[CRITIQUE/RESSORTIE] : Aloïse / Le Jardin qui bascule
Aloïse (1975) de Liliane de Kermadec et Le Jardin qui bascule (1975) de Guy Gilles, distribués par Les Acacias.
Réalisatrice : Liliane de Kermadec
Avec : Delphine Seyrig, Isabelle Huppert, Jacques Weber, Marc Eyraud, Michael Lonsdale,…
Distributeur : Les Acacias
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h55min
Synopsis :
L'histoire véridique d'Aloïse, aliénée, enfermée toute sa vie, qui a fini par s'exprimer par la peinture.
Date de sortie : 2 avril 1975
Date de ressortie : 8 mai 2024
Qu'on se le dise, à une époque où la cinéphilie se statue, selon une poignée de spectateurs particulièrement bruyants, selon une liste de films vulgairement établie qu'il faut avoir vu (pas compris, vu, n'en demandez pas trop), il n'y a décemment aucun mal à avouer ne pas connaître un/une cinéaste et sa filmographie - foisonnante ou non.
Après tout, le septième art n'est-il pas un champ constant de découverte, un univers dense et passionnant qui ne demande qu'à être arpenté avec enthousiasme et curiosité, quand bien même certains ne se borne qu'à ratisser la même zone usée et infertile.
Pour l'auteur de ces mots, les cinémas de Guy Gilles et Liliane de Kermadec n'étaient encore que des noms lus à l'arrachée au travers de quelques textes, et ils le seraient sans doute longtemps resté sans l'opportunité offerte par Les Acacias, de découvrir deux de leurs œuvres (déjà exploités sous format physique l'an dernier), par l'intermédiaire de leur hommage à la merveilleuse comédienne Delphine Seyrig : Le Jardin qui bascule du premier, et Aloïse de l'autre, deux longs-métrages tournés la même année que India Song de Marguerite Duras, mais également (et surtout) Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, tous présentés sur la Croisette - pas un hasard.
Second long-métrage de Liliane de Kermadec, co-écrit avec André Téchiné, Aloïse se revendique comme la mise en images à la fois sobre et désabusée de l'existence tourmentée de l'artiste suisse Aloïse Corbaz, figure majeure du mouvement de l’art brut, qui fut internée pendant plus de quarante ans en instance psychatrique.
Rebaptisée Porraz pour l'occasion, comme pour mieux inscrire la distance du regard de de Kermadec, dans une réalité pourtant crûment retranscrite, le film se fait un effort à la fois ambitieux dans sa manière de réfuter tout contour hagiographique, et profondément à contre-courant dans sa volonté de ne pas tant célébrer le processus créatif ni la beauté de l'art de son sujet.
Une œuvre à part puisque jamais là où l'on attend, le regard distancé d'une femme sur une autre qui, elle-même, aura toujours été à côté de sa propre existence, à distance de ce qu'elle aurait voulu être (une cantatrice), à distance de la reconnaissance qu'elle mérite - elle ne connaitra la postérité que dans la tombe.
Une figure complexe mais fascinante, qui a toujours refuser de se soumettre aux dictats d'une société hostile et répressive qui lui imposait la domesticité et la dilution de son âme, qui s'est toujours battu pour défendre sa volonté et sa dignité, avant que son corps lui-même ne se plie à une volonté autre, et qu'elle sombre dans l'impuissance et de la folie.
Un portrait féministe et tout en résiliation, sensible et schizophrène, pas tant dans les maux qui assaillent Aloïse mais dans son double visage à l'écran (une Isabelle Huppert toute jeune mais déjà impressionnante, et une Delphine Seyrig absolument incroyable), qui a le bon ton d'offrir en prime, un regard à la fois cruel mais juste sur une vérité pas si lointaine : l'internement arbitraire de femmes brisées par une institution dont la violence à longtemps été a longtemps été laissé au silence.
De polar à mélodrame onirique et bucolique, il n'y a qu'un pas chez Guy Gilles, qui croque ici une pure œuvre d'esthéte (peut-être un poil trop sur-écrite pour son bien) tout en opérant l'autopsie mélancolique d'une passion complexe et tragique embaumée par la mort, porté par une Delphine Seyrig somptueuse et fascinante.
Réalisatrice : Liliane de Kermadec
Avec : Delphine Seyrig, Isabelle Huppert, Jacques Weber, Marc Eyraud, Michael Lonsdale,…
Distributeur : Les Acacias
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h55min
Synopsis :
L'histoire véridique d'Aloïse, aliénée, enfermée toute sa vie, qui a fini par s'exprimer par la peinture.
Date de sortie : 2 avril 1975
Date de ressortie : 8 mai 2024
***
Réalisateur : Guy Gilles
Avec : Patrick Jouané, Delphine Seyrig, Sami Frey, Jeanne Moreau, Guy Bedos,…
Distributeur : Les Acacias
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h20min
Synopsis :
Jeune tueur à gages, Karl est chargé d'éliminer Kate, une séduisante aventurière. Mais le malfrat ne tarde pas à tomber amoureux de la jeune femme.
Date de sortie : 14 mai 1975
Date de ressortie : 8 mai 2024
***
Qu'on se le dise, à une époque où la cinéphilie se statue, selon une poignée de spectateurs particulièrement bruyants, selon une liste de films vulgairement établie qu'il faut avoir vu (pas compris, vu, n'en demandez pas trop), il n'y a décemment aucun mal à avouer ne pas connaître un/une cinéaste et sa filmographie - foisonnante ou non.
Après tout, le septième art n'est-il pas un champ constant de découverte, un univers dense et passionnant qui ne demande qu'à être arpenté avec enthousiasme et curiosité, quand bien même certains ne se borne qu'à ratisser la même zone usée et infertile.
Pour l'auteur de ces mots, les cinémas de Guy Gilles et Liliane de Kermadec n'étaient encore que des noms lus à l'arrachée au travers de quelques textes, et ils le seraient sans doute longtemps resté sans l'opportunité offerte par Les Acacias, de découvrir deux de leurs œuvres (déjà exploités sous format physique l'an dernier), par l'intermédiaire de leur hommage à la merveilleuse comédienne Delphine Seyrig : Le Jardin qui bascule du premier, et Aloïse de l'autre, deux longs-métrages tournés la même année que India Song de Marguerite Duras, mais également (et surtout) Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, tous présentés sur la Croisette - pas un hasard.
On ne remerciera donc jamais assez Les Acacias, pas la dernière à être au rendez-vous des bons plans, pour redonner un coup de projecteur même modeste, à ces cinéastes, et ainsi permettre à nos (nombreuses) lacunes d'être un chouia comblées.
Aloïse - © Les Acacias Films // © 1975 Unité Trois, TF1 Studio. Tous droits réservés. |
Second long-métrage de Liliane de Kermadec, co-écrit avec André Téchiné, Aloïse se revendique comme la mise en images à la fois sobre et désabusée de l'existence tourmentée de l'artiste suisse Aloïse Corbaz, figure majeure du mouvement de l’art brut, qui fut internée pendant plus de quarante ans en instance psychatrique.
Rebaptisée Porraz pour l'occasion, comme pour mieux inscrire la distance du regard de de Kermadec, dans une réalité pourtant crûment retranscrite, le film se fait un effort à la fois ambitieux dans sa manière de réfuter tout contour hagiographique, et profondément à contre-courant dans sa volonté de ne pas tant célébrer le processus créatif ni la beauté de l'art de son sujet.
Une œuvre à part puisque jamais là où l'on attend, le regard distancé d'une femme sur une autre qui, elle-même, aura toujours été à côté de sa propre existence, à distance de ce qu'elle aurait voulu être (une cantatrice), à distance de la reconnaissance qu'elle mérite - elle ne connaitra la postérité que dans la tombe.
Une figure complexe mais fascinante, qui a toujours refuser de se soumettre aux dictats d'une société hostile et répressive qui lui imposait la domesticité et la dilution de son âme, qui s'est toujours battu pour défendre sa volonté et sa dignité, avant que son corps lui-même ne se plie à une volonté autre, et qu'elle sombre dans l'impuissance et de la folie.
Comme si elle avait toujours été condamnée à ne jamais pouvoir faire corps avec elle-même, à ne jamais pouvoir suivre - littéralement - sa voie(x).
Le Jardin qui bascule - © Les Acacias Films // © 1974 Scorpion V, Off Production, TF1 Studio. Tous droits réservés. |
Un portrait féministe et tout en résiliation, sensible et schizophrène, pas tant dans les maux qui assaillent Aloïse mais dans son double visage à l'écran (une Isabelle Huppert toute jeune mais déjà impressionnante, et une Delphine Seyrig absolument incroyable), qui a le bon ton d'offrir en prime, un regard à la fois cruel mais juste sur une vérité pas si lointaine : l'internement arbitraire de femmes brisées par une institution dont la violence à longtemps été a longtemps été laissé au silence.
Le Jardin qui bascule lui, se fait une proposition sensiblement opposée mais pas pour autant conventionnelle, sorte de polar qui n'en est pas totalement un tant tout les apparats du genre servent de prétexte à un formidable jeu de dominé-dominant, où un tueur à gages, sous contrat, est censé liquider une élégante bourgeoise indépendante et gentiment désabusée dont il va, inéluctablement, tomber sous le charme et devenir, d'une certaine manière, une proie romantique (il la tuera, mais elle provoquera son suicide).
De polar à mélodrame onirique et bucolique, il n'y a qu'un pas chez Guy Gilles, qui croque ici une pure œuvre d'esthéte (peut-être un poil trop sur-écrite pour son bien) tout en opérant l'autopsie mélancolique d'une passion complexe et tragique embaumée par la mort, porté par une Delphine Seyrig somptueuse et fascinante.