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[CRITIQUE] : Resilient Man


Réalisateur : Stéphane Carrel
Avec : Steven McRae
Distributeur : Jour2fête
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Français
Durée : 1h30min

Synopsis :
Au sommet de sa gloire, Steven McRae, brillant danseur étoile au Royal Ballet de Londres se blesse au tendon d’Achille et s’effondre sur scène. Sa carrière semble finie. Pourtant, après 2 ans d’absence, accompagné par ses entraîneurs et l’équipe médicale de la compagnie, il suit un programme spécial pour revenir à son plus haut niveau. Malgré l’adversité, Steven McRae compte bien remonter sur scène et danser à nouveau les plus prestigieux rôles du répertoire…


Critique :



Dance, dance, otherwise we are lost” disait la regrettée Pina Bausch. Ces mots, Steven McRae l’a senti dans sa chair. En octobre 2019, lors d’une représentation du ballet classique L’histoire de Manon, le danseur étoile australien se rompt le tendon d’Achille. Une blessure grave, qui l’oblige à se retirer de la scène pendant un an et demi. Alors au sommet de sa carrière, à 34 ans, le danseur du Royal Ballet remet tout en question. La suite de sa carrière, sa façon de danser, de s’alimenter, de s’entraîner, de penser. Qu’a-t-il fait de mal ? Que peut-il changer ? Mais avant tout, pourra-t-il de nouveau danser ?

Copyright Stéphane Carrel

Stéphane Carrel, à qui l’on doit déjà la sublime série Arte Seule la danse, où il suivait différents élèves du Conservatoire Supérieur National de Danse de Paris, berceau des futurs danseurs et danseuses de l’Opéra de Paris, décide de suivre Steven McRae dans ce moment charnière de sa carrière. À la fois poétique et didactique, Resilient Man documente et attrape au vol les différentes émotions d’un homme qui doit tout réapprendre.

Banlieue chic de Londres. Une maison vivante, pleine de jouets. Un homme assis sur le lit, dépliant délicatement ses orteils sur le tapis avant de se lever et de commencer sa journée. Avec sa carrure d’athlète et ses cheveux roux, Steven McRae ne passe pas inaperçu. Il n’est jamais passé inaperçu depuis sa variation du Corsaire, lors du prix de Lausanne, à seulement 17 ans. Invité à rejoindre le Royal Ballet de Londres, il ne l’a plus quitté depuis. On a loué sa prestance, sa technique puissante, sa rapidité. Son nom a souvent été associé à Baryshnikov, étoile éternelle, que les critiques et aficionados de la danse voyaient dans les gestes du danseur australien. Ni son mariage avec Elizabeth Harrod, soliste du Royal Ballet, ni la naissance de ses trois enfants n’a arrêté son ascension. Un grand jeté dans le monde strict de la danse, il ne touchait plus terre. Qu’importe la douleur qu’il ressentait dans son tendon depuis des mois, voire des années. Il dansait. Puis, comme toute ascension, comme tout saut, aussi majestueux soit-il, il y a la redescente, l'atterrissage. Tendon coupé net, remplacé par du métal. Incapable de marcher sans béquille pendant un an. Incapable de danser. Moral à zéro. Carrière en suspens. Tout à foutu le camp.

Copyright Stéphane Carrel

Steven McRae n’a rien à envier à Rocky. Nouvelle façon de s’alimenter, un programme fabriqué sur-mesure. Son corps se modifie petit à petit, il s’étoffe, se muscle. Il lui faut de la force, de l’endurance pour compenser ce qui est perdu à jamais. Grâce du danseur, mais corps d’athlète, un paradoxe que ne couvre pas son ancien costume de Casse-Noisette, pourpoint de roi devenu trop petit pour ses larges épaules et ses pectoraux. Mais son port de tête, ses mouvements, tout en lui crie le danseur qu’il sera à vie. La caméra de Stéphane Carrel capte à merveille ce paradoxe, en montrant à la fois la puissance de son corps lors de ses séances de musculation, mais aussi sa vulnérabilité lors de séquences plus poétiques, hors du récit et du temps, où le corps de Steven McRae devient un tableau sur fond uni. Un corps qui raconte une histoire.

Alors que nous pensions que Resilient Man n’avait qu’un seul but, suivre le danseur jusqu’à sa première apparition sur scène, deux ans après sa blessure, le documentaire continue après la représentation. Pourquoi, alors que sa prestation de Roméo dans le ballet Roméo et Juliette de Prokofiev est un triomphe ? Parce que la vie dépasse l’ascension de l’athlète à la Rocky. Parce que Steven McRae n’est pas juste un corps, un danseur. Il est aussi un homme, un mari, un père, un fils. Qui ressent la peur, la frustration, la tristesse. Et que le succès d’hier est juste une étape, pas le but final. “Faire des va-et-vient entre le prestige et la normalité” comme le dit Stéphane Carrel lui-même. Voir un homme en complète harmonie avec ses émotions, même les plus déchirantes. Voir la force et la vulnérabilité dans un même corps. Voilà le but de ce documentaire.


Laura Enjolvy


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