[CRITIQUE] : Blink Twice
Réalisatrice : Zoë Kravitz
Avec : Channing Tatum, Naomie Ackie, Adria Arjona, Geena Davis, Christian Slater, Alia Shawkat, Simon Rex, Haley Joel Osment, Kyle MacLachlan,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h42min
Synopsis :
Quand le milliardaire Slater King rencontre Frida, c’est le coup de foudre. Invitée sur son île privée, elle y découvre des soirées décadentes où le champagne coule à flots. Mais des événements étranges commencent à se produire et Frida devra découvrir la vérité si elle veut sortir vivante de cette fête.
Critique :
De toutes les comédiennes ayant tout récemment décidés de sauter le pas difficile de la réalisation et de passer in fine derrière la caméra, Zoë Kravitz, pas forcément la comédienne la plus populaire de sa génération - mais définitivement pas la moins talentueuse -, était celle dont on attendait le plus le premier long-métrage, Blink Twice, un temps titré Pussy Island (titre définitivement plus pertinent et évocateur, même si beaucoup moins vendeur), projet infiniment personnel visant, entre autres, à aborder la dynamique des genres autant qu'à fustiger - mais de manière ludique - la masculinité toxique brutale et dominante qui gangrène le star-system.
De quoi la placer un petit peu plus haut que tous ses " concurrentes " aux projets un peu plus conventionnels.
Et à l'écran, ce premier effort, évidemment pas exempt de maladresses, répond joliment à ses belles promesses quand bien même beaucoup auront assez vite la (mauvaise) idée de lui placarder l'étiquette de wannabe Jordan Peele, ce qui est à la fois certes évident (et donc sensiblement vrai) mais aussi et surtout un poil trop réducteur - quand bien même les similitudes avec Get Out sont légion.
Partant d'un pitch tout droit sorti d'un épisode de la Twilight Zone (un milliardaire proto-Elon Musk tombe sous le charme d'une jeune femme, et l'invite elle et sa meilleure amie sur son île privée, où elles vont découvrir les joies des soirées décadentes matinées de poudres blanches et de bulles de champagne, avant de réaliser que tout ne tourne pas rond sur ce petit bout de terre fantastique), Blink Twice vire lui aussi tranquillement mais sûrement vers le thriller psychologique et l'horreur social - avec une bonne dose d'ironie vacharde salvatrice -, à ceci près qu'il ne traite pas ici du racisme furieusement enraciné au coeur du pays de l'oncle Sam, mais bien comme dit plus haut, d'une violence misogyne et d'un désir pervers de controle exercés par des technocrates/hommes de pouvoir (au demeurant, deux sujets politiques toujours dans l'air du temps).
Sur l'île de Slater King, les femmes n'ont pas seulement intérêt à s'amuser, elles doivent continuellement faire en sorte de le montrer de sauver les apparences pour se préserver, pour survivre.
Et c'est là où l'écriture, certes un poil prévisible du tandem Kravitz/E.T. Feigenbaum (que ce soit sans sa manière de cocher un peu trop studieusement les cases des péloches qu'elle imite, à celle de jongler sans trop d'audace entre les différents tons) et pas dénué de quelques incohérences (dans les artifices qui maintiennent la logique de son histoire), tire toute sa férocité, cette idée de faire vivre à une figure elle-même tout en contradictions (l'héroïne, Frida, aussi obsédée par le milliardaire qu'elle est pragmatique dans sa vie de tous les jours), toute la dualité d'un paradis sur terre où tout semble possible, surtout le pire.
Au point même où le spectateur lui-même doute (mais pas trop) : est-ce qu'il y a réellement quelque chose de bizarre derrière tout ce simulacre blanc et doré, où est-ce juste quelque chose que font réellement les gens riches ?
Si Kravitz se montre là aussi un peu moins subtile dans sa mise en scène (qui surligne d'une façon un poil trop autoritaire, score criard à la clé, son mystère) que la photographie méticuleuse d'Adam Newport-Berra (pivot essentiel du statut d'expérience sensorielle que revendique le film), elle manège néanmoins suffisamment bien toutes les pièces de son édifice pour le rendre à la fois ludique et gentiment dérangeant, notamment lorsque son ambitieux et violent virage/retournement de situation s'amorce.
Efficace et incisif, le long-métrage se fait également un vrai film de comédiens•ennes, d'une Naomi Ackie tout en nuances qui agit comme un solide substitut au spectateur, à une Adria Arjona qui prend graduellement de l'ampleur, en passant par un Channing Tatum qui sape volontairement son charme incendiaire, pour imbiber son charisme bestial d'une aura menaçante vraiment prégnante (mention à un duo Simon Rex/Christian Slater savoureux même si bien trop sous-utilisés).
Diaboliquement tordu et ludique même si peut-être un peu trop confiant en son pouvoir manipulateur, Blink Twice se fait un joli premier effort féroce et pulpeux, promesse sans doute, de la naissance d'une potentielle grande cinéaste.
On a vraiment envie d'y croire.
Jonathan Chevrier
Avec : Channing Tatum, Naomie Ackie, Adria Arjona, Geena Davis, Christian Slater, Alia Shawkat, Simon Rex, Haley Joel Osment, Kyle MacLachlan,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h42min
Synopsis :
Quand le milliardaire Slater King rencontre Frida, c’est le coup de foudre. Invitée sur son île privée, elle y découvre des soirées décadentes où le champagne coule à flots. Mais des événements étranges commencent à se produire et Frida devra découvrir la vérité si elle veut sortir vivante de cette fête.
Critique :
Diaboliquement tordu et ludique même si peut-être un peu trop confiant en son pouvoir manipulateur, #BlinkTwice incarne un 1er film féroce et pulpeux qui aborde la dynamique des genres tout autant qu'il fustige, sans prendre de gants, une masculinité toxique brutale et perverse. pic.twitter.com/EhO4NzsE83
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) August 21, 2024
De toutes les comédiennes ayant tout récemment décidés de sauter le pas difficile de la réalisation et de passer in fine derrière la caméra, Zoë Kravitz, pas forcément la comédienne la plus populaire de sa génération - mais définitivement pas la moins talentueuse -, était celle dont on attendait le plus le premier long-métrage, Blink Twice, un temps titré Pussy Island (titre définitivement plus pertinent et évocateur, même si beaucoup moins vendeur), projet infiniment personnel visant, entre autres, à aborder la dynamique des genres autant qu'à fustiger - mais de manière ludique - la masculinité toxique brutale et dominante qui gangrène le star-system.
Copyright Amazon MGM |
De quoi la placer un petit peu plus haut que tous ses " concurrentes " aux projets un peu plus conventionnels.
Et à l'écran, ce premier effort, évidemment pas exempt de maladresses, répond joliment à ses belles promesses quand bien même beaucoup auront assez vite la (mauvaise) idée de lui placarder l'étiquette de wannabe Jordan Peele, ce qui est à la fois certes évident (et donc sensiblement vrai) mais aussi et surtout un poil trop réducteur - quand bien même les similitudes avec Get Out sont légion.
Partant d'un pitch tout droit sorti d'un épisode de la Twilight Zone (un milliardaire proto-Elon Musk tombe sous le charme d'une jeune femme, et l'invite elle et sa meilleure amie sur son île privée, où elles vont découvrir les joies des soirées décadentes matinées de poudres blanches et de bulles de champagne, avant de réaliser que tout ne tourne pas rond sur ce petit bout de terre fantastique), Blink Twice vire lui aussi tranquillement mais sûrement vers le thriller psychologique et l'horreur social - avec une bonne dose d'ironie vacharde salvatrice -, à ceci près qu'il ne traite pas ici du racisme furieusement enraciné au coeur du pays de l'oncle Sam, mais bien comme dit plus haut, d'une violence misogyne et d'un désir pervers de controle exercés par des technocrates/hommes de pouvoir (au demeurant, deux sujets politiques toujours dans l'air du temps).
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Sur l'île de Slater King, les femmes n'ont pas seulement intérêt à s'amuser, elles doivent continuellement faire en sorte de le montrer de sauver les apparences pour se préserver, pour survivre.
Et c'est là où l'écriture, certes un poil prévisible du tandem Kravitz/E.T. Feigenbaum (que ce soit sans sa manière de cocher un peu trop studieusement les cases des péloches qu'elle imite, à celle de jongler sans trop d'audace entre les différents tons) et pas dénué de quelques incohérences (dans les artifices qui maintiennent la logique de son histoire), tire toute sa férocité, cette idée de faire vivre à une figure elle-même tout en contradictions (l'héroïne, Frida, aussi obsédée par le milliardaire qu'elle est pragmatique dans sa vie de tous les jours), toute la dualité d'un paradis sur terre où tout semble possible, surtout le pire.
Au point même où le spectateur lui-même doute (mais pas trop) : est-ce qu'il y a réellement quelque chose de bizarre derrière tout ce simulacre blanc et doré, où est-ce juste quelque chose que font réellement les gens riches ?
Si Kravitz se montre là aussi un peu moins subtile dans sa mise en scène (qui surligne d'une façon un poil trop autoritaire, score criard à la clé, son mystère) que la photographie méticuleuse d'Adam Newport-Berra (pivot essentiel du statut d'expérience sensorielle que revendique le film), elle manège néanmoins suffisamment bien toutes les pièces de son édifice pour le rendre à la fois ludique et gentiment dérangeant, notamment lorsque son ambitieux et violent virage/retournement de situation s'amorce.
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Efficace et incisif, le long-métrage se fait également un vrai film de comédiens•ennes, d'une Naomi Ackie tout en nuances qui agit comme un solide substitut au spectateur, à une Adria Arjona qui prend graduellement de l'ampleur, en passant par un Channing Tatum qui sape volontairement son charme incendiaire, pour imbiber son charisme bestial d'une aura menaçante vraiment prégnante (mention à un duo Simon Rex/Christian Slater savoureux même si bien trop sous-utilisés).
Diaboliquement tordu et ludique même si peut-être un peu trop confiant en son pouvoir manipulateur, Blink Twice se fait un joli premier effort féroce et pulpeux, promesse sans doute, de la naissance d'une potentielle grande cinéaste.
On a vraiment envie d'y croire.
Jonathan Chevrier