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[CRITIQUE] : Road House


Réalisateur : Doug Liman
Avec : Jake Gyllenhaal, Daniela Melchior, Billy Magnussen, Gbemisola Ikumelo, Lukas Gage, Conor McGregor,…
Distributeur : Amazon Prime Vidéo France
Budget : -
Genre : Action, Drame, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h54min.

Synopsis :
Dalton, un ancien combattant de l'UFC tente d'échapper à son sombre passé et à son penchant pour la violence, dans ce film d'action bourré d'adrénaline. Dalton se débrouille à peine avec la réputation qui lui colle à la peau lorsqu'il est repéré par Frankie, propriétaire d'un relais routier dans les Keys de Floride. Elle l'engage comme nouveau videur dans l'espoir d'empêcher un gang violent, travaillant pour le patron du crime Brandt, de détruire son bar bien-aimé. Même à cinq contre un, l'équipe de Brandt ne fait pas le poids face aux compétences de Dalton. Mais les enjeux deviennent de plus en plus importants avec l'arrivée de Knox, l'impitoyable tueur à gages. Alors que les bagarres brutales et les effusions de sang s'intensifient, les Keys tropicaux s'avèrent plus dangereux que tout ce que Dalton a pu affronter dans l'octogone.



Critique :



Vouloir signer un remake contemporain du cultissime Road House de Rowdy Herrington c'est, au-delà de l'absurdité profonde de la chose (Hollywood n'est pas à ça près), chercher à s'attaquer à une anomalie, un petit miracle déglingué comme seules les 80s ont pu en produire.
Produit par le pape de l'action de l'époque, Joel Silver, dont il reprend tous les codes excessifs avec une dévotion imposée (la liste est définitivement trop longue pour être dégainée, mais les vrais savent), kitsch comme ce n'est pas permit autant qu'il est aussi jouissif qu'une bonne baston parfumée à la bière et à la sueur, le film est de ses séries B régressive qu'on ne peut qu'aimer, un vrai western moderne bourré jusqu'à la gueule de fights homériques tournés avec fougue et chorégraphié au couteau (Charles Picerni aux commandes, déjà derrière L'Arme Fatale et Die Hard).

Copyright Laura Radford/Prime Video

Et il faut bien l'admettre, faire d'un Patrick Swayze proto-Bodhi Silver (avec un doigt du romantisme encore vivace de Johnny Castle), un videur de bar bouseux/boite de nuit un put*** de héros d'actionner, aussi expert en art martiaux qu'il est zen et très cultivé (il est diplômé du N.Y.U., a une licence de philosophie s'il vous plait, et il lit Légendes d'Automne entre deux séances de Tai Chi au grand air), flanqué d'un Sam Elliott sans moustache en mentor tout en chevelure; il fallait oser, et seules les années 80 pouvaient permettre un tel fantasme burné.

Retour au présent donc, et à cette idée de remake moderne accouché dans la douleur (on parlait un temps d'une relecture au féminin, avec Ronda Rousey en vedette) et loin d'être bandante, chapeauté par un tandem Doug Liman/Jake Gyllenhaal gentiment improbable sur le papier, et dont les légères modifications semblaient déjà piquer plus que de raison : exit l'americana profonde et les bastons homériques (le coup de la glotte...), bonjour le soleil de la Floride et le MMA, plus de Sam Elliott ni de Ben Gezzara en nabab cartoonesque mais coucou bien trop de nouveaux personnages et un Conor McGregor tout en muscles et en nez (vachement) poudré.

Copyright Laura Radford/Prime Video

Restait donc à savoir si la bière, passée trois décennies, allait être toujours consommable ou voir sa mousse tourner à la pisse comme à peu près toute tentative de modernisation d'une formule trop marquée par son époque.
Bonne nouvelle, même s'il n'atteint jamais le degré d'innocence folle et régressive de son illustré aîné (avec lequel, même porté par les meilleures intentions, il ne pouvait absolument pas rivaliser), Road House cuvée 2024 trouve tant bien que mal son propre parfum de sueur, de testostérone et de sang, en incarnant un divertissement d'époque - mais méchamment friqué - qui semble autant se moquer des bandes jetables de l'époque, qu'en épouser paradoxalement tous les travers.

Une vraie séance de streaming avec ses effets un poil cheap et son action certes énergique (combats, courses-poursuites,  explosions à gogo), mais qui ne vient jamais totalement rompre la vulnérabilité d'une narration qui se prend un peu trop au sérieux pour son bien.
Car après tout, à quoi bon dégainer une intrigue tortueuse autour du traumatisme d'une légende de l'UFC et d'un projet immobilier pas clean porté par un baron du crime, quand le seul intérêt d'un tel projet réside dans les coups que s'échangeront une pluie de trognes burinées et burnées ?

Copyright Laura Radford/Prime Video

C'était là l'attrait principal du film d'Herrington - la bagarreuh - et c'est là qu'aurait du se concentrer ce remake, encore plus avec un Dalton moins zen et torturé, un combattant déshonoré et qui gagne désormais sa vie autant en se livrant à des combats clandestins, qu'en rebondissant en tant que videur dans un petit bled Floridien - love story avec une chirurgienne aussi à la clé.

Mais Liman comme Gyllenhaal, qui délivre ici une performance A-list avec son charme impayable et son physique de gladiateur (comme Swayze, il donne de la crédibilité à un personnage et à une histoire qui n'en ont pas des masses), ont voulu un peu plus muscler les débats dans la forme, une intention louable pour se démarquer sans forcément se donner totalement les moyens de le faire sur le fond : une intrigue réduite à peau de chagrin (plus encore que l'original), un second degré parfois risible (le bar s'appelle littéralement The Road House) et aucun vrai développement de ses personnages, d'une Daniela Melchior qui a encore moins de grain à moudre que Kelly Lynch dans l'original, à un Billy Magnussen est un vilain furieusement unidimensionnel, en passant par Conor McGregor qui, bien qu'il soit physiquement imposant, a tout d'un Schwarzenegger du pauvre et sous exta quand il s'essaye à jouer les acteurs - mais quel put*** de double affrontement avec Gyllenhaal.

Copyright Laura Radford/Prime Video

Ce qui rendait Road House profondément jouissif et toujours aussi agréable malgré les nombreuses visions (terme VHS poncées), c'est parce qu'il incarnait un parfait condensé de son époque, un moment brutal et cartoonesque à l'absurdité évidente, dont l'innocence totale le rendait infiniment sincère, même dans ses nombreux défauts.
Quand bien même il joue sur son propre tempo savoureusement déséquilibré, voir le film de Doug Liman, honnêtement bien emballé, essayer de renouer avec cette magie déglinguée le rend de facto artificiel, même s'il sait se faire chouette et fun, notamment dans une seconde moitié qui lâche enfin du lest - et fait entrer en scène McGregor.

Difficile d'être en colère contre l'existence de ce remake donc, tant il a déjà assez de peine pour exister par lui-même.


Jonathan Chevrier


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