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[CRITIQUE] : Civil War


Réalisateur : Alex Garland
Avec : Kirsten Dunst, Cailee Spaeny, Wagner Moura, Nick Offerman, Jesse Plemons, Stephen McKinley Henderson,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Action, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h49min

Synopsis :
Une course effrénée à travers une Amérique fracturée qui, dans un futur proche, est plus que jamais sur le fil du rasoir.



Critique :



C'est évident certes, mais Alex Garland à toujours été un cinéaste qui en faisait beaucoup, trop diront même certains, sur des sujets qui nécessitaient peut-être moins d'éparpillements, plus de clarté, pour moins dérouter où peut-être, dans un certain sens, encore plus accompagner le vertige qu'il voulait provoquer sur son auditoire.
Civil War, son nouvel effort (et peut-être le dernier, si l'on en suit ses dires récents) est frappé par ce même mal, quand bien même il n'y est strictement pour rien... ou presque.

De son titre plus qu'évocateur, à une heure actuelle où les États-Unis sont plus divisés que jamais (les élections présidentielles de la fin d'année, font décemment partis des plus explosives que le pays n'ait jamais connu), le film et sa vision d'une nation divisée en factions séparatistes laissait présager si ce n'est une réflexion opportuniste, un regard extrêmement provocateur de la part du bonhomme.

Copyright A24 / DCM

Sauf que Civil War est sensiblement apolitique, tant les divisions généralisées actuelles du pays de l'oncle Sam ne sont pas vraiment l'objet d'une narration furieusement cynique qui a, in fine, bien plus à dire sur l'état du journalisme contemporain (surtout de guerre), que sur le chaos de la société américaine.
Pire, le cinéaste semble même tellement peu se préoccuper de la dite guerre civile de son long-métrage, qu'il la contextualise à peine et en dévoile le minimum.
Car oui, le Garland nouveau est avant tout et surtout une œuvre sur le journalisme de guerre et sur la manière d'aborder le métier (dans un contexte où internet perd de son omniprésence), alors que la tragédie humaine n'est plus sur un territoire étranger mais bien sur ses propres terres.

On y suit une photojournaliste de guerre aussi chevronnée et récompensée pour son travail, qu'elle est désormais face à sa profession, dont la dernière mission en date est, avec son partenaire de longue date, Joel, et la photographe en herbe, Jessie, est de couvrir un entretien avec le président en place (dont les décisions ont amenés la nation à entrer en guerre contre elle-même), qui est en passe de sortir d'une bonne année de silence.
Une opportunité folle, même s'ils doivent se lancer dans un road trip méchamment dangereux et à l'issue incertaine (coucou Annihilation), ou ils devront traverser plusieurs centaines de kilomètres à travers de nombreuses zones de guerre actives et des blocus hostiles, chapeautés par des milices d'État et autres forces locales férocement armées.

Copyright A24 / DCM

Si les maigres détails de son conflit global et dystopique (difficile d'imaginer des états aux politiques dissemblables aujourd'hui, se lier entre eux) en disent peu sur le regard qu'à Garland des États-Unis (il ne choisit aucun camp et ne se contente que de pointer les ravages et l'absurdité de cette guerre, à travers deux camps figés sur leurs positions), c'est bien plus sur l'opposition entre Lee et Jessie (superbe tandem Kirsten Dunst/Cailee Spaeny) que le cinéaste s'arrête, cette lutte intestine entre le mentor un brin désabusé et une jeunesse enthousiaste qui pourrait intimement la remplacer; deux âmes alliées et concurrentes à la fois, qui se poussent l'une et l'autre au sein d'une profession qui entretient savamment les rivalités, elles-même catapultées au sein d'un conflit qu'elles appréhendent de deux manières différentes (secouée pour la première, plus insensible pour une seconde moins habituée à la cruauté du champ de bataille).

C'est à travers la tension discrète mais captivante qui les animent (Lee se voit plus jeune en une Jessie naïve, qui elle voit en son aînée la journaliste confiante et expérimentée qu'elle aimerait être à l'avenir), que Garland dresse le fascinant et immersif portrait d'une profession à part et symbolique, articulée entre un courage contemplatif face à l'horreur et un égocentrisme exacerbé, entre une acceptation perpétuelle de défiance frontale face à la mort, et l'implication louable d'immortaliser par les images, la vérité de chaque évènement dans le marbre de l'histoire.
Une dévotion sacrificielle (même face à l'aversion croissante du public pour le journalisme) mêlée à la satisfaction d'influencer le monde par l'image " parfaite " (sur laquelle, ironiquement, ils n'ont pas réellement d'emprise une fois envoyée à leur redaction), que le cinéaste capture avec l'immédiateté et la maîtrise d'un documentaire de guerre, pour d'autant plus marquer la rétine de son auditoire.

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Road movie dramatique et viscéral richement complexe, porté par le culot autant de ne pas prendre parti politiquement, que d'incarner un film de guerre qui ne s'attache pas tant aux conflits (malgré un final résolument sensationnel), qu'aux personnes qui les capturent, Civil War n'a donc pas valeur à être une mise en garde (ce qu'il est aussi, pourtant), mais bien d'incarner une réflexion sur l'évolution du journalisme et de son intégrité à l'ère - numérique - contemporaine.
Comme d'habitude chez Garland, le diamant brut n'est pas toujours taillé comme il le devrait, mais il brille comme peu.


Jonathan Chevrier