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[CRITIQUE] : Rendez-vous avec Pol Pot


Réalisateur : Rithy Panh
Acteurs : Irène Jacob, Grégoire Colin, Cyril Gueï, Bunhok Lim,...
Distributeur : Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Cambodgien, Français, Qatari, Taïwan, Turque.
Durée : 1h52min.

Synopsis :
1978. Depuis trois ans, le Cambodge, devenu Kampuchéa démocratique, est sous le joug de Pol Pot et ses Khmers rouges. Le pays est économiquement exsangue, et près de deux millions de Cambodgiens ont péri dans un génocide encore tu. Trois Français ont accepté l’invitation du régime et espèrent obtenir un entretien exclusif avec Pol Pot : une journaliste familière du pays, un reporter photographe et un intellectuel sympathisant de l’idéologie révolutionnaire. Mais la réalité qu’ils perçoivent sous la propagande et le traitement qu’on leur réserve va vont peu à peu faire basculer les certitudes de chacun.



Critique :



Pile poil trois décennies après la présentation - en Compétition - de son Rice People (et huit ans après Exil), le cinéaste cambodgien Rithy Panh avec son nouvel effort, Rendez-vous avec Pol Pot, un long-métrage de fiction - rare au cœur d'une filmographie résolument tournée vers le documentaire - visant à pousser une nouvelle réflexion autour de la tragédie du soi-disant Kampuchea démocratique de Pol Pot et de ses Khmers rouges, élément charnière de l'histoire du Cambodge mais tout autant au cœur même de l'œuvre cinématographique du bonhomme, dont l'héritage à la fois douloureux (il y a perdu la plupart des siens dans les camps de travail et de rééducation du régime) et silencieux (un génocide qui a fait plus de deux millions de morts, sans que le monde ne s'en émeut plus que cela), à nourrit ses expérimentations fictionnelles comme documentaires.

Copyright Dulac Distribution

Une sorte de film somme - aussi vulgaire que le terme puisse paraître -, sur trente années d'une mise en images d'une horreur et d'une violence sourde, ou Panh trouve le moyen d'aborder d'une nouvelle manière la vérité et la dureté des événements, à travers une perspective tout aussi pragmatique que par le passé, mais définitivement plus scénarisée (et , inspirée du livre de la journaliste et correspondante de guerre américaine Elizabeth Becker, When The War Was Over : Cambodia and the Khmer Rouge Revolution) : un entretien presque sarcastique dans sa vérité, de Pol Pot autorisé et voulu par le régime, chapeauté par trois français (américains  dans la réalité) - dont deux journalistes.

Canonique dans sa reconstitution des événements (on se situé en 1978, soit trois ans après le début de la Kampuchea démocratique), voire même assez prévisible dans sa manière d'articuler la prise de conscience - même partielle - de figures occidentales innocentes/crédules confrontées de plein fouet à l'horreur, c'est dans sa mise en scène de celle-ci (avec l'usage d'images d'archives mais aussi et surtout de marionnettes en terre cuite, qui étaient déjà au cœur de L'Image manquante), dans sa facon de travailler constamment avec les sensations (une tension grimpant graduellement jusqu'à devenir anxiogène) plus qu'avec sa narration que Panh déjoue les attentes et marque un peu plus les esprits, notamment dans sa volonté de questionner directement le septième art dans sa retranscription simulée/truquée (puisque reproduite) d'une réalité déjà capturée par l'image.

Copyright Dulac Distribution

S'il ne tire pas tout le plein potentiel de son parti pris (baser totalement sa narration sur ce que les journalistes ne pouvaient pas ou n'étaient pas autorisés à voir, sous le joug du contrôle continu que le régime exerçait sur eux), Rendez-vous avec Pol Pot, certes un poil trop inégal pour son bien, n'en reste pas moins une nouvelle (et ultime ?) pièce d'une vibrant et bouleversant devoir de mémoire par la puissance du septième art, d'un cinéaste hanté comme toute sa nation, par les horreurs du passé.
Un effort subtil, lucide et tragique.


Jonathan Chevrier


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