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[CRITIQUE] : The Wastetown


Réalisateur : Ahmad Bahrani
Avec : Baran Kosari, Ali Bagheri, Babak Karimi, Behzad Dorani, …
Distributeur : Bodega Films
Budget : -
Genre : Thriller
Nationalité : Iranien
Durée : 1h38min

Synopsis :
Coupable du meurtre de son mari, Bermani est emprisonnée pendant 10 ans. Libérée, elle part à la recherche de son jeune fils et se rend à la casse automobile où travaille son beau-frère...


Critique :


Un casse de voiture pour tout décor, Ahmad Barhami poursuit sa métaphore de la société iranienne dans son nouveau film The Wastetown (The Wasteland, son précédent film, sortira chez nous en salle le 6 septembre). Tragédie “à la grecque” en noir et blanc, le réalisateur sonde la noirceur du monde iranien moderne avec l’histoire de Bermani (impeccable Baran Kosari) à la recherche de son fils après sa peine de prison pour le meurtre de son mari.

Copyright Mimrad

On pensait que Limbo (de Soi Cheang) serait le film noir de l’été. C’était sans compter la puissance vengeresse de The Wastetown, un monde désert et sans espoir à l’image de ces voitures qui attendent d’être broyées et transformées en cube de métal. Avec le vent et le bruit de la tôle qu’on écrase pour toute musique, avec un cadre resserré qui empêche de trouver un horizon vaste (ou de l’espoir), le récit avance dans les ténèbres. Bermani, incandescente comme la colère, avance vers sa destinée comme un personnage mythologique. Rien ne pourrait arrêter cette mère, cette femme, cette Némésis, tant que son but ne sera pas atteint. Aucune barrière, aucun homme n’est capable de l’arrêter, même le film s’incline devant autant de pugnacité.

The Wastetown fonctionne comme une métaphore filée d’une société iranienne en perdition. Le casse de voiture, symbolisant le pays, interdit aux femmes son accès. Aucune femme n’aurait envie de mettre les pieds dans cette zone désertique où l’espoir est mort, à moins d’avoir une bonne raison, comme Bermani. A-t-elle tué son mari, comme ses beaux-frères et la cour de justice le pensent ? Ou a-t-elle été victime d’une société misogyne ? Ahmad Bahrami ne tranche pas car l’important ne réside pas dans la culpabilité (ou non) de son personnage. Il s’intéresse davantage à l’immobilité ambiante, que vient casser Bermani de ses va-et-vient entre les personnages. Chacun à son petit espace, l’entrée pour le gardien, un bus réaménagé pour Ebi (Ali Bagheri), beau-frère et ancien amant de Bermani, une caravane pour le patron de la casse. Tel un parasite, le personnage féminin vient infecter la zone de son venin. Elle balaye les frontières, piétine la fourmilière, met en lumière ce que les hommes ne veulent pas voir. Ces hommes qui ne peuvent s’empêcher de céder à la tentation de profiter de la situation. Une femme aussi désespérée, on peut en faire ce qu’on veut se disent-ils, à leurs risques et périls. Rythmées par les gestes de Bermani, les actions du personnage deviennent prévisibles, ce qui accentue la tension narrative. Dès qu’elle rentre dans un lieu où vit un homme, le spectateur connaît l’issue finale, effrayante d'efficacité. Comme pour se laver de péchés (les siens, ceux des hommes ?) Bermani effectue un petit rituel. Elle s’essuie les mains, puis vient s’abriter sous un drap blanc comme un linceul, comme si elle mourrait à chaque fois. La mort ne semble pas vouloir d’elle tant qu’elle détient une once d’espoir de retrouver son fils. Alors elle revient vers les vivants et gare à vous si vous ne l'aidez pas à mettre la main sur son enfant.

Copyright Mimrad

Le chemin vers les Enfers ressemblerait à The Wastetown qu’on ne serait que peu étonné. Aussi beau que violent dans ce qu’il raconte, le film entrouvre la porte des ténèbres où le temps, dilaté, se saisit du moindre mouvement de caméra (ici de longs plan-séquences et des panoramiques) pour faire sortir les spectres de leur cachette. Bermani se sait condamnée par la société, par ses proches et n’a donc plus rien à perdre, plus rien à prouver. Elle reprend les commandes de sa vie par le seul moyen qui lui permette de se détacher de son statut d’objet : la violence. Elle avance, guidée par le Styx, jusqu’à un tout dernier plan glaçant.


Laura Enjolvy


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