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[CRITIQUE] : Mystère à Venise


Réalisateur : Kenneth Branagh
Avec : Kenneth Branagh, Tina Fey, Camille Cottin, Kelly Reilly, Jamie Dornan, Michelle Yeoh, Jude Hill, Riccardo Scamarcio,…
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Policier, Drame, Thriller
Nationalité : Britannique, Américain
Durée : 1h44min

Synopsis :
Venise, veille de la Toussaint, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est là que vit désormais le célèbre détective Hercule Poirot, aujourd’hui retraité. Après avoir consacré sa vie à élucider des crimes et avoir été témoin de ce qu’il y a de pire chez l’être humain, il a renoncé à sa vocation d’enquêteur. Et s’il fait tout pour éviter d’être confronté à des affaires criminelles, ce sont souvent elles qui le rattrapent…
Poirot reçoit chez lui une vieille amie, Ariadne Oliver, plus grande écrivaine de romans policiers au monde, qui lui assure que le motif de sa visite n’a aucun rapport avec un crime : elle souhaiterait qu’il l’accompagne à une séance de spiritisme et lui permette de prouver qu’il s’agit d’une imposture. Intrigué, Poirot accepte à contrecœur d’y assister et se retrouve alors dans un palais décrépi et soi-disant hanté, appartenant à la célèbre cantatrice Rowena Drake. Lorsque l’un des participants est sauvagement assassiné, toutes les personnes présentes deviennent de potentiels suspects. Le détective belge se retrouve une nouvelle fois plongé dans un monde sinistre d’ombres et de secrets…



Critique :

Depuis que Kenneth Branagh a endossé la moustache du détective belge, Hercule Poirot, on ne l’arrête plus. À peine un an après son adaptation de Mort sur le Nil, ampoulée et ennuyeuse à souhait, le cinéaste s’attaque à un roman moins connu de Dame Christie, La fête du Potiron (devenu Le Crime d’Halloween pour les nouvelles traductions). Intitulé Mystère à Venise, ce troisième opus donne le ton. Le récit s’éloigne considérablement de l’histoire originale et s’installe dans la Cité des Doges, propice à venir hanter les différents personnages. Le scénariste, Michael Green, semble avoir fait ses devoirs. En plus du livre susnommé, les fans de la Reine du Crime noteront une grande ressemblance avec certaines nouvelles du recueil Le Flambeau, dont l’atmosphère correspond en tout point avec cette adaptation.

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C’est un Poirot solitaire et cynique que nous retrouvons dès les premières images. Venu s’installer à Venise pour profiter d’une retraite bien méritée, le personnage déambule dans Venise comme un fantôme dans un manoir. L’ordre et la méthode, un mantra cher à notre ami belge, n’est plus. Même le cadre s’incline face au spleen du détective. Kenneth Branagh, peu connu pour sa subtilité, n’y va pas de mains mortes avec les cadres obliques et déstructurés, au diapason d’un Hercule Poirot à côté de ses pompes. Le scénario creuse quelque chose qui nous semblait impossible dans les deux premières adaptations, plus ou moins réussies pour être polie : une idée originale sur l’état d’esprit de Poirot. Agatha Christie n’a cessé de le placer face à la mort, sans que celle-ci ne vienne à bout de son ego et de sa bonhomie. Dans un accent de réalisme, cet état de fait attaque le personnage de plein fouet dans Mystère à Venise. En 1947, tout juste deux ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la mort a fini par attraper l’esprit d’Hercule Poirot. Comment continuer quand elle rôde en permanence autour de lui, dans son travail, pendant ses vacances, après deux guerres ? C’est une vieille amie, l’autrice de romans policiers Ariadne Oliver (Tina Fey) — un personnage auto-parodique qu’Agatha Christie a inséré dans quelques récits, dont La fête du Potiron — qui vient délivrer Poirot de son apathie, comme si Agatha Christie elle-même venait sauver le réalisateur d’un troisième film raté (toute interprétation est bonne à prendre).

Fil rouge de cette saga Poirot, Mystère à Venise est de nouveau un huis clos. Un palazzo hanté pour tout décor, les personnages assistent à une séance de spiritisme avant qu’une d’entre-elleux se fasse cruellement assassiner. Qui avait intérêt à ce que Joyce Reynolds (Michelle Yeoh) ne soit plus là pour appeler l’esprit de la fille de Rowena Drake (Kelly Reilly), décédée dans d’étranges circonstances quelques années auparavant ? Utilisant intelligemment la courte-focale, pour que nos yeux se perdent dans l’immensité du palace vénitien et en cherche la moindre trace du surnaturel, Kenneth Branagh arrive enfin à exploiter ses acteur⋅ices dans une enquête qui n’a rien de subtile mais qui, aidée par quelques codes de films d'épouvante savamment dosés, finit par nous fasciner. La lumière est sombre avec toujours un point de lumière dans le fond pour créer des ombres (et l’attente d’une apparition fantomatique). Le mixage du son est tout aussi intelligent, avec un espace sonore exploité au maximum (et l’impression qu’une petite fille nous chuchote dans l’oreille pendant une grande partie du film). Enfin, la musique entêtante, composée par l’oscarisée Hildur Guðnadóttir, parachève l’ambiance délicieusement baroque (lorgnant parfois sur le giallo) de l’ensemble.

Copyright Walt Disney Company

Kenneth Branagh semble avoir appris de ses erreurs et nous offre une adaptation digne de ce nom, loin de l’esbroufe cache-misère des deux premiers opus. Plus cadré que Le Crime de l’Orient-Express, plus sobre que Mort sur le Nil, Mystère à Venise apparaît comme le film le plus méthodique et le plus réussi de la trilogie.


Laura Enjolvy


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