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[CRITIQUE] : Reptile


Réalisateur : Grant Singer
Acteurs : Benicio Del Toro, Alicia Silverstone, Justin Timberlake, Frances Fisher, Michael Pitt, Sky Ferreira, Matilda Lutz,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame, Policier, Thriller
Nationalité : Américain.
Durée : 2h14min.

Synopsis :
En voulant découvrir la vérité sur le meurtre brutal dont a été victime une jeune agente immobilière, un policier endurci s'égare dans un labyrinthe de mensonges inouïs.



Critique :


Après un été résolument timide (dont on ne retiendra que Tyler Rake 2, Nimona, Ils ont cloné Tyrone et Tu peux oublier ma bat-mitsva, c'est light), Netflix muscle son jeu comme Robert Pires (pitié, faites que tu es cette référence de boomer) en cette rentrée 2023, que ce soit du côté de ses séries comme de son giron cinéma - l'arrivée de la course aux statuettes dorées aidant beaucoup.

Petit thriller engageant façon whodunit au casting pimpant (Benicio Del Toro, Alicia Silverstone, Justin Timberlake, Frances Fisher, Michael Pitt, Sky Ferreira et Matilda Lutz), le bien nommé Reptile, estampillé premier long-métrage du clippeur Grant Singer - et passé par la case TIFF il y a quelques semaines -, même s'il n'aspire pas forcément à renouveler le genre, arrive néanmoins avec une ambition et une maîtrise étonnante, à survolé une proposition Tudum-esque récente peu engageante, pour mieux incarner une petite séance hautement recommandable et tortueuse à souhait.

Copyright Daniel McFadden/Netflix

Porté par un sens du ton et de la texture sensiblement singulier, qui relève du tout-commun autant son pitch furieusement familier (une jeune et belle agente immobilière est retrouvée poignardée à mort, et si son petit ami Will Grady, lui aussi agent immobilier, est le principal suspect, l'enquêteur principal de l'affaire, Tom Nichols, un ancien policier de Philadelphie au passé trouble, pense que la résolution est bien moins simple qu'elle n'y paraît) que les clichés qu'il empile avec gourmandise, pour l'amener vers quelque chose de résolument plus distinctif qu'une simple redite amorphe de ses glorieuses références (le cinéma de Fincher, clairement, mais aussi Prisoners); le film est savoureusement embaumé dans un brouillard troublant et glacial, de sa photographie somptueuse signée Mike Gioulakis à la partition inquiétante de Yair Elazar Glotman Arća, en passant par son rythme lancinant, fruit d'un montage qui n'a jamais peur de sauter d'une scène saccadée à l'autre.

Un vrai thriller étrange et atmosphérique (voire même presque ironique parfois) qui se complaît dans la zone grise de la morale et de la nature humaine, froid comme le sang d'un reptile - d'où le titre -, opaque et oblique dans ses dialogues, aux personnages suffisamment idiosyncrasiques et solidement charpentés pour maintenir l'intérêt, subtil et pertinent dans sa prise en grippe de petites préoccupations risibles de l'Amérique bourgeoise et bienpensante (même s'il survole le sujet, en comparaison à son modèle Gone Girl).

Copyright Daniel McFadden/Netflix

Reptile où comment un réalisateur même novice, conscient des limites et de la familiarité criante de son intrigue, s'en va booster son effort par la force de sa direction d'acteurs (un Del Toro tenace et un brin excentrique, répond à un Timberlake joliment sournois et tout aussi magnétique) et de sa mise en scène, épurée et à la symétrie millimétrée, histoire de donner une certaine forme d'ordre à un chaos constant et sinistre, un poil plombé par son derniers tiers inutilement alambiqué.

Une belle séance du samedi soir, décalée et sombre, parfois frustrante mais définitivement recommandable.


Jonathan Chevrier