[FUCKING SERIES] : Griselda : Vergara pulp
(Critique - avec spoilers - de la mini-série)
Il ne fallait pas forcément trop tortiller du postérieur sur son canapé, pour comprendre que le nouveau drama criminel made in Netflix, Griselda, allait suivre la même lignée fructueuse de ses illustres aînées Narcos et Narcos : Mexico.
Rien d'illogique sur le papier, tant on retrouve ici la même équipe de production à l'œuvre - jusqu'à la présence de Andrés Baiz derrière la caméra -, et qu'il n'y a rien de déconnant à les voir user de la même formule (ou presque, puisque aucune image d'archives n'est dégainé à l'écran) pour dramatiser l'existence bigger than life de " la veuve noire " Griselda Blanco, avec la même efficacité qu'ils ont pu le faire avec Pablo Escobar et Miguel Gallardo par le passé.
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Le vrai intérêt entourant la série au fond, quand bien même son sujet était sensiblement fascinant sur le papier (une mise en images du destin d'une figure hors norme, un temps visage important du cartel de Medellín et mentor d'Escobar, elle est considérée comme la pionnière du trafic de cocaïne vers les États-Unis), résidait dans la performance d'une Sofia Vergara proprement méconnaissable (quelques prothèses qui changent tout, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme), dans la manière qu'elle aurait de casser l'image encore prégnante du rôle le plus marquant de sa carriere - la Gloria Delgado-Pritchett de Modern Family -, pour embrasser littéralement son opposé, un personnage dur, armé et très dangereux, prête à tout pour ses enfants.
Et force est d'admettre qu'elle incarne Griselda avec une poigne et une sobriété étonnantes, démontant gentiment les limites d'une écriture beaucoup trop linéaire et stéréotypée pour son bien (l'odyssée criminelle à grande échelle de Griselda, ne semble in fine motivée que par son égo et son désir d’indépendance financière), qui joue moins la carte du thriller violent et haletant sauce jeu du chat et de la souris à la Narcos, qu'une étude de personnage un poil ennuyé et ennuyeuse dans sa volonté de décortiquer un esprit aussi sombre et tenace que féroce, entre deux ellipses et autres intrigues secondaires au traitement expéditif.
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Ce qui fonctionne sur une série articulée sur plusieurs saisons et épisodes, ne fonctionne pas vraiment sur six petites sorties de moins d'une heure chacune.
Et c'est dommage tant, dans ses fulgurances, Griselda laisse entrevoir les contours d'un solide et audacieux portrait de femme tiraillée par ses dilemmes moraux, autant mère aimante que tueuse impitoyable, aussi fragile que portée par une rage intérieure bouillonnante - et souvent à la lisière de la paranoïa -, qui s'est frayé toute seule son chemin vers les sommets (quitte même à flinguer un mari violent, et à se mettre à dos tout un milieu), dans un univers violent, concurrentiel et férocement misogyne ou même dans les effusions de sang et de colère, elle n'a jamais totalement été prise au sérieux, n'a jamais réellement eu le mérite de ses actes.
Un portrait pulpeux et aux nuances fragiles, auquel on superpose sous le soleil Floridien celui miroir - et tout aussi sommaire finalement - de la jeune enquêtrice June Hawkins (comme Narcos donc), paradoxalement la seule à enquêter (ou presque à s'intéresserw tout court) sur les exactions de Blanco, elle-même confrontée à la misogynie au sein de la DEA.
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Griselda n'a définitivement rien de révolutionnaire (pas même dans une mise en scène aux tics parfois irritants) et aurait même mérité un peu plus de rigueur dans sa narration (ou plus de temps d'exposition, c'est selon), mais il est impossible de ne pas se laisser un minimum emporter par son énergie cocaïnée et la partition de Sofia Vergara, qui vient mettre un peu de lumière ensanglantée dans un Miami déjà loin d'être tout rose.
Jonathan Chevrier