Breaking News

[CRITIQUE] : Universal Theory


Réalisateur : Timm Kröger
Avec : Jan Bülow, Olivia Ross, Hanns Zischler, Gottfried Breitfuss,…
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Allemand, Autrichien, Suisse.
Durée : 1h58min

Synopsis :
1962 : lors d’un congrès de physique dans les Alpes suisses, le jeune Johannes défend une théorie sur l’existence de mondes parallèles. Mais personne n’y croit, pas même son tuteur. Les mystères s'accumulent pourtant : une curieuse formation nuageuse dans le ciel ; la présence fantomatique de Karin, cette jeune pianiste qui l’obsède et semble tout savoir de lui… Et ces personnes victimes d’accidents étranges dans la montagne ? Le réel semble bien fragile en ce lieu.


Critique :


Ce film a commencé comme un rêve” nous dit Timm Kröger dans le dossier de presse. Un rêve qui serait passé à la moulinette de Tarkovski et de Hitchcock, à la délicieuse saveur vintage. Le réalisateur signe son deuxième long métrage avec Universal Theory, après un premier film encore inédit en France, The Council of birds. Mais son nom ne nous est pas totalement inconnu ici puisqu’il est crédité au générique du film The trouble with being born, de Sandra Wollner, en tant que chef opérateur.

Copyright Neue Visionen Filmverleih

Dans ce nouveau long métrage, le grand sujet est le multivers qui a, décidément, le vent en poupe. Il n’est question ni de super héros à la Marvel, ni de problématique familiale comme pour Everything Everywhere All at Once mais du véritable multivers, dans le sens scientifique du terme. Nous suivons d’ailleurs un apprenti physicien, Johannes (Jan Bülow) dans les Alpes suisses, où l’atmosphère s’intensifie à la suite de phénomènes météorologiques étranges et de disparitions de clients d’un hôtel huppé.

Nous sommes en 1962 et des tensions politiques planent sur Universal Theory, en sous-texte. Le savant iranien qui devait conduire la conférence, où se rendent Johannes et son professeur, le Dr Julius Strathen, ne passe pas la frontière. Des petites piques entre collègues scientifiques, à propos des années nazies, sont échangées. Le monde de la physique, comme partout, est régi par des dynamiques de domination. Johannes doit passer sa thèse pour obtenir le statut de Docteur et rendre fier sa mère, d’origine précaire. Il jongle avec ses théories osées sur le multivers, que n’approuve pas Strathen, et la pression de réussir. Nous comprenons vite qu’il vaut mieux rester dans les clous, pour ne pas se retrouver à vivre comme le professeur Blumberg, alcoolique et rejeté par une bonne partie des physiciens pour ses théories qualifiées d’absurdes. Cependant, Johannes est sûr de sa théorie sur les dimensions parallèles. Il ne sait pas d’où lui viennent ses calculs, ni pourquoi ceux-ci forment un feu intérieur que même la pression de réussite sociale ne parvient pas à éteindre. Sa rencontre avec Karin (Olivia Ross), un soir d’orage dans une petite chapelle, lui offre une autre sorte d’obsession. L’impression d’avoir toujours connue la jeune femme, d’avoir avec elle un lien qu’il ne peut expliquer. Une attirance, une attraction même, plus forte que tout.

Copyright Neue Visionen Filmverleih

D'une image noire et blanche aussi contrastée que Citizen Kane, Universal Theory nous embarque dans un polar sombre, avec des personnages tous plus énigmatiques les uns que les autres. On pourrait presque parler de pastiche de film d’époque tant les détails, jusqu’à la musique, nous font voyager dans le cinéma d’antan. Mais Timm Kröger ne s’enferme pas dans le banal exercice de style en poussant toujours plus loin le curseur de l’étrangeté, oubliant peu à peu Hitchcock pour s’enrouler autour des oripeaux de Lynch. Avec la théorie scientifique pour toile de fond, le film prend le pourtour d’un cauchemar extravagant et dense. Une aura de mystère plane jusqu’à la toute fin, le récit ne voulant pas nous donner toutes les clefs de compréhension. Et c’est tant mieux. À l’heure où le cinéma a tendance à vouloir surexpliquer pour être sûr que les spectateur⋅ices comprennent tout, il est reposant de voir certains cinéastes manier le mystère comme enjeu narratif.

Magnétique, Universal Theory se positionne toujours avec un contraste qui forme son mystère. Vieux film contemporain, polar romantique, le film de Trimm Kröger se veut presque une figure de style visuelle dont les différentes strates narratives présentent une dimension poétique, comme si les mots de Paul Éluard “je suis au cœur du temps et je cerne l’espace” prenaient vie devant nos yeux.


Laura Enjolvy



Aucun commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.