se laissant aller à ses kitscheries pas toujours digestes pour combler les trous) et son dernier bébé ne déroge absolument pas à cette règle, d'autant que le bonhomme surestime un peu trop la puissance de sa plume, en cherchant à s'aligner sur les glorieux pas d'Hannibal voire même, plus directement, de Dexter (même si l'exécution le rapproche plus d'un You du pauvre) en déconstruisant un brin l'image monstrueuse du tueur en série pour lui offrir quelques nuances humaines.

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Car la force même du film, son cœur émotionnel qui nourrit paradoxalement et parallèlement, l'une de ses plus grosses faiblesses, c'est l'accent - délicieusement comique - mis sur la relation entre Cooper et sa fille, mais surtout sur la difficulté (logique mais lunaire) qu'il peut y avoir dans le fait de concilier meurtres en série et parentalité.
Vraiment pas facile la vie quand on est un papa quadra blanc maniaco-manipulateur et violent MAIS sympathique en même temps (il est surnommé " The Butcher ", mais il peut aller kiffer sa vie dans un concert pop, ne jugez pas), qui se délecte autant de découper son prochain qu'être le meilleur des papas du monde...

Quand l'exécution de Shyamalan repose uniquement sur la prestation impliquée de Josh Hartnett, où la sympathie qu'il suscite auprès des autres masque habilement la monstruosité qui l'habite (son jeu nuancé fait des ravages, et il s'y éclate comme rarement), tout va plus où moins bien, moins étant notamment l'absence de son modus operandi, où quand la narration explore sans enthousiasme quelques pistes psychopathologiques sans saveurs, comme celle d'une profileuse du dimanche où celle de Cooper avec sa mère absente (le défaut de n'avoir qu'à peine deux heures et non une bonne dizaine, pour naviguer avec maîtrise au cœur des changements de ton discordants qu'une telle histoire de serial killer implique).
Il n'y a rien d'ailleurs rien de plus évocateur de sa personnalité trouble et torturée, que de le voir contempler, même fugacement, le bonheur et la joie de sa progéniture à travers un sourire qui n'a absolument rien de calculé, laissant transparaître la tragédie écrasante d'une vie tout en vices et en amour, en passe de s’effondrer.

Mais lorsque Shyami fait du Shyami en privilégiant la commodité à la tension (quitte à être en totale contradiction avec ce qui a été établi auparavant), en ne faisant absolument pas confiance en l'intelligence de son auditoire (quand ce n'est pas non-sensique, tout n'est souvent qu'une surcharge d'expositions), tout en laissant déborder ses penchants nombrilistes : rien ne va plus et Trap, bien qu'il retranscrit avec une crédibilité rare la ferveur d'un concert, ressemble alors à une démonstration de force/vitrine excessive de plusieurs millions de dollars d'un père, pour la mise en avant des talents de sa fille - Lady Raven, la pop-star fictive du film, est dans la vie la propre fille du cinéaste.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc.

Plus proche donc des kitscheries d'un Old où d'un Phénomènes que de la férocité brute d'un Split (même s'il flirte plusieurs fois avec la frontière du camp), à la fois furieusement léger dans sa narration et plutot solide son exécution (une évidence quand tout passe par le regard et l'observation), mais surtout avec un petit peu trop de cœur en lui - même malsain - pour être une pure odyssée tortueuse à sensations fortes; Trap n'en est pas moins un film de Shyamalan de bout en bout, à la fois ambitieux et un peu trop fier de ses propres effets, prenant et distrait, divertissant et frustrant - jusque dans son final.

Il y a, une nouvelle fois, deux films maladroitement soudé en un seul au sein de sa filmographie, à la fois l'exploration perverse d'un serial killer se rêvant bon père, noué autour de la potentielle découverte par sa jeune fille de sa monstruosité, et celui d'un véhicule affirmé et assumé, pour la carrière de chanteuse de sa propre fille, Saleka - dans un sens, son " piège " népo-baby-esque est réussi.
Évidemment, on a vu pire avec le papa de Signes donc, mais surtout beaucoup, beaucoup mieux...


Jonathan Chevrier