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[CRITIQUE] : Testament


Réalisateur : Denys Arcand
Acteurs : Rémy Girard, Sophie Lorain, Marie-Mai, Guylaine Tremblay,...
Distributeur : Jour2fête
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Canadien.
Durée : 1h55min

Synopsis :
Dans une ère d’évolution identitaire, Jean-Michel, un célibataire de 70 ans, a perdu tous ses repères dans cette société et semble n’avoir plus grand chose à attendre de la vie. Mais voici que dans la maison de retraite où il réside, Suzanne, la directrice, est prise à partie par de jeunes manifestants qui réclament la destruction d’une fresque offensante à leurs yeux. Alors qu’il observe avec ironie cette époque post pandémique où tout lui semble partir à la dérive, Jean-Michel reprend en main sa vie... et celle des autres.



Critique :


Il y a quelque chose de profondément rassurant dans le fait que de nombreux cinéastes, même au crépuscule de leurs existences, continuent encore et toujours à tourner, continuent d'avoir quelque chose de pertinent et important à dire sur notre société contemporaine, continuent à avoir la même envie simple de nous conter des histoires - fictionnelles ou non -, mais surtout qui continuent d'avoir une pure et sincère envie de cinéma, qui dépasse fièrement les limites du temps et de l'âge.

De Frederick Wiseman à Ridley Scott (qui, pour ne rien gâcher, est toujours aussi prompt à envoyer chier son monde en interview), en passant par Clint Eastwood (93 ans au compteur, comme Wiseman), James Ivory (95 ans !), Alain Cavalier où encore Yôji Yamada et Jean Becker, beaucoup ne sont définitivement pas assez vieux pour ces conneries, et on ne peut qu'être chanceux face à cette vérité et ce vrai désir de partage, qui force intimement le respect.

Copyright Takashi Seida

Définitivement de ce bois-là, l'octogénaire Denys Arcand et sa verve cynique qui n'a strictement rien perdu de sa superbe, sont donc de retour cinq ans après La Chute de l'empire Américain (cantonné à une sortie en VOD dans l'hexagone), avec un quinzième long-métrage, Testament, titre hautement symbolique - où pas - mais surtout vraie comédie aussi piquante qu'elle est profonde et réfléchie, où le bonhomme dissèque une nouvelle fois les travers et les mutations/évolutions d'une société québécoise - mais pas que - dans laquelle il ne se reconnaît plus vraiment.

Férocement dans l'air du temps et vissé sur un Rémy Girard qui reste, définitivement, l'alter-ego parfaitement pensé du cinéaste (savoureux vieil archiviste aussi détaché que désabusé), Arcand fait donc l'état d'un monde qui ne tourne plus vraiment rond et au fossé intergénérationnel presque abyssal, dézinguant dans une sorte de règlement de compte à la fois salé et bienveillant, aussi bien les limites du politiquement correct que les dérives d'une bien-pensance frisant parfois lourdement avec le ridicule (la réécriture de l'histoire et la culture de l'annulation en tête), malgré la sincérité des combats/luttes défendues.

Copyright Takashi Seida

Dans une société conformiste qui préfère, au gré du moment présent, effacer - quitte à reproduire les mêmes erreurs - et diviser plutôt que d'unir dans la discussion et le respect, Arcand se met en marge et l'ausculte avec ironie (les réseaux sociaux, la politique gouvernementale incompétente, le traitement des personnes âgées,...), tout en prônant la tendre idée, via une affaire amicalo-sentimentale gentiment inoffensive, que l'amour et la douceur peuvent nous préserver de tout.
Il a, sans doute, raison et son Testament sur pellicule lui ressemble magnifiquement bien.


Jonathan Chevrier