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[CRITIQUE] : Sleep


Réalisateur : Jason Yu
Avec : Lee Sun-kyun, Jeong Yu-mi, Kim Kum-Soon,...
Distributeur : The Jokers Films/Les Bookmakers
Budget : -
Genre : Épouvante-Horreur, Thriller.
Nationalité : Sud-coréen.
Durée : 1h35min.

Synopsis :
La vie d'un jeune couple est bouleversée quand le mari devient somnambule et se transforme en quelqu'un d'autre la nuit tombée. Sa femme, submergée par la peur qu'il fasse du mal à leur nouveau-né, ne trouve alors plus le sommeil....



Critique :


Fut une époque où, distribution fragile oblige, nous n'avions que des hauts faits ou presque, issus du Pays du matin frais à se mettre sous la dent mais avènement et popularisation de ce dit cinéma aidant, couplé à une explosion des possibilités mises à disposition des spectateurs et cinéphiles (comme les plateformes, Netflix en tête), il est vite devenu évident que tout n'était pas aussi parfait que fantasmer, et que la machine à produire sud-coréenne ne rendait pas forcément les concepts et autres formules familières, plus magiques et digestes passées entre leurs mains.

De là à dire qu'il y autant à boire qu'à manger dans cette dite production actuelle, il n'y a qu'un pas que l'on n'hésite plus à franchir, quand bien même beaucoup se pâme à la moindre sortie.
Entre en scène Sleep donc, estampillé premier long-métrage de Jason Yu, collaborateur fréquent de Bong Joon-ho et adoubé autant par la Croisette que par la dernière réunion fantastique de Gerardmer (Grand Prix à la clé), que l'on vend déjà comme un must-see - ou pas loin - de manière un poil trop hâtive, avec son cocktail entre la comédie domestique et le trip dramatico-fantastique.

Copyright The Jokers Films

Prenant au pied de la lettre le terme " pour le meilleur et pour le pire ", noué avant toute officialisation des liens sacrés du mariage, la narration suit les atermoiements de Hyun-su, un comédien professionnel enchaînant les petits rôles à la télévision, et de sa femme enceinte, Soo-jin, deux âmes qui s'aiment d'un amour tel qu'ils sont intimement convaincus qu’il n’y a aucune adversité qu'ils ne puisse surmonter.
Évidemment, leur union/complicité va être rudement mise à l'épreuve par le TCSP (Trouble du comportement en sommeil profond, ndlr) qui frappe Hyun-su, le bonhomme se levant la nuit pour faire des choses un temps étrange (ce que Soo-jin, qui dort elle aussi de moins en moins, impute au stress de son travail, mais surtout à l'arrivée du futur bébé), avant de devenir vraiment dangereuses - pauvre chien.
Et si le mal qui ronge le jeune mari et père, était finalement non pas naturel, mais surnaturel...

C'est sur ce groove intéressant même si furieusement familier dans son ressort dramatique (l'être aimé devenant une menace), que Yu impose sa prose, usant du fantastique et de l'humour comme d'un prisme savamment décalé pour explorer le thème de l'anxiété face à la vie et le potentiel échec conjugal (sommes-nous capable de tout vivre pour et avec l'autre ? Ou se situe les limites de ce que l'on doit endurer par amour ?), jouant tout en subtilité des oppositions (possession/superstition contre pathologie médicale/véracité scientifique, amour contre adversité) et de l'incertitude (avec un gros travail sur le son et la lumière, pour renforcer l'angoisse et l'hostilité d'un appartement qui semble lui-même cacher ses propres secrets), dans cette spirale infernale désespérée pour susciter la terreur chez son auditoire.

Copyright The Jokers Films

Une ambiguïté séduisante autant qu'un refus salutaire de se vautrer tête la première dans l'occultisme, dont on peut accepter les ellipses maladroites avant que l'odyssée chaotico-paranoïaque ne vire à la semi-catastrophe dans un dernier tiers excessivement littéral (un affrontement direct avec le mal, ou plutôt le " mâle ") et à la violence un poil gratuite, qui rend sa tension affreusement superficielle et vient fissurer un édifice jusque-là accrocheur : rien n'est plus fort que la certitude réellement terrifiante de vivre avec quelqu'un qui ne peut être soigné, et qui constitue une menace directe et frontale pour vous et votre enfant.

Ou quand le vertige de la suggestion, se voit plombé par un esprit malin - dans tous les sens du terme - qui vous donne lui-même les clés de son histoire.
Dommage, d'autant que les performances impliquées et tout en nuances de feu Lee Sun-kyun et Jeong Yu-mi, justifient à elles seules le déplacement.


Jonathan Chevrier