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[CRITIQUE] : L'Eté Dernier


Réalisatrice : Catherine Breillat
Avec : Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin, Clotilde Courau,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h44min

Synopsis :
Anne, avocate renommée, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs filles de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.



Critique :


Dans son exploration - presque - toujours audacieuse et définitivement peu orthodoxe de la sexualité et du plaisir/désir féminin, au travers d'une filmographie aussi intéressante que gentiment dérangeante (de À ma soeur à Romance X, en passant par Sex is comedy), Catherine Breillat n'a jamais vraiment eu peur de la controverse, et encore moins de bousculer son auditoire.
Gageons alors que ce n'est pas un territoire aussi potentiellement explosif que celui d'une relation incestueuse/adultère entre une quadragénaire - Anne - et son beau-fils de dix-sept ans - Theo -, quand bien même elle n'a plus tourné depuis plus de dix ans (et le vraiment peu mémorable et autobiographique Abus de Faiblesse), qui va l'effrayer.

Remake du film Queen of Hearts de la cinéaste danoise May el-Toukhy, co-écrit avec Pascal Bonitzer, L'Été Dernier, s'articule autour de deux champs de mines (à la fois la différence d'âge conséquente entre les deux personnages, dont un mineur, et le lien de parenté), qui viennent eux-mêmes nourrir la triple transgression opérée par son personnage principal : celle de la loi (un comble pour une femme dont la profession est d'être une avocate spécialisée dans la défense des mineurs, victimes de maltraitances et d'abus), des liens sacrés du mariage, et de la " morale " d'un statut bourgeois aisé.

Copyright Pyramide Films

En apparence respectacle avec son quotidien réglé comme du papier à musique (mais sur lequel Breillat accumule subtilement tous les indicateurs du futur basculement monstrueux mais finalement pas si imprévisible, d'Anne), entre une profession ou elle apparaît impliquée (même si d'une autorité troublante), un mariage sans vagues et un rôle de mère attentionnée - le couple a adopté des jumelles -, c'est par l'arrivée de l'élément perturbateur, de l'enfant presque abandonné d'un précédent mariage, du vilain petit canard qui n'a finalement rien à faire là, que va naître l'interdit.
Mais s'il apparaît comme un jeune loup/ange diabolique qui sollicite, attise le feu de son hôte, il ne réalise pas tout de suite qu'il fait irruption dans l'environnement d'Anne, dans son monde régit par ses règles, sa volonté et ses désirs.

Même si le jeu de la passion et de l'attirance sexuelle hors norme sont le cœur du film, dont les ébats sont filmés de manière tranchée et glaciale par Breillat (volontairement dénués de toute tension et de toute dimension incontrôlable), celle-ci se sert de ce sujet subversif et de cette auto-desrruction familiale, pour mieux arpenter des thématiques/problématiques tout aussi denses, de l'hypocrisie boursouflée de la bourgeoisie (qui, coûte que coûte, doit sauver les apparences), à l'usage institutionnalisée de la manipulation et du mensonge, en passant par la domination physique et mentale d'une âme sur l'autre (la fragilité de la jeunesse, mystérieuse et sensuelle, exposée et broyée par un corps plus conscient et mûr, qui se nourrit de son attraction), renforcée par le désir pervers qu'à la cinéaste de sublimer la beauté des corps, sous la chaleur écrasante de l'été.

Copyright Pyramide Films

Chabrolien en Diable, à la fois cruel et amoral, déstabilisant tout en étant dénué de tout sensationnalisme putassier, le film ne serait cependant rien sans la présence magistrale de Léa Drucker (auquel répond, il est vrai, un jeune et impressionnant Samuel Kircher, dans son premier rôle à l'écran).
Sa prestation n'en est que plus forte en comparaison à celle, diamétralement opposée, qu'elle offrait dans le magistral Jusqu'à la garde, passant de louve blessée et protectrice face à un ogre malade, à ce dit rôle d'ogresse ambivalente et terrifiante, pleinement consciente de son pouvoir et de sa propension à réaliser, à assouvir et légitimer sa perversité.

On se souviendra tous de cet Été Dernier (plus que celui de Julie James et sa bande, promis), choc vif et frontal dont le dénouement perturbant, est appelé à nous hanter encore longtemps après sa vision...


Jonathan Chevrier