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[CRITIQUE] : Le chant des vivants


Réalisatrice : Cécile Allegra
Avec : -
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Français
Durée : 1h22min

Synopsis :
Survivants de la longue route, Bailo, Egbal, Chérif et les autres arrivent dans le village de Conques, en Aveyron. Là, une association, Limbo, permet au groupe de se poser un temps. Tous ont enseveli la mémoire de leur exil. Grâce à un travail musical, ils vont tenter de faire ressurgir cette parole murée sous la forme d’une simple chanson.


Critique :

Chanter pour guérir les traumatismes, c’est ce que propose Le chant des vivants, nouveau documentaire de Cécile Allegra, cinéaste engagée. En 2016, elle a créé Limbo, une association visant à accompagner les survivant⋅es de l’exil lors de séjours thérapeutiques dans un village d’Aveyron. Sont proposées des séances d’art-thérapie et de musicothérapie pour mieux soigner le stress post-traumatique dont souffre la plupart des exilé⋅es après un long périple semé de violences sexistes et sexuelles, de mort, de faim, parfois même de torture.

Survivant⋅es de l’horreur libyenne, Egbal, Bailo, Anas, Sophia et les autres viennent poser leurs mots et leurs maux dans des textes. Cécile, la réalisatrice, les voit un par un et les amène à parler de ce qu'ils et elles ressentent. Que ce soit la tristesse, la colère, l’amertume, la peur, les cicatrices, l’espoir d’un meilleur futur. Ces jeunes gens, qui ont vécu l’enfer en Libye, peuvent enfin se délester d’un lourd passé. Car les chansons nous apprennent, en creux, la vérité sur la Libye, lieu de transition et de passage pour les exilé⋅es du continent africain. Ils et elles viennent de Somalie, d’Erythrée, du Mali mais tou⋅tes ont vécu l’atrocité : la faim, la torture, les viols. La réalisatrice reçoit ces témoignages avec bienveillance et veille à ce que cette parole prenne de l’importance. À l’aide du musicien Mathias Duplessy, les mots se déverrouillent et dévoilent des émotions profondes. En leur donnant de l’importance par le biais d’une mélodie, la musique donne également une certaine beauté à l’ensemble et les libère d’un poids, à l’image de l’hymne final qui célèbre la vie, chanté en collectif.

©TS-Productions/RVB


Avec une image douce, où la nature entoure les protagonistes du film, Le chant des vivants se vit au rythme des saisons. Débutant avec la mélancolie de l’automne et la triste ballade “Partir ou mourir” — écrite par Bailo un jeune guinéen taiseux, où il confie la violence mais aussi la nécessité de son exil — le film se termine par un été éclatant, où tou⋅tes, baigné⋅es dans la chaleur du soleil, chantent à tue-tête leur hymne ‘Vivants”. Au sein de cette bulle thérapeutique, ces hommes et ces femmes se reconnectent à leurs émotions et contrent la solitude qu’apporte l’exil. Ces exilés, que l’on appelle plus communément “réfugiés” ou “migrants” car c’est plus simple et cela forme une distanciation pour qu’on ne se sente pas concerné, reprennent le fil de leur histoire et sortent de l’omerta. « On n’est pas un migrant, quand on traverse l’enfer / Et moi je me refuse de n’être qu’un migrant » chante Bailo dans sa chanson “En vérité”, où il dénonce la silenciation à laquelle sont confrontés ces survivant⋅es. Cécile Allegra signe, avec ce bouleversant documentaire, la découverte d’un nouveau langage afin d’exprimer l’indicible.


Laura Enjolvy


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