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[CRITIQUE] : Pendant ce temps sur Terre


Réalisateur : Jérémy Clapin
Avec : Megan Northam, Sofia Lesaffre, Catherine Salée, Sam Louwyck,…
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget :-
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h29min.

Synopsis :
Elsa, 23 ans, a toujours été très proche de son frère aîné Franck, spationaute disparu mystérieusement 3 ans plus tôt au cours d’une mission spatiale. Un jour, elle est contactée depuis l’espace par une forme de vie inconnue qui prétend pouvoir ramener son frère sur terre. Mais il y a un prix à payer…


Critique :



Pour son premier long métrage, Jérémy Clapin avait frappé fort. Nous y suivions une main en quête de son corps, et un jeune homme en quête de ses rêves. Cinq ans plus tard, le réalisateur revient en salle, avec un deuxième long métrage en prise de vue réelle (son premier était un film d’animation). Pendant ce temps sur Terre poursuit le sujet de la quête impossible. On suit cette fois Elsa, jeune femme de vingt-trois ans, qui nourrit l’espoir de ramener son frère sur la terre ferme alors qu’il est porté disparu à la suite d’une mission spatiale.

Copyright 2023 - One World Films - Carcadice - France 3 Cinema - Auvergne-Rhône-Alpes Cinema

L’espace a toujours été synonyme de vide. C’est d’autant plus vrai pour Elsa dont la vie s’est arrêtée quand son grand frère, astronaute, n’est jamais revenu de mission. Cette aspirante artiste, grande gueule au cœur d’or, s’est refermée sur elle-même et ne dessine plus que pour passer le temps. Exit les rêves, exit la vie. Place au quotidien morne et au deuil impossible puisqu’il n’y a pas de corps. Pas de corps, pas de preuve. Alors quand une voix appartenant à une intelligence extraterrestre lui propose un marché pour retrouver son frère, elle n’hésite pas une seconde. Le ciel n’est plus une prison mais devient une possibilité, un rêve plus grand que la vie.

Film de SF, Pendant ce temps sur Terre est surtout un film intimiste sur la perte, comme l’était J’ai perdu mon corps dans son genre. Avec ce deuxième long métrage se dessine une sorte de leitmotiv pour Jérémy Clapin, pour qui la passion et le deuil s’entremêlent et créent une moralité parfois sanglante. Le réalisateur voit l'absence de rêve comme une mort lente. Elsa est une sorte de morte vivante. Elle est aide-soignante par dépit, comme Naoufel (le héros de J’ai perdu mon corps) était livreur de pizza. Elle qui voulait devenir bédéiste dessine maintenant sans but. L’arrivée de l’extraterrestre, qui se présente à l’image uniquement par le son, une forme invisible, exprime un nouvel espoir pour le personnage. Qu’importe ce que cette voix lui demandera, elle ramènera son frère et ils feront de nouveau corps communs dans leur rêve : lui, astronaute, elle, artiste. Science et art, deux formes complémentaires dans le genre SF.

Copyright 2023 - One World Films - Carcadice - France 3 Cinema - Auvergne-Rhône-Alpes Cinema

La demande de l’extraterrestre, bien que profondément immorale, fait écho à la douleur d’Elsa. Si celle-ci veut revoir son frère, l’extraterrestre, lui, veut sauver sa famille. Et pour la sauver, il lui faut des corps humains, devenus coquilles, pour que leurs esprits s’y implantent. On pourrait penser à de l’invasion pure et dure, un genre que de nombreux films ont déjà exploré. Mais encore une fois, le récit dévie des tropes du genre et reste intimiste. Ce n’est pas le genre humain qui est menacé, seulement cinq individus, que Elsa doit choisir comme une déesse de la mort. C’est la seule condition pour revoir son frère. Par ce biais, le film explore différentes formes de mort. La mort réelle certes, mais aussi la mort cérébrale. Qu’est-ce que ça signifie pour les proches quand le corps reste mais que l’esprit semble perdu ? Une des patientes d’Elsa ne reconnaît plus son mari et n’est déjà plus vraiment là, à l’image des corps qu’elle offre aux extraterrestres, qui deviennent autre une fois qu’un esprit extérieur s’y est implanté. Le poids de la décision et la solitude du personnage font office d’étape du deuil à l'intérieur de la narration. Comme si la SF ne servirait qu’à sortir Elsa de son inaction, qu’à la faire réagir, enfin.

Pendant ce temps sur Terre est minimaliste dans son imaginaire SF. La mise en scène tourne beaucoup autour du symbole, comme cette forêt où Elsa emmène ses proies. Le peu d’effet est peut-être synonyme de peu de moyen mais ce choix assoit tout l’aspect intimiste du film. Si esbroufe il doit y avoir, ce sera avec de magnifiques séquences d’animation, à l’aspect bédéique, comme un aveu du personnage qui a perdu toute foi en son art mais qui continue quand même d’entretenir son imagination. Si ce drame manque parfois d’ampleur — peut-être que la prise de vue réelle enferme le réalisateur dans un récit trop corseté — il a le mérite de proposer un film de SF français d’une grande rigueur, avec toujours cette forme de cruelle mélancolie qui fait tout le sel des films de Jérémy Clapin. Avec ce second long métrage, il confirme tout le bien que l’on pensait déjà de lui.


Laura Enjolvy


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