[CRITIQUE] : Saint Omer
Réalisatrice : Alice Diop
Acteurs : Kayije Kagame, Guslagie Malanda, Valérie Dréville,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Drame, Judiciaire.
Nationalité : Français.
Durée : 2h02min.
Synopsis :
Rama, jeune romancière, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France. Mais au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement.
Critique :
Au-delà de son triomphe à la dernière Mostra de Venise, il y avait une curiosité réelle à découvrir le premier long-métrage de fiction de la réalisatrice Alice Diop, d'autant qu'elle ne s'extirpe pas totalement du carcan du documentaire qui lui sied si bien, en s'attachant à un fait divers ayant frappé nos contrées - une jeune mère sénégalaise ayant tué sa fille de 15 mois, dans la petite ville du Nord de Saint Omer.
Évitant tout prisme conventionnel pour esquisser son drame procédural, la cinéaste joue la carte de l'audace et de la distance paradoxalement intime, en le scrutant autant au travers des yeux de l'accusée, Laurence Coly (formidable Guslagie Malanga), que de ceux d'une jeune romancière également d'origine africaine, Rama (excellente Kayije Kagame, qui peut se voir comme l'alter-ego d'Alice Diop), pour mieux nourrir une perspective intersectionnelle faussement factuelle et captivante autant sur le genre et l'ethnicité que sur la maternité.
Un prisme pas si éloigné finalement du récent et magnifique Les Enfants des Autres de Rebecca Zlotowski, qui scrutait la pression sociale subit par les femmes d'un point de vue subtil et féministe.
Toute la filmographie d'Alice Diop fut motivée par la volonté louable de donner la parole à ceux qui ne sont jamais entendus, leur donnant la possibilité de parler d'eux-mêmes pour mieux confronter leurs mots à un auditoire qui, lui aussi, trouvait comme rarement des personnes vivant des expériences similaires.
Faire que le cinéma parle et soit une affaire de tous, un leitmotiv qui est vissé aux chevilles même de Saint Omer où tout n'est question que de parole et d'écoute, une histoire construite à travers les voix où les mots s'entremêlent aux regards de ceux qui jugent souvent sans vouloir comprendre.
Ainsi, au-delà même du personnage de Laurence, la cinéaste dresse un constat sur les maux qui gangrènent durement notre société (le racisme, la lutte des classes, la place des femmes,...) avec en toile de fond le mythe de Médée, représentation à la fois de la partie la plus sombre et la plus irrationnelle de l'être humain mais aussi le symbole d'une société contemporaine qui tisse un voile noir sur la responsabilité des femmes lorsqu'elles décident d'être mères ou non (être jugée sur les apparences, quoi que l'on choisisse où fasse), mais aussi les critères socio-culturels pour être une " bonne mère " (entre vision furieusement patriarcale et héritage parfois lourd à porter).
Mis en scène avec justesse et embaumé dans une photographie aérienne de Claire Mathon, Saint Omer se fait une expérience aussi fascinante et bouleversante que profondément radicale où les non-dits tout comme les minuscules petits détails font toute la différence, où le moindre mot et le moindre regard sont les véhicules puissants pour interroger le spectateur et le bousculer.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Kayije Kagame, Guslagie Malanda, Valérie Dréville,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Drame, Judiciaire.
Nationalité : Français.
Durée : 2h02min.
Synopsis :
Rama, jeune romancière, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France. Mais au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement.
Critique :
#SaintOmer où une expérience aussi fascinante et bouleversante que profondément radicale où les non-dits tout comme les minuscules petits détails font toute la différence, où le moindre mot et le moindre regard sont les véhicules puissants pour interroger/bousculet le spectateur. pic.twitter.com/G29b76vBFz
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 20, 2022
Au-delà de son triomphe à la dernière Mostra de Venise, il y avait une curiosité réelle à découvrir le premier long-métrage de fiction de la réalisatrice Alice Diop, d'autant qu'elle ne s'extirpe pas totalement du carcan du documentaire qui lui sied si bien, en s'attachant à un fait divers ayant frappé nos contrées - une jeune mère sénégalaise ayant tué sa fille de 15 mois, dans la petite ville du Nord de Saint Omer.
Évitant tout prisme conventionnel pour esquisser son drame procédural, la cinéaste joue la carte de l'audace et de la distance paradoxalement intime, en le scrutant autant au travers des yeux de l'accusée, Laurence Coly (formidable Guslagie Malanga), que de ceux d'une jeune romancière également d'origine africaine, Rama (excellente Kayije Kagame, qui peut se voir comme l'alter-ego d'Alice Diop), pour mieux nourrir une perspective intersectionnelle faussement factuelle et captivante autant sur le genre et l'ethnicité que sur la maternité.
Copyright SRAB FILMS ARTE FRANCE CINÉMA 2022 |
Un prisme pas si éloigné finalement du récent et magnifique Les Enfants des Autres de Rebecca Zlotowski, qui scrutait la pression sociale subit par les femmes d'un point de vue subtil et féministe.
Toute la filmographie d'Alice Diop fut motivée par la volonté louable de donner la parole à ceux qui ne sont jamais entendus, leur donnant la possibilité de parler d'eux-mêmes pour mieux confronter leurs mots à un auditoire qui, lui aussi, trouvait comme rarement des personnes vivant des expériences similaires.
Faire que le cinéma parle et soit une affaire de tous, un leitmotiv qui est vissé aux chevilles même de Saint Omer où tout n'est question que de parole et d'écoute, une histoire construite à travers les voix où les mots s'entremêlent aux regards de ceux qui jugent souvent sans vouloir comprendre.
Ainsi, au-delà même du personnage de Laurence, la cinéaste dresse un constat sur les maux qui gangrènent durement notre société (le racisme, la lutte des classes, la place des femmes,...) avec en toile de fond le mythe de Médée, représentation à la fois de la partie la plus sombre et la plus irrationnelle de l'être humain mais aussi le symbole d'une société contemporaine qui tisse un voile noir sur la responsabilité des femmes lorsqu'elles décident d'être mères ou non (être jugée sur les apparences, quoi que l'on choisisse où fasse), mais aussi les critères socio-culturels pour être une " bonne mère " (entre vision furieusement patriarcale et héritage parfois lourd à porter).
Copyright SRAB FILMS ARTE FRANCE CINÉMA 2022 |
Mis en scène avec justesse et embaumé dans une photographie aérienne de Claire Mathon, Saint Omer se fait une expérience aussi fascinante et bouleversante que profondément radicale où les non-dits tout comme les minuscules petits détails font toute la différence, où le moindre mot et le moindre regard sont les véhicules puissants pour interroger le spectateur et le bousculer.
Jonathan Chevrier