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[CRITIQUE] : Rétrospective 3 Films noirs argentins


Rétrospective " 3 Films noirs argentins " : Que la bête meure (1952) et Le Vampire noir (1953) de Román Viñoly Barreto, ainsi que Un meurtre pour rien de Fernando Ayala (1956).

Distribution : Les Films du Camélia.



Qu'on se le dise, à une époque où la cinéphilie se statue, selon une poignée de spectateurs particulièrement bruyants, selon une liste de films vulgairement établie qu'il faut avoir vu (pas compris, vu, n'en demandez pas trop), il n'y a décemment aucun mal à avouer ne pas connaître un/une cinéaste et sa filmographie.
Après tout, le septième art n'est-il pas un champ constant de découverte, un univers dense et passionnant qui ne demande qu'à être arpenté avec enthousiasme et curiosité, quand bien même certains ne se borne qu'à ratisser la même zone usée et infertile.

Pour l'auteur de ces mots, les cinéastes uruguayen et argentin Román Viñoly Barreto et Fernando Ayala n'étaient encore que des noms lus (vraiment) à l'arrachée au travers de quelques textes n'allant pas toujours en profondeur des choses, et ce malgré des carrières foisonnantes (près d'une trentaine de réalisations pour le premier, un petit peu plus d'une quarantaine pour le second).
On ne remerciera donc jamais assez Les Films du Camélia, toujours au rendez-vous des bons plans, pour arpenter ses terres peu explorées et redonner un coup de projecteur même modeste, sur ces cinéastes avec une rétrospective inédite " 3 films noirs argentins ", composée de Que la bête meure et Le Vampire noir de Román Viñoly Barreto, ainsi que Un meurtre pour rien de Fernando Ayala.

Que la bête meure - © LES FILMS DU CAMÉLIA

Concoctés à l'heure de l'âge d'or du cinéma argentin (les 50s, comme son voisin mexicain, déjà célébré l'an dernier par le distributeur), contre-proposition assez ironique (dans le sens où il en reprend scrupuleusement tous les codes) à un cinéma Hollywoodien qui avait sensiblement délaissé le polar pour des propositions plus populaires et consensuelles, des mélodrames aux comédies de mœurs en passant par les comédies musicales, ses trois œuvres fiévreuses s'unissent donc dans le noir (oui, c'est comme le Port-Salut, c'est écrit dessus), et sont le fruit d'intrigues savamment complexes et macabres, quand bien même Le Vampire noir se démarque un brin des deux autres, jusque dans ses origines - c'est un remake du monument M le maudit de Fritz Lang.

Trois films de vengeance incroyablement théâtraux et cyniques qui plongent sans réserve dans les abysses de la psyché humaine entre adversités, tragédies et douleurs insondables, où chaque homme se fait un monstre manipulateur, sourd et suffisant, pensant avoir des raisons légitimes de se venger : que ce soit l'écrivain veuf de La bestia debe morir (sans doute celui pour lequel, le regard est le plus " compatissant "), qui cherche à venger la mort terrible de son jeune fils, percuté par un chauffard qui a pris la fuite (une adaptation du roman éponyme de Cecil Day Lewis, père de Daniel Day Lewis, dix-sept ans avant celle de Claude Chabrol), le journaliste escroc et paranoïaque de Los Tallos Amargos, confronté à sa propre radicalité autant qu'à sa propre folie ténébreuse (pas si éloigné au fond, du Psychose d'Alfred Hitchcock, dans sa volonté malsaine de vouloir nous pousser à ressentir de l'empathie pour son personnage titre, même après un acte de violence soudain et insensé), où même le meurtrier fou et implacable du Vampire Negro.

Un Meurtre pour rien- © LES FILMS DU CAMÉLIA

Trois fables nihilistes où la représentation Hitchcockienne de la folie n'est jamais loin, tout comme la réinterprétation Langienne du genre à travers des œuvres merveilleusement socialo-paranoïaque (la grande bourgeoisie argentine insensible et hautaine, en prend ici salement pour son grade), où la pusillanimité et la médiocrité de l'homme aux doubles troublants, se confronte à la dignité de la femme, où le conservatisme castrateur ambiant se fait le terreau fertile d'une violence sourde et sauvage, d'une dégradation inévitable de toute idée morale.
Trois (re)découvertes fantastiques aux restaurations juste extraordinaires.


Jonathan Chevrier


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