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[CRITIQUE] : Animal


Réalisatrice : Sofia Exarchou
Avec : Dimitra Vlagkopoulou, Flomaria PapadakiAhilleas Hariskos, Chronis Barbarian,...
Distributeur : Shellac
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Grec, Autrichien, Bulgare, Roumain, Chypriote.
Durée : 1h56min

Synopsis :
Sous le soleil brûlant d’une île grecque, les animateurs d’un hôtel all-inclusive menés par la charismatique Kalia se préparent pour la saison. Décors en carton-pâte, costumes pailletés et spectacles de danse envahissent la scène. À mesure que l’été avance, la pression augmente, les nuits s’enchaînent, et les démons de Kalia se réveillent. Lorsque les projecteurs s’allument, the show must go on… mais cela a-t-il toujours un sens pour elle ?




Critique :


Même s'il a sensiblement été écorné depuis une crise du Covid-19 qui aura laissé plus d'un secteur professionnel (le monde, pour faire plus court) aux abois, le tourisme estival n'a pas forcément attendu une crise pandémique mondiale, pour apparaître comme l'une des faces les plus sombres et représentatives du capitalisme moderne, tant il incarne une sorte de bulle irréelle, une construction artificielle d'une réalité toute autre (et souvent aux portes même de ses frontières), paradoxalement soutenue par les pires travers du monde du travail - une exploitation humaine pure et simple, pour alimenter le plaisir de ceux qui en payent le prix.

Copyright Shellac Distribution

Passé un excellent premier effort, Park, qui scrutait les atermoiements d'une jeunesse grecque abandonnée dans les ruines du village Olympique d'Athènes, lieu symbolisant autant l’orgueil que la rayonnance passée de toute une nation, la cinéaste Sofia Exarchou persiste et signe dans la même veine réaliste et proche du documentaire (un poil moins contemplative cette fois, cela dit) avec Animal, chronique désenchantée vissée sur une poignée d'animateurs d’un hôtel all-inclusive local, écrasé autant par un soleil de plombs qu'une pression constante pour satisfaire les vacanciers, mais surtout résister à une cadence infernale qui n'abîme pas uniquement les corps.

Véritable troupe de cirque ayant établi des hiérarchies selon les degrés d'ancienneté de chacun, la caméra suit sensiblement l'écorchée Kalia, dont les multiples talents lui permettent de guider les autres animateurs aux côtés du " maître de cérémonie " Simos, avec qui elle entretient une relation fait de hauts et (surtout) de bas.
C'est à travers elle et Eva, dans une sorte de conversation/partage de connaissances entre l'ancien combattant usé et résilient, et la nouvelle recrue encore bardée d'innocence et d'espoir,  que la narration établit une connexion avec son auditoire et une découverte progressive à la fois des liens qui unissent les animateurs, mais aussi et surtout les réalités de leur travail et de leur quotidien.

Copyright Shellac Distribution

Avec en toile de fond le contexte économique grecque difficile, Sofia Exarchou croque in fine pas tant une critique du tourisme de masse en pointant son versant définitivement moins pimpant, qu'une réflexion puissante sur les ravages de notre société capitaliste et notre nécessité à courber l'échine pour survivre, à - littéralement ici - porter un masque pour faire bonne figure, pour cacher nos fragilités et nos blessures.

À travers une figure (dé)construite par son épuisement et son utilisation tel un objet divertissant mais interchangeable, symbole douloureux et psychologique d'une stagnation (intime et collective) consentie et dont elle ne semble jamais réellement pouvoir s'échapper - même lorsqu'elle s'exile -, qu'elle filme d'une manière à la fois empathique et sensuelle; Sofia Exarchou croque un second effort morose et troublant, profondément amer et tendre.


Jonathan Chevrier


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