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[CRITIQUE] : Mad Fate


Réalisateur : Soi Cheang
Avec : Ka Tung Lam, Lok Man Yeung, Ng Wing Sze,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Hong-Kongais, Chinois.
Durée : 1h49min

Synopsis :
Par une nuit d’orage, un maître de feng shui tente de sauver une prostituée d’une mort certaine, mais le destin en a décidé autrement. Arrivé à son domicile, il découvre le corps de la jeune femme, victime d’un abject serial killer. Un livreur déboule à son tour sur la scène de crime, hypnotisé et fasciné par ce qu’il voit. Le maître de feng shui prédit au garçon un avenir sombre et meurtrier. Mais cette fois, il jure de tout faire pour changer le cours des choses. Sauf que l’inspecteur chargé de l’enquête est convaincu que le livreur est un psychopathe-né dont la soif de sang ne peut être arrêtée...



Critique :



Le destin est-il un Dieu inflexible ou bien un drôle de farceur qui peut être soudoyé ? Dans le Hong-Kong des bas-fonds, un maître feng shui, un jeune sociopathe meurtrier en devenir et un flic qui se prend un peu trop au sérieux vont être les marionnettes d’un destin méchamment plaisantin. 

2024 sera l’année de Soi Cheang en France. Deux de ses films sortiront sur grand écran : Mad Fate mais aussi City of Darkness présenté à Cannes en séance de minuit. Soi Cheang commence sa carrière de réalisateur en 1999 avec Our last day mais ne se fera distinguer en France que très récemment avec le policier poisseux Limbo. Pourtant ce poulain de Johnnie To est loin d’être un novice et a réalisé quelques très grosses productions : la trilogie The Monkey King ou Kill Zone 2 entre autres. Son style hyper esthétisé allie action, horreur et policier et fait très largement honneur au cinéma hong-kongais.

Copyright Carlotta Films

Si Limbo est un film noir et sans espoir, Mad Fate prend une toute autre tonalité. Le Hong-Kong sans couleur de Limbo se pare de néons colorés et le désespoir laisse place à la quête - certes difficile- de faire le bien absolument. Soi Cheang manie les notions d’ironie et de rédemption comme personne. Si dans Limbo la recherche de rédemption d’actes réellement commis était quasi impossible, dans Mad fate, les personnages sont absous d’actes pas encore réalisés. Sur ces points, Mad Fate se place en film miroir de Limbo même s’il n’arrive pas à créer une ambiance aussi particulière et prenante. 

Cet optimisme est accompagné d’une tonalité bien plus joyeuse et d’un humour pas toujours bienvenu. Autant évoquer tout de suite l’aspect le plus problématique du film : son rapport aux femmes. Le prologue du film présente un personnage féminin haut en couleur, une escort persuadée par notre maître feng shui qu’elle va bientôt mourir. Pour la sortir de cette mauvaise passe, il décide de tromper le mauvais sort en faisant croire qu’elle est déjà morte. Pour ce faire, il l’enterre vivante dans un cimetière. La petite affaire ne se passe pas comme prévue et la femme meurt tout de même. Elle aurait pu mourir d’un millions de façon mais Soi Cheang décide de la fétichiser en invoquant un tueur en série sadique qui n’aura aucune réelle incidence sur le reste du récit si ce n’est tuer des femmes qui elles non plus n’existeront pas vraiment en tant que personnages. 

Copyright Carlotta Films

Outre cela, Mad Fate propose une métaphore sur la difficulté de se comprendre et le besoin de communiquer. Soi Cheang parsème ça et là des symboles de cette recherche : des temples en arrière-plan, des paraboles et des grilles qui isolent et enferment.
Si les acteurs font plutôt bien leur travail et sont assez convaincants, l’écriture des personnages un peu bancale rend le film parfois un peu pénible à regarder. Les flash-backs du jeune sociopathes sont particulièrement agaçants et impliquent une marionnette de chat qui ferait passer le Salem de Sabrina, version nineties, pour une pointe de la technologie. 

En somme Mad Fate n’est pas vraiment un film désagréable à regarder par moment notamment grâce à son côté loufoque mais il se traîne un manque de consistance et une misogynie appartenant au siècle dernier qui en font un film au mieux anecdotique au pire puant. Les quelques scènes hautes en couleurs et assez barrées raviront peut-être les aficionados du cinéma hongkongais, peut-être.


Éléonore Tain