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[CRITIQUE] : L'Établi


Réalisateur : Mathias Gokalp
Avec : Swann Arlaud, Mélanie Thierry, Denis Podalydès,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français
Durée : 1h57min

Synopsis :
Quelques mois après mai 68, Robert, normalien et militant d’extrême-gauche, décide de se faire embaucher chez Citroën en tant que travailleur à la chaîne. Comme d’autres de ses camarades , il veut s’infiltrer en usine pour raviver le feu révolutionnaire, mais la majorité des ouvriers ne veut plus entendre parler de politique. Quand Citroën décide de se rembourser des accords de Grenelle en exigeant des ouvriers qu'ils travaillent 3 heures supplémentaires par semaine à titre gracieux, Robert et quelques autres entrevoient alors la possibilité d'un mouvement social.

L’Établi est l’adaptation de l’illustre roman éponyme de Robert Linhart.



Critique :


Swann Arlaud est de ses talents discrets mais importants au coeur d'un septième art hexagonal qui n'en compte finalement qu'une petite poignée, un comédien capable de tout jouer, même l'improbable - un vilain d'un film super-heroïque bien de chez nous - mais avant tout et surtout de rendre crédible le moindre personnage auquel il donne vie sur grand écran, quitte même à se montrer parfois bien plus imposant que l'écriture qui les caractérise.

Un peu comme avec L'Établi de Mathias Gokalp (hors des radars depuis Rien de personnel en 2009, déjà avec Denis Podalydès), adaptation du roman éponyme de Robert Linhart, un ouvrage autobiographique qui retraçait l'époque post-mai 68 où, à l'instar de millions d'autres de militants d'extrême gauche, il s'est fait embaucher en tant qu'ouvrier (les usines Citroën de la porte de Choisy) pour préparer et organiser la resistance sociale de l'intérieur, alors qu'il était un professeur de philosophie.

Copyright Karé Productions

Un ouvrage doublement important, que ce soit pour sa portée sociale et politique, à une heure au présent où la lutte ouvrière et les mouvements sociaux sont au coeur des débats, mais aussi et surtout pour sa valeur historique de par la méticulosité de sa description impitoyable du travail à la chaîne et de la « lobotomisation » des consciences, à la lisière de l'esclavage - racisme, humiliations et tensions quotidiennes en prime.
De cette véritable expérience sociologique et militante, le film en tire à la fois un portrait intime et une réflexion plus collective sur le quotidien d'ouvrier, dans une immersion quasi-documentaire au plus près de ces hommes et de ces femmes aussi sacrifiés qu'interchangeables au sein d'une mécanique infernale - ici chaînes d'assemblage de la mythique 2CV.

Si la réalisation ne donne pas toujours assez de peps au tout, ni même une écriture un poil trop didactique (qui laisse d'ailleurs sensiblement de côté tous ses prestigieux seconds couteaux), difficile tout de même de ne pas être captivé par le récit humain et épuré d'un homme " privilégié " et cérébral dont l'initiative/idéal louable (éveiller les consciences et raviver ce qui reste du feu révolutionnaire quelques mois après mai 1968, alors que beaucoup se laissent gagner par le fatalisme) vascille face à la rude réalité ouvrière et les corps éprouvés, mais aussi sous le poids de toute l'ambiguïté de son entreprise, et la culpabilité évidente qui en découle et s'accroît (superbe Swann Arlaud, plus investi que jamais).
Où comment parler au mieux d'aujourd'hui, en se penchant sur hier avec un oeil critique.


Jonathan Chevrier


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