[CRITIQUE] : When Evil Lurks
Réalisateur : Demián Rugna
Avec : Ezequiel Rodríguez, Silvina Sabater, Luis Ziembrowski, Emilio Vodanovich, Federico Liss,...
Distributeur : ESC Films / Shadowz
Budget : -
Genre : Epouvante-horreur.
Nationalité : Argentin, Américain.
Durée : 1h39min
Synopsis :
Après avoir découvert un cadavre mutilé près de leur propriété, deux frères apprennent que les événements étranges survenant dans leur village sont causés par un esprit démoniaque qui a élu domicile dans le corps purulent d’un homme. Le mal dont souffre ce dernier ne tarde pas à se répandre comme une épidémie, affectant d’autres habitants de la région.
Critique :
Au sein d'un cinéma horrifique dont l'exploitation a rarement paru aussi prolifique, le film de possession/exorcisme incarne l'une de ses déclinaisons à la fois les plus populaires, mais aussi et surtout la plus cheap, essorée par toute une vague de production difficilement défendables ayant envahit des salles définitivement pas assez obscures, depuis le milieu des années 2000.
Tellement de péloches possédées par les démons de l'opportunisme, avec des entités aux flexions arrière improbables (à en faire rougir le plus agile de tes profs de yoga), dégueulant leurs tripes tout en junk food ou même rampant sur le moindre mètre carré possible - plafond compris -; qu'il était devenu presque essentiel que le genre propose quelque chose de réellement choquant, autant pour renouer avec son auditoire que pour initier un électrochoc qui s'inscrirait comme la nouvelle approche à suivre.
Entre alors dans l'équation la petite anomalie crasse et énervée When Evil Lurks de Demián " Terrified " Rugna, petite bête de festivals à la réputation flatteuse - mais amplement méritée -, dont l'innovation réside dans un procédé on ne peut plus simple : penser son film comme un douloureux et saisissant drame familial, avant d'y insérer une force démoniaque méchamment perverse pour pimenter les débats, et faire lentement mais sûrement grimper les enjeux.
Car là où tous ses petits camarades récents ne se font, majoritairement, que des rejetons illégitimes de L'Exorciste avec une présence religieuse furieusement marquée, Rugna mise tout ici sur ce qui nous lie et touche tous : la famille (point qui le rapproche de l'excellent Evil Dead Rise de Lee Cronin, sorti l'an dernier), et la nécessité qui nous incombe de la protéger coûte que coûte, et encore plus d'une menace, d'une contagion implacable et tenace (l'encarnado, intelligemment installé au cœur du récit, puisque connue de tous dans cette petite bourgade rurale argentine, voire même toute la nation) qui salie tout sur son passage.
Et ça fait mal, très mal, car le cinéaste n'y va pas de main morte dans sa barbarie primaire et brutale ou tout semble permis - surtout l'impensable -, dans son déferlement d'horreurs immondes et immorales qui ne se font la résultante tragique et sanglante des (nombreux) mauvais choix entrepris par ses personnages.
L'essentiel est là, dans cette manière simpliste mais incroyable d'user de la nature humaine, perfectible et capable du meilleur comme du pire, pour que le spectateur s'identifie voire même se reconnaisse dans les décisions prises à l'écran.
Point de moralisme putassier, ni même une volonté de prêcher ou de fustiger quoi ni qui que ce soit dans When Evil Lurks : juste l'idée que l'horreur peut toujours être évité, si chacun fait ce qu'il doit faire - et les règles pour survivre à l'encarnado sont loin d'être complexe à suivre.
Mais rien ne va dans ce sens au cœur du film de Rugna (tant mieux), dont la caméra volontairement naturaliste montre une humanité qui faillit, qui se refuse à abandonner son confort ou même à regarder en face les maux d'une nation, qui ne semble les concernee que lorsqu'ils les touchent directement (donc trop tard).
Une faillite humaine (frustrante parce que tangible, dans la manière dont les personnages laissent leurs propres entraves annihiler toute possibilité de survie), citoyenne mais aussi et surtout institutionnelle, tant l'encarnado (dont l'inspiration est née par l'utilisation de pesticides dans les communautés rurales argentines, qui a provoqué une augmentation massive des cancers infantiles et un dédain gouvernemental proprement abject face à la situation) est très vite annoncé comme une menace identifiée et évitable, et son développement méticuleusement réfléchi et planifié au fil de la narration ne fait qu'encore plus durement, l'inscrire dans notre réalité contemporaine.
Car au-delà de la métaphore facile sur la montée en puissance du facisme en Argentine, ou même sur la gestion mondiale du Covid-19, difficile de ne pas y voir non plus l'aveuglement consentis du monde face à la crise climatique.
Alors certes, si When Evil Lurks marque férocement la rétine, c'est avant tout et surtout parce que Demián Rugna plonge tête la première et sans réserve dans le body horror sauce splatter - aux effets pratiques macabres et sinistres à l'excès -, avec une gourmandise malsaine rarement égalée ces dernières années (le film n'est VRAIMENT PAS fait pour tout le monde), à tel point que l'on en oublierait presque plusieurs de ses défauts notables (une direction d'acteurs pas toujours heureuse, un rythme parfois trop lancinant,...).
Mais rarement un film aussi méchant aura su se montrer autant solide sur son fond que profondément transgressif dans sa créativité et sa générosité.
La renaissance du film de possession que l'on espérait plus.
Jonathan Chevrier
Avec : Ezequiel Rodríguez, Silvina Sabater, Luis Ziembrowski, Emilio Vodanovich, Federico Liss,...
Distributeur : ESC Films / Shadowz
Budget : -
Genre : Epouvante-horreur.
Nationalité : Argentin, Américain.
Durée : 1h39min
Synopsis :
Après avoir découvert un cadavre mutilé près de leur propriété, deux frères apprennent que les événements étranges survenant dans leur village sont causés par un esprit démoniaque qui a élu domicile dans le corps purulent d’un homme. Le mal dont souffre ce dernier ne tarde pas à se répandre comme une épidémie, affectant d’autres habitants de la région.
Critique :
Même s'il flirte avec le body horror et le splatter avec une gourmandise méchante et malsaine, #WhenEvilLurks fait mouche dans la manière qu'à Rugna de penser son film comme un saisissant drame familial, dans lequel il insère une force démoniaque perverse pour pimenter les débats pic.twitter.com/cmYwpYVO0T
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 12, 2024
Au sein d'un cinéma horrifique dont l'exploitation a rarement paru aussi prolifique, le film de possession/exorcisme incarne l'une de ses déclinaisons à la fois les plus populaires, mais aussi et surtout la plus cheap, essorée par toute une vague de production difficilement défendables ayant envahit des salles définitivement pas assez obscures, depuis le milieu des années 2000.
Tellement de péloches possédées par les démons de l'opportunisme, avec des entités aux flexions arrière improbables (à en faire rougir le plus agile de tes profs de yoga), dégueulant leurs tripes tout en junk food ou même rampant sur le moindre mètre carré possible - plafond compris -; qu'il était devenu presque essentiel que le genre propose quelque chose de réellement choquant, autant pour renouer avec son auditoire que pour initier un électrochoc qui s'inscrirait comme la nouvelle approche à suivre.
Copyright Charades |
Entre alors dans l'équation la petite anomalie crasse et énervée When Evil Lurks de Demián " Terrified " Rugna, petite bête de festivals à la réputation flatteuse - mais amplement méritée -, dont l'innovation réside dans un procédé on ne peut plus simple : penser son film comme un douloureux et saisissant drame familial, avant d'y insérer une force démoniaque méchamment perverse pour pimenter les débats, et faire lentement mais sûrement grimper les enjeux.
Car là où tous ses petits camarades récents ne se font, majoritairement, que des rejetons illégitimes de L'Exorciste avec une présence religieuse furieusement marquée, Rugna mise tout ici sur ce qui nous lie et touche tous : la famille (point qui le rapproche de l'excellent Evil Dead Rise de Lee Cronin, sorti l'an dernier), et la nécessité qui nous incombe de la protéger coûte que coûte, et encore plus d'une menace, d'une contagion implacable et tenace (l'encarnado, intelligemment installé au cœur du récit, puisque connue de tous dans cette petite bourgade rurale argentine, voire même toute la nation) qui salie tout sur son passage.
Et ça fait mal, très mal, car le cinéaste n'y va pas de main morte dans sa barbarie primaire et brutale ou tout semble permis - surtout l'impensable -, dans son déferlement d'horreurs immondes et immorales qui ne se font la résultante tragique et sanglante des (nombreux) mauvais choix entrepris par ses personnages.
L'essentiel est là, dans cette manière simpliste mais incroyable d'user de la nature humaine, perfectible et capable du meilleur comme du pire, pour que le spectateur s'identifie voire même se reconnaisse dans les décisions prises à l'écran.
Copyright Charades |
Point de moralisme putassier, ni même une volonté de prêcher ou de fustiger quoi ni qui que ce soit dans When Evil Lurks : juste l'idée que l'horreur peut toujours être évité, si chacun fait ce qu'il doit faire - et les règles pour survivre à l'encarnado sont loin d'être complexe à suivre.
Mais rien ne va dans ce sens au cœur du film de Rugna (tant mieux), dont la caméra volontairement naturaliste montre une humanité qui faillit, qui se refuse à abandonner son confort ou même à regarder en face les maux d'une nation, qui ne semble les concernee que lorsqu'ils les touchent directement (donc trop tard).
Une faillite humaine (frustrante parce que tangible, dans la manière dont les personnages laissent leurs propres entraves annihiler toute possibilité de survie), citoyenne mais aussi et surtout institutionnelle, tant l'encarnado (dont l'inspiration est née par l'utilisation de pesticides dans les communautés rurales argentines, qui a provoqué une augmentation massive des cancers infantiles et un dédain gouvernemental proprement abject face à la situation) est très vite annoncé comme une menace identifiée et évitable, et son développement méticuleusement réfléchi et planifié au fil de la narration ne fait qu'encore plus durement, l'inscrire dans notre réalité contemporaine.
Car au-delà de la métaphore facile sur la montée en puissance du facisme en Argentine, ou même sur la gestion mondiale du Covid-19, difficile de ne pas y voir non plus l'aveuglement consentis du monde face à la crise climatique.
Copyright Charades |
Alors certes, si When Evil Lurks marque férocement la rétine, c'est avant tout et surtout parce que Demián Rugna plonge tête la première et sans réserve dans le body horror sauce splatter - aux effets pratiques macabres et sinistres à l'excès -, avec une gourmandise malsaine rarement égalée ces dernières années (le film n'est VRAIMENT PAS fait pour tout le monde), à tel point que l'on en oublierait presque plusieurs de ses défauts notables (une direction d'acteurs pas toujours heureuse, un rythme parfois trop lancinant,...).
Mais rarement un film aussi méchant aura su se montrer autant solide sur son fond que profondément transgressif dans sa créativité et sa générosité.
La renaissance du film de possession que l'on espérait plus.
Jonathan Chevrier