[CRITIQUE] : Une Nuit
Réalisateur : Alex Lutz
Avec : Alex Lutz, Karin Viard, Jérôme Pouly, Noémie De Lattre,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Français.
Durée : 1h30min
Synopsis :
Ce film est présenté en hors compétition et en clôture du Certain Regard au Festival de Cannes 2023.
Paris, métro bondé, un soir comme les autres.
Une femme bouscule un homme, ils se disputent. Très vite le courant électrique se transforme… en désir brûlant. Les deux inconnus sortent de la rame et font l’amour dans la cabine d’un photomaton.
La nuit, désormais, leur appartient.
Dans ce Paris aux rues désertées, aux heures étirées, faudra-t-il se dire au revoir ?
Critique :
C'est fou ce qu'une nuit peut changer dans une destinée. On croise le regard de quelqu'un et le temps s'arrête. Que peut-on déceler dans ces yeux extérieurs ? Une colère ? Une rancœur du passé ? De la curiosité ? Une fin ? Un début ? Le temps reprend alors son cours et là, l'histoire n'appartient plus qu'à nos actes et ceux de l'autre personne. Cette dilatation du temps et cet aspect impromptu sont au cœur du dernier long-métrage d'Alex Lutz, Une nuit. Cette promenade à Paris où l'on suit deux inconnus à la rencontre fortuite va sans doute devenir un des plus beaux films français de ces dernières années. Âmes sensibles, s'abstenir.
L'émotion se fait rapide dans le long-métrage, un peu comme cette bousculade qui va se faire désir puis long dialogue. Ces derniers termes résument assez bien toute la portée narrative du film, ce dernier se nourrissant des échanges entre deux acteurs formidables, Karin Viard et Alex Lutz. Ainsi, un long champ contre champ va isoler par ses choix photographiques nos amants, les mettre à part du monde extérieur comme si leur bulle était d'autant plus précieuse qu'elle est fragile. Il y a une sincérité qui se dégage de ces instants, comme si la construction narrative laissait place à une forme d'improvisation, un morceau de musique où les deux instruments ont besoin de quelques notes pour s'accorder à leur pleine mesure.
Mais cette balade citadine n'est pas que géographique, elle est surtout temporelle. Là, on retrouve des jeunes en pleine fête, ici on assiste à la fin d'un animal. C'est un voyage à travers la portée de notre temps, notre limitation, et le fait même de réduire cette histoire à une nuit condense encore plus notre propre fragilité émotionnelle. On ne peut prévoir ce que les minutes vont donner par la suite, on ne peut imaginer ce que le futur a à offrir alors Alex Lutz cadre le présent, dans toute sa beauté, son évanescence et son romantisme.
Car Une nuit, c'est surtout l'histoire d'un amour, bref, sincère, de ceux que l'on n'ose décrire pour laisser au public le bonheur de s'y plonger et d'avoir le cœur déchiré. Il faut bien avouer que le long-métrage d'Alex Lutz est si délicat qu'on n'ose par moments y croire. Le réalisateur transforme alors une rencontre en sommet d'amour, en dissertation sur le temps qui passe et le besoin des débuts face à la futilité inexorable des fins. On sait en tout cas que pareil film mérite d'être aimé autant qu'il aime, au vu de l'état dans lequel il nous laisse, les yeux en larmes et le besoin de se blottir dans les bras d'un être qu'on aime pour vivre, revivre et ne jamais réellement disparaître.
Liam Debruel
Il était entendu dès sa bande annonce, qui n'hésite même pas à en reprendre plus d'une scène (pas vraiment le meilleur moyen de vendre le film), qu'Alex Lutz à fait du monument Before Sunrise de Richard Linklater, un brouillon pour une sorte de proto-remake à la française où le Viennes des 90s se verra remplacé par un Paris by night où la crasse du bitume et d'un métro bondé, se fait le petit théâtre sous tension d'un rapprochement des corps, d'une fusion en sueur de deux êtres frappés par une attraction irrésistible.
Point d'étudiant où de wannabe écrivain ici, dont la propension à manier le verbe plus qu'à s'étreindre, à refaire le monde plus qu'à explorer le corps de l'autre, est un délice de vertige sensoriel.
Ici, ce sont deux âmes matures qui ont déjà le compteur de la vie entamé, l'enthousiasme de la jeunesse derrière eux, et qui voit l'idée de se perdre l'un avec l'autre, l'un dans l'autre, comme un échappatoire presque vitale, une bulle d'air frais fugace dans un quotidien asphyxié par la banalité, le plan-plan d'une existence insatisfaisante et sans passion.
Aymeric et Nathalie sont deux personnages qui n'ont fondamentalement aucune raison de s'unir - c'est d'ailleurs en se bousculant franchement, qu'ils prennent connaissance de l'autre -, mais qui ont un besoin, sauvage et bestial, purement physique, de le faire, quitte à l'assouvir vite, dans le premier endroit à l'abri des regards qu'ils croiseront (un photmaton), pour ne pas laisser retomber l'électricité du moment.
Pourquoi continuer à se parler une fois que la rencontre a été consommée ?
Parce que l'intérêt est ailleurs, paradoxalement, même si la majorité des rencontres s'éteignent justement dans la consommation expéditive de l'autre.
Parce que cette femme et cet homme n'ont plus l'âge de perdre du temps pour justifier un ébat, parce qu'ils n'ont pas non plus l'insouciance de la jeunesse pour masquer ce que le cœur veut, pour s'excuser d'avoir envie de prolonger un instant à deux qui n'est, évidemment, pas voué pour durer.
Ils ne veulent pas rentrer chez eux, alors ils ne rentreront pas tout de suite, une opportunité comme celle qu'ils se sont créés ne se refuse pas, ne se refuse plus.
Point d'espoir comme celui qui irrigue la nuit passionnée entre Jesse et Céline donc, mais une conscience douce-amère qu'il faut bouffer la fleur du présent par la racine, avant que celle-ci nous bouffe.
Par un acte libérateur (ils jettent leurs téléphones dans la Seine), ils s'offrent le droit de fuir - un temps - toutes leurs responsabilités, d'être libres, d'être sincères, d'être heureux, de ne plus s'oublier, de vivre.
D'une fête étudiante dont ils ne connaissent personne à un restaurant vietnamien où ils ne s'embarassent pas de payer l'addition, en passant par une excursion improvisée dans un club échangiste où même un théâtre d'improvisation, les deux tourtereaux qui ne cachent plus leur attirance éclair, se laissent porter par la spontanéite de leur balade franche, sans chichis, où l'on se dit tout - même le plus inconfortable, même le plus secret -, où l'on ose tout.
Car demain viendra percer cette bulle de fantaisie, car demain ne sera pas un autre jour, il sera le même qu'hier, et le fantôme asphyxié de cette échappée nocturne.
Déclinaison rafraîchissante et délicate d'une histoire qui nous avait fait jadis fait chavirer (on peut le voir comme la rencontre romantico-poignante entre Before Sunrise et Ouvert la nuit d'Édouard Baer), où Lutz (absolument parfait) renverse le rapport de force stéréotypé du genre pour faire d'une femme blessée (magnifique Karin Viard), celle dont les bras réconfortent et apaisent les larmes du cœur; Une Nuit bouleverse, charme, bouscule.
Un mélodrame poétique, une parenthèse (dés)enchantée dont on se fout de la prévisibilité tant elle nous apporte l'ivresse.
Un sacré beau film.
Jonathan Chevrier
Avec : Alex Lutz, Karin Viard, Jérôme Pouly, Noémie De Lattre,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Français.
Durée : 1h30min
Synopsis :
Ce film est présenté en hors compétition et en clôture du Certain Regard au Festival de Cannes 2023.
Paris, métro bondé, un soir comme les autres.
Une femme bouscule un homme, ils se disputent. Très vite le courant électrique se transforme… en désir brûlant. Les deux inconnus sortent de la rame et font l’amour dans la cabine d’un photomaton.
La nuit, désormais, leur appartient.
Dans ce Paris aux rues désertées, aux heures étirées, faudra-t-il se dire au revoir ?
Critique :
Rencontre rafraîchissante entre #BeforeSunrise et #OuvertLaNuit d'Édouard Baer,#UneNuit se fait une jolie balade nocturne dans les rues de Paris, une parenthèse (dés)enchantée et poétique sur deux âmes s'autorisant une pause sentimentale et charnelle dans leur quotidien anxiogène pic.twitter.com/qPACViH5Wt
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 16, 2023
C'est fou ce qu'une nuit peut changer dans une destinée. On croise le regard de quelqu'un et le temps s'arrête. Que peut-on déceler dans ces yeux extérieurs ? Une colère ? Une rancœur du passé ? De la curiosité ? Une fin ? Un début ? Le temps reprend alors son cours et là, l'histoire n'appartient plus qu'à nos actes et ceux de l'autre personne. Cette dilatation du temps et cet aspect impromptu sont au cœur du dernier long-métrage d'Alex Lutz, Une nuit. Cette promenade à Paris où l'on suit deux inconnus à la rencontre fortuite va sans doute devenir un des plus beaux films français de ces dernières années. Âmes sensibles, s'abstenir.
Copyright Marie-Camille Orlando |
L'émotion se fait rapide dans le long-métrage, un peu comme cette bousculade qui va se faire désir puis long dialogue. Ces derniers termes résument assez bien toute la portée narrative du film, ce dernier se nourrissant des échanges entre deux acteurs formidables, Karin Viard et Alex Lutz. Ainsi, un long champ contre champ va isoler par ses choix photographiques nos amants, les mettre à part du monde extérieur comme si leur bulle était d'autant plus précieuse qu'elle est fragile. Il y a une sincérité qui se dégage de ces instants, comme si la construction narrative laissait place à une forme d'improvisation, un morceau de musique où les deux instruments ont besoin de quelques notes pour s'accorder à leur pleine mesure.
Mais cette balade citadine n'est pas que géographique, elle est surtout temporelle. Là, on retrouve des jeunes en pleine fête, ici on assiste à la fin d'un animal. C'est un voyage à travers la portée de notre temps, notre limitation, et le fait même de réduire cette histoire à une nuit condense encore plus notre propre fragilité émotionnelle. On ne peut prévoir ce que les minutes vont donner par la suite, on ne peut imaginer ce que le futur a à offrir alors Alex Lutz cadre le présent, dans toute sa beauté, son évanescence et son romantisme.
Copyright Marie-Camille Orlando |
Car Une nuit, c'est surtout l'histoire d'un amour, bref, sincère, de ceux que l'on n'ose décrire pour laisser au public le bonheur de s'y plonger et d'avoir le cœur déchiré. Il faut bien avouer que le long-métrage d'Alex Lutz est si délicat qu'on n'ose par moments y croire. Le réalisateur transforme alors une rencontre en sommet d'amour, en dissertation sur le temps qui passe et le besoin des débuts face à la futilité inexorable des fins. On sait en tout cas que pareil film mérite d'être aimé autant qu'il aime, au vu de l'état dans lequel il nous laisse, les yeux en larmes et le besoin de se blottir dans les bras d'un être qu'on aime pour vivre, revivre et ne jamais réellement disparaître.
Liam Debruel
Copyright Marie-Camille Orlando |
Il était entendu dès sa bande annonce, qui n'hésite même pas à en reprendre plus d'une scène (pas vraiment le meilleur moyen de vendre le film), qu'Alex Lutz à fait du monument Before Sunrise de Richard Linklater, un brouillon pour une sorte de proto-remake à la française où le Viennes des 90s se verra remplacé par un Paris by night où la crasse du bitume et d'un métro bondé, se fait le petit théâtre sous tension d'un rapprochement des corps, d'une fusion en sueur de deux êtres frappés par une attraction irrésistible.
Point d'étudiant où de wannabe écrivain ici, dont la propension à manier le verbe plus qu'à s'étreindre, à refaire le monde plus qu'à explorer le corps de l'autre, est un délice de vertige sensoriel.
Ici, ce sont deux âmes matures qui ont déjà le compteur de la vie entamé, l'enthousiasme de la jeunesse derrière eux, et qui voit l'idée de se perdre l'un avec l'autre, l'un dans l'autre, comme un échappatoire presque vitale, une bulle d'air frais fugace dans un quotidien asphyxié par la banalité, le plan-plan d'une existence insatisfaisante et sans passion.
Copyright Marie-Camille Orlando |
Aymeric et Nathalie sont deux personnages qui n'ont fondamentalement aucune raison de s'unir - c'est d'ailleurs en se bousculant franchement, qu'ils prennent connaissance de l'autre -, mais qui ont un besoin, sauvage et bestial, purement physique, de le faire, quitte à l'assouvir vite, dans le premier endroit à l'abri des regards qu'ils croiseront (un photmaton), pour ne pas laisser retomber l'électricité du moment.
Pourquoi continuer à se parler une fois que la rencontre a été consommée ?
Parce que l'intérêt est ailleurs, paradoxalement, même si la majorité des rencontres s'éteignent justement dans la consommation expéditive de l'autre.
Parce que cette femme et cet homme n'ont plus l'âge de perdre du temps pour justifier un ébat, parce qu'ils n'ont pas non plus l'insouciance de la jeunesse pour masquer ce que le cœur veut, pour s'excuser d'avoir envie de prolonger un instant à deux qui n'est, évidemment, pas voué pour durer.
Ils ne veulent pas rentrer chez eux, alors ils ne rentreront pas tout de suite, une opportunité comme celle qu'ils se sont créés ne se refuse pas, ne se refuse plus.
Point d'espoir comme celui qui irrigue la nuit passionnée entre Jesse et Céline donc, mais une conscience douce-amère qu'il faut bouffer la fleur du présent par la racine, avant que celle-ci nous bouffe.
Par un acte libérateur (ils jettent leurs téléphones dans la Seine), ils s'offrent le droit de fuir - un temps - toutes leurs responsabilités, d'être libres, d'être sincères, d'être heureux, de ne plus s'oublier, de vivre.
Copyright Marie-Camille Orlando |
D'une fête étudiante dont ils ne connaissent personne à un restaurant vietnamien où ils ne s'embarassent pas de payer l'addition, en passant par une excursion improvisée dans un club échangiste où même un théâtre d'improvisation, les deux tourtereaux qui ne cachent plus leur attirance éclair, se laissent porter par la spontanéite de leur balade franche, sans chichis, où l'on se dit tout - même le plus inconfortable, même le plus secret -, où l'on ose tout.
Car demain viendra percer cette bulle de fantaisie, car demain ne sera pas un autre jour, il sera le même qu'hier, et le fantôme asphyxié de cette échappée nocturne.
Déclinaison rafraîchissante et délicate d'une histoire qui nous avait fait jadis fait chavirer (on peut le voir comme la rencontre romantico-poignante entre Before Sunrise et Ouvert la nuit d'Édouard Baer), où Lutz (absolument parfait) renverse le rapport de force stéréotypé du genre pour faire d'une femme blessée (magnifique Karin Viard), celle dont les bras réconfortent et apaisent les larmes du cœur; Une Nuit bouleverse, charme, bouscule.
Un mélodrame poétique, une parenthèse (dés)enchantée dont on se fout de la prévisibilité tant elle nous apporte l'ivresse.
Un sacré beau film.
Jonathan Chevrier